Suivi de ses chiens, l'homme à la veste de tweed arrive au sommet de la petite colline.

Devant lui, la lande écossaise s'étale à perte de vue. Appuyé sur sa canne, il savoure cet instant trop rare, s'imprègne des odeurs et des jeux de lumière. Chaque fois la magie opère. L'héritier du domaine d'Edington Mains oublie pendant quelques heures qu'il est le meilleur pilote du monde.

Jim Clark aime passionnément cet endroit. Après chaque saison de course, il y revient avec la même hâte retrouver les siens et l'univers de son enfance. Tout le destinait à passer sa vie sur cette terre sauvage. Cinquième enfant et unique garçon d'une famille de riches fermiers, Jimmy devait logiquement succéder à son père à la tête du vaste domaine. La voie est toute tracée par le chef du clan, mais pas imposée. Nul besoin d'ailleurs. L'attitude de son adolescent de fils le rassure pleinement.

Habitué à la liberté et au grand air, Jim supporte mal l'enfermement des collèges britanniques. Ses seuls moments d'évasion, il les trouvait à la bibliothèque du collège qui dans sa diversité, accueillait trois ouvrages consacrés au sport automobile. Une passion d'adolescent aussi intense que fugace.

Il ne sera jamais aussi heureux que le jour où il quitta l'uniforme de la "high school" pour revêtir celui de berger. Un bâton, un chien, de grands espaces liberté... C'est au détour d'un virage que la course automobile va le rattraper. En revenant de l'une de ses escapades dans la campagne, Jim voit soudain déboucher trois Jaguar C en glissade à la sortie d'une courbe. Une robe bleue nuit, des bandes blanches, il s'agit des voitures de l'Ecurie Ecosse en route pour une séance d'essais sur le circuit voisin de Winfields. Elles sont immédiatement avalées par le relief et seul le grondement rauque de leurs six cylindres persuade le jeune homme qu'il n'est pas victime d'une hallucination. Jamais, il n'a connu une émotion aussi intense. Le virus de la course vient de le frapper de plein fouet. Tous les vaccins seront impuissants.

Forum :

Lire aussi :