Selon l'Agence internationale de l'énergie (AIE), la Chine deviendra bientôt le plus gros émetteur de dioxyde de carbone (CO2). Le charbon représentera les trois quarts des émissions de CO2. Pour ce pays, la houille représente un enjeu stratégique et économique : elle en a besoin pour alimenter sa croissance et elle souhaite réduire sa dépendance pétrolière à ses fournisseurs du Moyen-Orient, d'Asie centrale et d'Afrique. Pour la Chine, dans la production d'électricité, le nucléaire et les énergies renouvelables seront marginaux. Il reste le gaz et surtout le charbon !

La Chine sait très bien que le charbon représente une menace environnementale. Mais elle tente de faire bonne figure en disant qu'elle veut être le laboratoire du charbon propre dans le monde avec les Etats-Unis (voir ma news du 05 avril) Elle explique les procédés : la gazéification et la liquéfaction du charbon permettent de capter plus facilement le CO2 et d'éviter son rejet dans l'atmosphère. Ils ont été élaboré dans les années 1920 par les Allemands (Bosch-Bergius, Fischer-Tropsch) : Hitler s'est ainsi passé de pétrole afin d'alimenter sa machine de guerre. L'objectif de l'ex-empire du Milieu : l'automobile doit rouler au charbon ! Dès le début de la prochaine décennie, les autorités prévoient la production à grande échelle de ce type de carburant. Le pays n'a encore que 25 voitures pour 1 000 habitants (contre 800 aux Etats-Unis) mais l'AIE estime que "leur nombre va exploser et que la demande de carburant augmentera de plus de 4,6 % par an au cours des deux prochaines décennies". Afin d'atteindre cet objectif, des énormes complexes industriels sont construits dans le nord de la Chine (le charbon abonde dans ces régions). Peter Fairley, spécialiste de l'énergie, a déclaré que "le pays prend ainsi une avance sur les Etats-Unis." Dans la province du Shaanxi et de la Mongolie-Intérieure sont présentes les mines et les usines géantes de Shenhua Group. Sur 31 000 km2, la première entreprise charbonnière chinoise extrait et transforme directement le charbon en liquide grâce au procédé Bergius. La numéro deux chinoise, Yankuang, a des projets dans la même région avec le procédé Fischer-Tropsch. Ce marché potentiel charme de grands groupes étrangers : des projets avec l'anglo-néerlandais Shell et le sud- africain Sasol sont à l'étude dans le nord de la Chine. Le gouvernement soutiendra ces programmes jusqu'à la production du premier baril au nom de la sécurité énergétique du pays, qu'ils soient rentables ou non. Les Chinois conçoivent également un programme expérimental nommé GreenGen : au milieu de la prochaine décennie sera réalisé un prototype de centrale de grande taille pouvant produire sans polluer de l'électricité et de l'hydrogène à partir du charbon, tout en captant et en séquestrant le CO2 et les autres gaz à effet de serre produits au cours du processus.

Certains experts chinois mettent en avant qu'"il existe un obstacle au développement de la liquéfaction du charbon : l'eau. Dans ces contrées aux mines géantes, c'est la pénurie d'"or bleu" qui risque de compromettre la production à grande échelle." Je vous préviens, le jeu de mot est facile : la Chine va devoir aller au charbon !

Source : Le Monde