Voiture électrique et appartement : le parcours du combattant pour avoir une borne
Aujourd’hui, 5 Français sur 10 vivent en appartement. En 2035, les seules voitures neuves disponibles en concession seront électriques. Or, sans recharge à domicile, la voiture électrique devient problématique. Mais est-ce si facile de se faire installer une borne ? Non ! Et ce, malgré le fameux « droit à la prise ».

Ce sont environ 14 millions de Français (d’après l’INSEE) qui ont, pour résidence principale, un appartement, dont 13 millions en copropriété.
Il reste neuf ans avant que seules des voitures électriques neuves soient proposées en concession. C’est, en tout cas, le fantasme de l’Europe. Les voitures, justement, ont, comme tout depuis la sortie du COVID, vu leurs prix bondir. Comptez entre 20 % et 40 % depuis 2017. Les assurances ont, elles aussi, augmenté. Tout ceci a fortement contribué à l’adoption de financements en LOA et LLD pour accéder aux véhicules neufs. Les gens calibrent leur budget sur une dépense fixe, au diable la possession.
Donc il y a fort à parier que 2035 va engendrer un raz de marée de voitures électriques. Encore faut-il pouvoir remplir son réservoir d’électrons. Et c’est bien là, tout le problème.
Le mirage d’un droit à la prise dans un environnement collectif
La rédaction de cet article a commencé il y a 3 ans. Je roulais en hybride rechargeable, habitais au rez-de-chaussée et rechargeais ma voiture sur une prise secteur, avec l’accord de voisins qui acceptaient de voir le câble passer par chez eux pendant 4 heures par jour, laissant entrer le froid en hiver et la chaleur en été. Ils étaient cool mes voisins, quand j’y repense. J’étais seul et la curiosité pour l’électrification avait visiblement effacé quelque peu la gêne. J’exploitais aussi les charges lentes des bornes AC Lidl. Le coût de chacune d’entre elles était alors de 3 €, un montant tolérable qui, associé au nombre de pleins d’essence, rendait le combo judicieux.
Puis j’ai déménagé dans un immeuble fraîchement sorti de terre (décembre 2022). Je me suis dit qu’entre les nouvelles normes et le droit à la prise, le passage à un véhicule tout électrique était une bonne idée, car il serait simple d’avoir une borne de recharge. Que nenni ! Cela s’est avéré bien plus compliqué. Des faits d’ailleurs rarement mentionnés, ni dans la presse ni dans les reportages. À entendre les promoteurs du VE, on croirait que tous les propriétaires de véhicules électriques vivent en maison individuelle.
Le « droit à la prise » ressemble à un joli pansement du gouvernement appliqué sur une plaie qu’il a lui-même provoquée. En théorie, ça pourrait aller, mais nous ne vivons pas en théorie.
Je mets de côté l’ironie de l’habitation en maison individuelle, plus propice à l’adoption d’un véhicule badgé « écologie » que l’habitation collective. Mais nous ne sommes plus à un paradoxe près.
Disclaimer
Avant d’attaquer le sujet, sachez que cet article ne fait ni l’apologie, ni le procès de la voiture électrique. Elle offre une solution intéressante, comme beaucoup d’autres véhicules. Nous avons d’ailleurs la chance de vivre à une époque de choix. Et pour chacun d’eux, de profiter de technologies abouties.
J’ai acheté un véhicule électrique (qui ne bénéficiait d’ailleurs pas du bonus écologique), sans avoir de quoi charger au travail, ni avoir de solution à domicile. Un choix acté, voulu, réfléchi (quoi que) et surtout assumé. Cet article a pour but d’informer, pour que vous puissiez savoir dans quoi vous mettez les pieds.

Les clés du nouvel appartement, le parking collectif de 230 places et le couple à la ZOE
Décembre 2022, je récupère les clés de notre nouvel appartement. 151 logements, 230 places de parking. Dans ma tête, installer une borne de recharge sera une formalité. Et dans les faits, ce n’est pas problématique. Tant que c’est pour deux ou trois places. Au-delà, les problèmes arrivent.
Ce fut le cas d’un couple, propriétaire d’une Renault ZOE, qui a réalisé la démarche : un dossier dûment rempli, envoyé au syndic. Mois d’un mois plus tard, la borne était là. Reliée au TGBT, elle tournait sur un tarif jaune que l’entrepreneur avait omis de modifier et qui a mis du temps à être changé. Le couperet financier est tombé en fin d’année, avec plus de 2000 euros de facture d’électricité. Autant rouler en V6. Mais ici, ni la voiture électrique, ni le gouvernement ne sont en cause : il s’agit simplement d’une erreur. Mais une erreur qui a coûté cher aux propriétaires de la seule place bornée. Car ne rêvez pas : pour alimenter les bornes, il faut les relier au TGBT, qui fonctionne avec un tarif spécifique. Et le coût de cet abonnement, ainsi que la facturation du kWh qui en découle, doit être pris en compte. Faute de quoi, le VE ne sera pas si rentable.

De mon côté, j’ai troqué mon Tarraco E-hybrid (un PHEV de très bonne facture par ailleurs) pour un Tesla Model Y. La crise de la quarantaine s’est effacée devant la volonté d’une caisse capable de faire de la ville et de la route. Oui, le vélo c’est bien, mais pas adapté à toutes les situations. À moins d’habiter proche de métropole, où le coût du mètre carré est élevé. C’est que la réalité financière rattrape souvent l’idéologie politique qui en est en grande partie responsable.
Le fameux « droit » à la prise ou comment être individualiste dans un habitat collectif
« Le droit à la prise », souvent évoqué, n’a rien de nouveau. Il a été instauré par la loi n°2010-788 du 12 juillet 2010 (loi Grenelle II) puis renforcé par le décret n°2020-1720 du 24 décembre 2020. Il concerne à présent tous les parkings en copropriété, même ouverts ou non clôturés.
En gros, vous faites une demande de devis par un professionnel certifié IRVE et soumettez votre dossier au syndic, qui ne peut pas refuser sauf pour deux exceptions (dont nous allons parler juste après). Tous les frais vous sont imputables et l’État, à l’heure de rédaction de ces lignes, vous subventionnera votre installation de borne certifiée IRVE à hauteur de 600 euros. Il y a également la possibilité de déduire 500 euros des impôts, déduction qui passera à la trappe en 2026.

Dès lors, vous serez relié au TGBT (tableau général basse tension), point de distribution principal de l’électricité dans un immeuble. Votre kWh sera indexé sur celui payé par la copro pour alimenter les parties communes.
Alors quand il y a deux ou trois voitures branchées, ça va. Mais s’il y en a une dizaine, qui chargent généralement aux mêmes heures creuses, ça demande de tirer plus de jus. Il faut alors augmenter la puissance kVA du compteur de la copro, ce qui a une petite influence sur le coût total d’électricité. C’est léger, de l’ordre de quelques euros. Mais vous vous devez de le signaler aux autres habitants et forcément, ça ne va pas plaire, surtout aux personnes qui se fichent de la bagnole et n’ont souvent pas les moyens d’en changer.
Autre chose : la consommation est relevée puis facturée par le syndic. Bémol : ces facturations sont généralement annuelles. Vous le voyez venir : si le syndic réclame 1 300 euros en fin d’année, il peut se retrouver face à un copropriétaire mauvais payeur, à qui il est illégal de couper l’alimentation de la borne. Il suffit alors de 10 mauvais payeurs pour faire un gros trou dans la compta de la copro. Pour pallier cela, il est possible que le syndic établisse un montant trimestriel à payer. Une régulation est alors faite en fin d’année.
Les deux exceptions interdisant de « borner »
La première est la mise en danger du système électrique de la copropriété. Si c’est le cas, alors les travaux de mise aux normes sont à voter par l’ensemble de la copro et, bien souvent, les habitants voudront qu’ils soient imputables aux seuls volontaires de la mise en place de bornes, rendant l’installation financièrement exorbitante.
La seconde exception est la plus courante : la copropriété choisit une solution collective. Dès lors que ce choix est voté, il est impossible de choisir autre chose.
La solution collective : la facilité a un prix
Afin d’éviter les solutions faites à l’arrache et celle impliquant la compta de la part du syndic, il est possible de se tourner vers des solutions collectives. Des solutions qui, en plus, s’occupent de gérer les démarches auprès des aides de l’État.
Ces solutions collectives se nomment Zeplug ou Waat. Elles proposent d’équiper la copropriété, de fournir l’infrastructure, les bornes et l’électricité. Le tout sous la forme d’un abonnement. Résultat : vous êtes tributaire des conditions générales de vente (parfois floues et incomplètes) et du tarif pratiqué.
Zeplug permet de repasser sur une solution standard, sous réserve que ce soit accepté par la copro, ce qui n’est pas gagné. Pour les raisons précédemment évoquées.
Waat ne le permet pas. C’est d’ailleurs eux que nous avions choisis initialement pour notre immeuble, avant de nous rétracter.
Les bornes sont affichées à des prix élevés (plus de 2000 euros pour une 7,4 kW). Les choix sont d’ailleurs discutables (avec certains modèles bas de gamme). Il y a un abonnement à payer et dont le prix peut augmenter sans que cela soit un motif pour arrêter la souscription.
En cas de déménagement, vous restez redevables des coûts de connexion. Comptez 1 000 euros, sauf si vous optez pour une formule qui permet de rendre ce montant dégressif au fil du temps.
Il y a différentes formules qui permettent à la copropriété de devenir propriétaire de l’infrastructure, sous conditions.
Tout ceci mis bout à bout, cela peut chiffrer. La seconde année, l’abonnement mensuel de Waat passe de 9,90 € à 14,90 €. Le prix du kWh change chaque année. Son augmentation n’est pas un motif de résiliation.

Il existe des formules sans engagement, mais le coût du kWh est élevé et l’infrastructure ne vous appartient pas.
Le coût réel de l’électricité à domicile
C’est le nerf de la guerre et probablement le meilleur levier pour la voiture électrique.
L’État aide les habitants en copropriété à hauteur de 600 € de prime ADVENIR et 500 euros de déduction d’impôts qui n’existera plus en 2026. Les bornes reviennent donc à 900 euros en moyenne.
Pour comprendre le prix, il faut un équivalent.
Aujourd’hui, une voiture hybride consomme entre 3,8 et 5,6 l/100 km en moyenne. Nous retiendrons 5 l/100 km.
Une voiture électrique, entre 15,5 et 22,5 kWh/100 km. Il faut ajouter la déperdition énergétique et pour simplifier, prendre une base de 20 kWh/100 km.
À 1,7€/L d’essence ça donne un coût de 8,50 €/100 km pour l’hybride.
Sur Waat, en intégrant l’évolution du tarif sur les deux premières années et le prix de l’abonnement, nous obtenons 6,93€/100 km.
En passant par des bornes individuelles reliées au TGBT et la compta du syndic, ça donne 3,80 €/100 km.
|
Energie |
Essence |
Waat |
Facturation Syndic |
Electra | Tesla Superchargeur |
|
Coût du L ou du kWh en heures creuses/heures pleines |
1,7 € |
0,19 €/0,27 € |
0,18 €/0,24 € |
0,29 € avec abonnement |
0,18 €/0,38 € |
|
Coût de l’abonnement par mois/par an |
0 |
9,90 € puis 14,90 €/118,80 € puis 178,80 € |
0 |
9,99 €/119,88 € |
0 si Tesla, sinon 9,90 €/118,80 € |
|
Coût aux 100 km heures pleine |
8,50 |
5,40 € |
4,80 € |
5,80 € |
3,60 € |
|
Coût aux 100 km heures creuses |
8,50 |
3,80€ |
3,60 € |
5,80 € |
7,60 € |
|
Prix de la borne avec installation, aide de 600 € déduite |
0 |
1 600 € |
1 381 € |
0 | 0 |
Globalement, le tarif est plus abordable en électrique qu’en thermique. Le prix de la borne est à considérer. C’est un budget et il faut pouvoir l’assumer à l’instant T. Mais une fois acquise, vous êtes tranquille (tant qu’elle fonctionne). D’un autre côté, l’entretien d’un véhicule thermique est plus important que celui d’un VE. Et encore, les hybrides japonaises sont particulièrement économiques sur ce point.













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