2e PARTIE

"Vous ferez mieux courir cette voiture que nous et cela nous coûtera beaucoup moins cher" déclare Ferry Porsche à l'intention de John Wyer. Emu en dépit de son flegme légendaire, le Britannique accepte l'offre de Porsche. Après six ans d'une collaboration souvent orageuse avec Ford, le meilleur team manager du moment décide de relever ce nouveau défi. Il va remplir son contrat sans faillir. Sous les couleurs Gulf, les Porsche 917 seront sacrées deux fois championnes du monde.

C'est à Sebring, en mars 1969, que Rico Steinemann, le directeur sportif de Porsche noue les premiers contacts avec John Wyer. Au plus fort du duel qui oppose les deux équipes, dire que Wyer fut à ce moment l'homme le plus surpris du monde est sans doute un pale euphémisme. Il promet alors de réfléchir mais sa décision est déjà prise. Pour lutter, en 1970, contre les Porsche 917 -de véritables prototypes de 5 litres déguisés en voitures de sport- Wyer ne dispose que de ses GT 40 au bord de la retraite et de sa Mirage à moteur 3 litres encore peu compétitive. D'avance il se sait battu et l'offre de Porsche ne peut que le combler.

L'accord signé pendant l'été 69 définit clairement les rôles des deux partenaires. L'usine de Slough se transforme ainsi en base avancée de l'usine de Stuttgart, John Horsman, le directeur technique prend en charge la préparation des sept châssis de 917 alloués au team Gulf tandis que l'entretien et l'évolution des moteurs reste confiée à l'usine. La première prise de contact de l'équipe Wyer avec la Porsche 917 a lieu en octobre lors de tests organisés sur la piste de Zeltweg. Dès les premiers tours de roues, Wyer et Horsman sont autant impressionnés par la puissance de la 917 qu'effarés par son manque total de stabilité en appui. Horsman, partant de constations purement empiriques, va improviser un capot arrière doté d'une ligne ascendante amenant ainsi les filets d'air à lécher en permanence les becquets arrière. La vitesse de pointe chute sensiblement mais les temps sont de suite améliorés et les pilotes jugent la 917 enfin conduisible. Les ingénieurs aérodynamiciens de Porsche se chargent alors d'affiner le bricolage de Horsman et de lancer la production de 25 exemplaires pour l'homologation. C'est en janvier 1970 que la 917 "new look" effectue sa première sortie lors d'essais préliminaires à Daytona. Siffert-Redman, l'équipage vedette de la saison 69, et Rodriguez associé au Finlandais Leo Kinnunen se partagent les deux 917 bleu-pale et orangé.

Si Wyer parvient à réaliser un doublé de bonne augure à Daytona, cette première épreuve lui réserve cependant une très mauvaise surprise. Alors qu'il se croit assuré du soutien total de l'usine, il voit soudain débarqué une écurie "Porsche bis", montée par Ferdinand Piech, avec l'aide sa mère Louise, soeur de Ferry Porsche et propriétaire de la filiale autrichienne de la marque. Jaloux des prérogatives accordées à Wyer et bénéficiant d'une aide directe de l'usine, Piech sera plus un adversaire qu'un allié. Irrité par cette cohabitation qu'il juge d'abord peu diplomatique, Wyer redoute surtout une dispersion des efforts et une concurrence stérile entre les deux équipes. Même si Ferry Porsche lui réitère sa confiance et que le courant passe très bien entre les ingénieurs allemands et John Horsman, les faits ne vont pas tarder à confirmer ses craintes. Ainsi à Monza, il manque de perdre son flegme légendaire lorsqu'il s'aperçoit que le seul nouveau moteur 5 litres disponible se trouve sous le capot de la 917 de Porsche Salzburg. Sa colère tourne ensuite à l'amertume quand il finit par déchiffrer clairement les intentions de Porsche: à Wyer le championnat du monde mais les 24 heures du Mans pour l'usine qui n'hésite pas ressortir des versions longues queues de la 917. Essuyant deux échecs consécutifs au Mans en 1970 et 71, Wyer soulignera clairement dans ses mémoires* sur le fait qu'il avait été battu par des voitures usines courant contre lui. Respectueux de son contrat, le Britannique évitera de soulever de vaines polémiques à l'époque et s'acquittera de sa tâche avec un zèle inégalé. Les statistiques parlent d'elles-mêmes : 7 victoires sur 10 épreuves de championnat du monde en 1970, dont deux doublés et seulement abandons sur 19 départs.

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