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Macron et la France de derrière le périphérique

Dans Economie / Politique / Personnalités

Jean Savary

Et à la fin, Emmanuel Macron a gagné. On peut s'en réjouir ou s'en accommoder, mais il ne faut pas oublier qu'un pan entier du pays l'a rejeté. Mais je ne veux pas faire de politique et me contenter de parler d'automobile, ce qui n'est pas une si petite partie du sujet. 

Macron et la France de derrière le périphérique

Elle a voté comme on l'attendait la France de l'Est et du Nord, mais aussi de l'Ouest et du Sud, cette France "périphérique" * à l'écart des grandes métropoles régionales et de la prospérité, cette France de villages vieillissants et de petites villes désertées par l'industrie et les services publics. On a pourtant feint de s'en étonner... Et promis d'enfin s'en occuper : "(...) je ferai tout, durant les cinq années qui viennent, pour qu’ils n’aient plus aucune raison de voter pour les extrêmes." a promis le nouveau président de la République.

Chiche ? Je n'ai pas de recettes pour réindustrialiser, vaincre le chômage et la pauvreté, revitaliser l'éducation et les services publics et combattre la xénophobie. Mais à mon tout petit niveau de journaliste automobile, j'ai quelques idées qui pourraient améliorer la vie dans ces départements où l'on a peu entendu sauter les bouchons le 7 mai au soir.

Les terres de la voiture impérative

 Macron et la France de derrière le périphérique

S'il faut trouver un commun dénominateur à ces territoires souvent sinistrés, c'est le caractère indispensable que la voiture y a pris désormais. Sans transports en commun, dans des bourgs dont les gares ont depuis longtemps fermé, dont les commerces ont migré en périphérie et les services publics dans la grande ville d'à côté, où l'emploi n'est jamais en bas de chez soi, on ne survit plus et on ne travaille plus sans un minimum automobile. Les circonscriptions FN sont celles de la voiture impératrice et impérative.

Dans le Pas de Calais ou en Haute Saone, on ne parlera pas des perspectives fabuleuses ouvertes par la voiture autonome, des avantages incomparables de l'autopartage et de la "ringarditude" de la bagnole sale. Là bas, l'auto robot ne promet que la fin des derniers jobs de chauffeur, l'autopartage, ça fait longtemps qu'on le pratique entre voisins et collègues - et pas pour sauver la planète - et les seules voitures vraiment ringardes sont celles qui consomment trop.

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Bref, avant de leur parler de progrès, d'évolution ou de transformation, il faudrait déjà leur assurer les acquis de celle que nous a donné le XXème siècle : la bonne vieille automobile dont ils ne sont pas près de pouvoir se passer. Pour cela, voici trois toutes petites choses que l'on pourrait entreprendre, dont deux ne coûteraient strictement rien et la troisième créerait de l'emploi.

  Simplifier le permis de conduire

Macron et la France de derrière le périphérique

Pour créer de l'activité, il faut de la mobilité. Quand il était ministre de l'Economie, Emmanuel Macron l'avait maladroitement rappelé en se faisant tacler pour sa tirade sur l'illettrisme d'une partie des employées des abattoirs GAD en Bretagne, et sur la difficulté qu'elles auraient à obtenir le permis, indispensable pour retrouver du travail. Il avait raison, en France, pour conduire, il faut être lettré, capable de comprendre et bachoter 1000 questions pour la plupart subtiles, inutiles ou discutables. En somme maitriser parfaitement le français pour lire des panneaux et des marquages initialement conçus pour être compris des analphabètes et des étrangers de passage.

Il faut ensuite réussir une épreuve pratique si codifiée, formaliste et sélective qu'elle sanctionne davantage la gestion du stress que la conduite.

Dans le monde anglo-saxon, les conducteurs débutants obtiennent un permis facile et pas cher et pourtant, ils ne se tuent pas plus que chez nous. Le notre est devenu un chef d'oeuvre de pédagogisme sadique, avec un taux d'échec deux à trois fois plus important qu'au baccalauréat. Surtout, au final il s'avère être une monstruosité sociale et économique. Les ménages français y consacrent plus d'argent - 2000 € en moyenne - et leurs enfants parfois plus de temps et d'énergie que pour les études secondaires, celles qui devraient tracer le chemin de l'embauche. Embauche qui, dans les terres d'élection du FN, restera introuvable sans permis de conduire. Pôle Emploi considère d'ailleurs ce dernier comme un des trois principaux obstacles à l'employabilité des jeunes.

Il est même surprenant que dans le climat xénophobe qui a baigné la campagne électorale, on n'ait jamais entendu un responsable frontiste s'étonner du fait qu'une bonne part des travailleurs d'origine étrangère aient obtenu leur permis B par équivalence avec celui de leur pays d'origine. Des permis obtenus bien plus facilement que chez nous, parfois purement achetés et qui leur permettent souvent d'être chauffeur-livreur, conducteur de taxi ou de VTC. Ont-ils plus d'accidents que les français passés par la moulinette de nos inspecteurs ? Non et pour une raison bien simple : notre formation au permis est à 80 % inutilement complexe, sélective et coûteuse. Il est plus que temps de l'alléger, radicalement. Et convertir les moniteurs d'auto-école qui manqueraient d'heures au perfectionnement et à la rééducation des seuls conducteurs "infractionnistes" ou fauteurs d'accident. Ce serait aussi dissuasif qu'un PV et plus formateur.

  Sauver les vielles bagnoles

Macron et la France de derrière le périphérique

 

La France qui a voté FN, c'est pour d'évidentes raisons économiques celle où l'on rencontre le plus de voitures fatiguées aux moteurs plus ou moins fumant. Et pourtant aussi celle, majoritairement rurale, où l'on souffre le moins de la pollution automobile.

Faut-il imposer à ces voitures les mêmes normes de pollution qu'à Paris, Grenoble, Lyon ou Bordeaux ? La question se posera en 2018 ou 2019 quand interviendra le nouveau test de pollution du contrôle technique, dont l'entrée en vigueur a été déjà deux fois reportée. Pratiqué avec des analyseurs "cinq gaz" dont sont déjà équipés - à fin d'essais - de nombreux centres de CT, il remplacera l'actuelle et désuète mesure d'opacité des gaz d'échappement.

En supposant que ses seuils, encore à définir, ne soient pas d'un grand laxisme, deux choses sont certaines. D'abord, ce test devrait considérablement améliorer la qualité de l'air dans les grandes villes. Ensuite, il enverra à la casse des centaines de milliers de voitures, majoritairement des diesels, dont la valeur ne justifierait pas une réfection du moteur. Qui osera dire "c'est bon pour le commerce" ?

Il ne serait pas aberrant que le niveau de sévérité de ce test de pollution ne soit pas le même pour la voiture d'un habitant de Pas en Artois ou de Châteauneuf-les-Martigues que pour celle d'un parisien ou d'un grenoblois. Pas aberrant et même hautement logique et souhaitable.

  Reprendre les routes

 Macron et la France de derrière le périphérique

Le contraste est parfois saisissant en passant d'un département riche à un autre plus pauvre, et se ressent d'abord à l'état des routes. Passer de Corrèze en Creuse, c'est franchir la frontière entre un territoire dont le bitume semble avoir été lissé et déroulé pour la CX de Jacques Chirac puis la C5 de François Hollande et un autre où les routes sont refaites, quand elles le sont, à la truelle et au gravillon, où les bandes blanches s'effacent et les bas-côtés s'abandonnent aux hérissons. Je ne suis pas sûr que ces routes soient plus dangereuses - le fait est qu'on y roule moins volontiers trop vite - mais elles participent incontestablement au sentiment de relégation qu'ont ceux qui y circulent quotidiennement. Quand le train ne passe plus, quand l'hôpital, la poste et le tribunal ont fermé, que reste t'il de la présence et du réconfort de l'Etat ? La perception, les gendarmes et les routes.

Beaucoup de nationales sont devenues d'infectes départementales et il n'est pas croyable - ou pas crédible - qu'en les transférant aux collectivités locales, l'Etat aie compensé "à l'euro près" le coût de leur entretien. Et partout, des départementales prennent le chemin des vicinales. Améliorer le réseau routier a été un des points forts du New Deal du président Roosevelt après la crise de 1929. Il pourrait aussi devenir celui du président Macron.

 * La France Périphérique, de Christophe Guilluy : Flammarion 2014.

 

 

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