Maurice Trintignant, Jean Behra, Jean-Pierre Beltoise, François Cevert et bien d'autres firent la gloire du sport automobile français. Et puis, Alain Prost arriva. Il fut le premier champion du monde de F1 et termina sa carrière dans le sillage immédiat de Juan-Manuel Fangio, le plus grand pilote de tous les temps. Alain Prost, ce petit homme de 167 cm, lui aussi est grand. Incroyablement déterminé, calculateur et sûr de son talent, il n'a jamais douté. Son parcours initiatique fut aussi sans faille.

Installé sous un parasol, le loueur de karting regarde d'un oeil amusé cet adolescent qui s'installe maladroitement dans le baquet du mini bolide. Il est à la fois sceptique et intrigué. Le "gamin" s'obstine à vouloir faire un essai malgré son bras dans le plâtre, mais enfin du moment où lui et sa bande de copains ont payé... Assis enfin dans le kart fatigué, Alain Prost constate alors qu'il peut actionner le petit volant d'une seule main et dès les premiers tours de roue, il n'est soudain plus là pour jouer. En 1970, le karting de loisir est encore assimilé à une attraction tenant plus de la fête forraine que de la compétition automobile. Pourtant, pour le néophyte tout devient rapidement très sérieux. Il soigne sa conduite, double, domine son engin, se montre plus adroit que les autres et il remporte cette mini course improvisée, un après midi de vacances sur la Côte d'Azur. Quelques jours plus tard, il reviendra, seul cette fois, en quète de confirmation. Il ne lui faudra pas longtemps pour que l'évidence s'impose: il est fait pour ça.

De retour à Saint-Chamond, sa ville natale, Alain se renseigne aussitôt sur l'existence d'un club de karting situé dans la région. Il le trouve à Rive-de-Gier, à quelques kilomètres de son domicile et s'y inscrit sans hésitation. Il lui faudra un an de patience pour assouvir sa nouvelle passion. Le temps de réunir la somme indispensable à l'achat d'un kart. Un an de privations et de petits boulots dans l'entreprise familiale de mbilier pour boucler enfin son premier budget de "pilote". Le kart de ses rêves est vétuste, le moteur poussif et il passe plus temps à bricoler qu'à rouler sur la piste. Mais qu'importe. Tous ces avatars ne font que renforcer sa détermination. Il abandonne alors le football, sa première passion, renonce à ses études de "prof de gym" et se lance dans un plan de financement plus ambitieux. Il travaille désormais presque à plein temps avec son père et se fait de l'argent de poche en assurant la préparation des moteurs des autres membres du club de karting. En 1972, il dispose maintenant d'une machine performante, multiplie les victoires dans les épreuves régionales et termine second du championnat de France junior.

Tout va alors très vite. Champion d'Europe junior, l'année suivante, il accède à un statut de pilote semi-officiel et rejoint l'équipe de France. Il est déjà plus qu'une révélation. Son talent est reconnu même si son agressivité dans les pelotons lui vaut de sérieuses inimitiés et parfois, des "troisièmes mi-temps" plus que houleuses. Ainsi, lors du Challenge Alazard, une épreuve qui attire les meilleurs spécialistes européens, il mène largement la finale quand un équipier belge du champion du monde François Goldstein le pousse dans l'herbe. Goldstein second lui ravit le commandement et gagne. C'en est trop ! Prost projette son adversaire hors de la piste, se rue sur lui et lui envoie un direct du droit en pleine face ! Le duel se termine en bagarre générale et une fois le calme revenu, Prost écope d'une suspension de six mois. Il va pourtant bénéficier d'un "permis blanc" pour disputer les championnats d'Europe. Vainqueur mais déclassé pour un dépassement un peu trop viril, Prost n'est pas loin d'être totalement dégouté du karting. Il disputera encore les championnats du monde, mais le coeur n'y est plus. Il a la tête ailleurs, l'esprit monopolisé par la finale du Volant Elf.

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