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2. Essai - La Praga Bohema est sidérante sur circuit et délirante sur la route

 

Voilà la Bohema dans son environnement naturel : le Paul Ricard, genre de circuit rapide où elle peut exploiter ses performances pour démolir tout ce qui y roule.
Voilà la Bohema dans son environnement naturel : le Paul Ricard, genre de circuit rapide où elle peut exploiter ses performances pour démolir tout ce qui y roule.

Dès la seconde suivant l’installation au volant dans cette supercar si différente des autres sportives d’exception, on se sent en osmose totale avec elle. De la position de conduite absolument géniale jusqu’au ressenti des commandes en passant par la vision vers l’avant qui permet d’ailleurs de voir les roues et une partie des suspensions, tout donne l’impression de conduire une voiture parfaite pour la piste mais sans la rusticité habituelle des autos de compétition. Après le démarrage du moteur au plafonnier, il faut ensuite utiliser la molette en haut à gauche du volant pour configurer la voiture. Le mode « Road » conserve un niveau maximal d’antipatinage, d’ESP et d’ABS pour la route, mais il permet aussi de démarrer la voiture sans utiliser l’embrayage manuel. Car oui, cette supercar possède une boîte séquentielle de course (de chez Hewland) au lieu d’une transmission à double embrayage ou d’une manuelle automatisée ! Elle se conduit comme une boîte automatique dans ce mode Road, mais pas dans les autres positions (Sport, Race et Race +) imposant d’embrayer à la main pour passer la première. Il s’agit d’un détail important car si vous revenez à l’arrêt dans un autre mode que le Road, la voiture cale !

Une fois lancée en mouvement, la voiture demande juste d’être méticuleux avec l’accélérateur en première vitesse.
Une fois lancée en mouvement, la voiture demande juste d’être méticuleux avec l’accélérateur en première vitesse.

Une foi lancé dans la pitlane du circuit Paul Ricard, la sensation d’osmose demeure malgré le hoquètement dès qu’on relâche un peu l’accélérateur en première (boîte séquentielle de course oblige). Puis, sitôt la piste rejointe, la boucherie commence. Mode Sport activé, la Bohema disperse et ventile en toute facilité. J’essaie la voiture, grâce au magazine Motorsport en compagnie de Patrick Garcia, dans le cadre d’un « track-day » Curbstone où évoluent des autos de course de la catégorie GT4 en pneus slick, mais aussi quelques Dallara Stradale également chaussées de gommes réservées au circuit. Naviguer au milieu de ces voitures certes préparées à 100 % pour la piste et équipées de slicks mais nettement moins puissantes, c’est comme jouer un combat de boxe contre des enfants de 12 ans : c’est satisfaisant mais pas très équitable !

On se sent vraiment comme un foetus !
On se sent vraiment comme un foetus !

En ressenti subjectif, l’intensité de la poussée en ligne droite dans les relances se situe entre l'univers des super-sportives déjà très costaudes comme la McLaren 750S et celui des supercars du genre de la Bugatti Chiron, mais avec une linéarité très surprenante. Et sur ce billard bien lisse au grip généreux, les Michelin Pilot Sport Cup 2R chaussant notre exemplaire parviennent à motricer sans la moindre gêne. Outre les clics satisfaisants des palettes (tout ce qu’on touche dans cette voiture paraît vraiment qualitatif !), la boîte séquentielle égraine les rapports avec fulgurance et brutalité, tout en offrant aussi une réactivité parfaite aux rétrogradages. Dans les freinages, la pédale de gauche dure sans assistance doit d’écraser à fond comme dans une vraie voiture de course, avec un feeling plus « brut » que dans une McLaren. La direction extrêmement rapide mais assez légère rappelle vraiment l’univers des voitures de course et la Bohema paraît toute-puissante sur ce grand circuit.

La meilleure voiture du monde sur circuit ?

Je n’avais jamais ressenti de ma vie cette sensation de conduire une voiture à la fois si performante et si naturellement facile à piloter sur circuit. Je n’ai pas poussé la voiture dans ses derniers retranchements avec seulement quatre tours du grand circuit Paul Ricard, mais la Bohema semble faite pour rouler comme une voiture de course sans la moindre entrave. Quand on commence à tirer un peu sur le train avant et contraindre la voiture, on découvre aussi une auto facile à lire et progressive. On sent d’abord le nez élargir quand on atteint la limite de grip dans les portions lentes, la voiture pivote bien mais paraît imperturbable dans les virages plus rapides et pas trop vive au lever de pied, plutôt neutre dans ses réactions. En fait, on se sent vite en sous-vitesse dans les virages tant elle paraît pouvoir passer fort ! Sans surprise, les impressions de conduite se situent à l’exact opposé d’une Bugatti Chiron avec laquelle je me catapultais encore plus fort dans les lignes droites de ce même circuit, avant de devoir attendre patiemment dans les virages où le sous-virage apparaissait infiniment plus tôt. En mode Sport, on ne se sent jamais gêné par l’intervention de l’antipatinage dans les sorties de virage. Notez que la position Race rend l’antipatinage et l’ESP encore moins présents et la position Race +, plutôt pensée pour le roulage en pneus slick, supprime toutes les aides (dont l’ABS) à 95 %.

La Praga Bohema génère officiellement 950 kg d'appui à 250 km/h. A plus de 300 km/h, elle peut rouler au plafond sans problème. 
La Praga Bohema génère officiellement 950 kg d'appui à 250 km/h. A plus de 300 km/h, elle peut rouler au plafond sans problème. 

Et ce V6 biturbo, loin des hurlements frissonnants d’un V12 atmosphérique Lamborghini, ne constitue pas non plus un frein au plaisir. Non seulement sa courbe de puissance et de couple lui donne une patate monumentale dès les bas régimes, mais il délivre aussi une sonorité intéressante avec un grognement constant et des bruits d’admission enjoués lors des phases de pleine charge. Son caractère s’approche logiquement du bloc de la GT-R, mais avec des performances forcément plus violentes en raison de la masse de la voiture et davantage de bruit à bord. Au bout du quatrième tour, je rentre dans la voie des stands avec la frustration de ne pas passer des heures entières pour explorer le plein potentiel de cette machine très au-dessus de tout ce qu’il m’ait été donné de conduire ici avec des plaques d’immatriculation sur la carrosserie.

Au fait, Praga revendique un chrono à deux dixièmes du record de l’Aston Martin Valkyrie sur la piste de Top Gear et devant le temps de la Koenigsegg Jesko ainsi que celui de la Caparo T1, cette espèce de Formule 1 homologuée pour la route en Angleterre dont le concept a d’ailleurs inspiré celui de la Valkyrie et de la Bohema. Lors d’une tentative sur le circuit de Monza un peu improvisée pendant un track day, la Bohema a signé un temps à 2 secondes et 8 dixièmes du record de la Mercedes-AMG One sur ce tracé. Sachant qu’elle ne dispose même pas de pneus réalisés sur-mesure (Praga utilise des Michelin Pilot Sport Cup 2R ou des Pirelli P-Zero Trofeo RS simplement achetés dans le commerce) contrairement à l’Allemande et à la plupart des supercars des grandes marques, il lui reste sans doute une petite marge de progression.

Sur la route, ça fait quand même un peu peur

Et sur la route, elle donne quoi cette Praga Bohema ? Pour le savoir, on laisse la petite équipe du constructeur tchèque travailler un peu sur la voiture : dotée d’amortisseurs réglables manuellement, elle laisse le choix entre trois positions de hauteur châssis. Les deux premières se réservent au circuit et la troisième se dédie à la route, avec un niveau pensé pour éviter de frotter contre les dos d’ânes. Il faut environ 20 minutes pour changer la hauteur de caisse.

Sur la route, l’amortissement est plus agréable que la boîte de vitesses.
Sur la route, l’amortissement est plus agréable que la boîte de vitesses.

Vingt minutes plus tard, donc, je pars au volant avec Patrick Garcia installé dans le siège passager. Je sens l’odeur de ses dessous de bras et son haleine laissant percevoir une légère déshydratation, mais pas ses coudes ni ses genoux dans cet habitacle exigu mais incroyablement bien pensé. Alors qu’elle paraissait plutôt souple sur le billard du Paul Ricard, elle devient inévitablement beaucoup plus raide dans un environnement routier classique (plus que des autos du genre de la Lamborgihini Revuelto ou la Ferrari SF90). Surtout, la boîte séquentielle si efficace sur circuit devient récalcitrante dans ces conditions. Il faut apprendre à doser soigneusement l’accélérateur pour éviter les énormes à-coups qu’envoie cette transmission de course, qui ferait passer la boîte de l’ancienne Lamborghini Aventador pour une transmission de limousine.

Quelle serait votre réaction si vous croisiez cette voiture sur la route ?
Quelle serait votre réaction si vous croisiez cette voiture sur la route ?

Malgré la superbe visibilité vers l’avant, le trois quart arrière totalement bouché et l’absence de rétrovision centrale compliquent aussi les choses même si on peut heureusement compter sur des rétroviseurs latéraux presque panoramiques (et joliment fixés sur la crash-box). On se sent forcément moins à l’aise que sur le Paul Ricard mais l’amortissement reste tout de même supportable. La voiture rebondit un peu sur les bosses, mais moins que l’extravagante Abt XGT essayée l’année dernière et son châssis d’authentique voiture de course. En revanche, la boîte séquentielle nécessite davantage de travail que la double embrayage de l’Allemande : comme j’ai pu l’expérimenter lors d’un demi-tour scabreux sur la route, le rayon de braquage est camionnesque et surtout, la voiture peut caler lorsqu’on fait trop patiner l’embrayage en première à l’arrêt avec le volant braqué au maximum. Stressant au début, mais il suffit en fait d’accélérer plus vigoureusement et sans hésitation pour éviter ce phénomène. J’avais aussi peur de toucher la lame avant en carbone lors des manœuvres sur les accotements mais la voiture semble posséder une bonne marge à ce niveau avec l’amortissement en position routière. Peut-être plus, finalement, qu’une Lamborghini Revuelto pourtant plus « urbaine » !

Si cette chose apparaît dans votre rétroviseur central, vous la laissez passer ?
Si cette chose apparaît dans votre rétroviseur central, vous la laissez passer ?

Et la Praga Bohema sur la route une fois le mode d’emploi assimilé, ça colle aussi de sacrés frissons. Dans son mode « Road », la puissance passe bien au sol malgré la raideur de l’amortissement et on peut accélérer en grand sans risquer le patinage ou la perte de contrôle sur des portions bosselées. Les mises en vitesse paraissent délirantes et la direction lit beaucoup la route (mais quand même moins que celle de l’Abt XGT). Il faut se forcer à écraser très fort la pédale de gauche pour ralentir l’auto mais dans ce cadre aussi, le potentiel de performances de la Bohema paraît sans limites. Dieu que j’aurais aimé partir explorer le Col de l’Espigoulier avec elle ! Ah et sans casque sur la route, on se rend aussi vite compte que le volume sonore du moteur à bord s’approche de celui d’une Alpine A110 R Ultime ou d’une Porsche 718 Cayman GT4 RS. Tant mieux pour l’intensité de l’expérience mais pour discuter avec votre voisin et partir en voyage, il faudra un peu de courage. Exception faite de sa boîte qui nécessite un sérieux temps d’adaptation, cette Bohema parvient tout de même à respecter sa promesse de pouvoir rouler hors des circuits. L’Aston Martin Valkyrie peut le faire aussi, mais il paraît qu’elle tombe très souvent en panne. La Tchèque, elle, reste beaucoup plus simple mécaniquement et ça fait aussi partie de la philosophie voulue par l’équipe de Praga. Ses créateurs ne veulent surtout pas qu’elle passe l’intégralité de son temps à l’arrêt dans des garages de luxe.

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