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Ralentisseurs : mais que fait la justice ?

Dans Pratique / Vos droits

Jean Savary

Ils nous brisent les reins et les châssis, blessent ou tuent parfois, les ralentisseurs ont envahi nos rues et nos routes au mépris de toute réglementation. Deux associations tentent de mettre fin au scandale.

Ralentisseurs : mais que fait la justice ?

Il est rare que je sois d’accord avec la Ligue de défense des conducteurs.

Mais cette fois-ci, impossible de ne pas l’applaudir. D’autant que cette fois, c’est le non-respect de la réglementation qu’ils combattent : celle concernant les ralentisseurs dont la plupart ne respectent aucune norme. Il y a six ans, j’y consacrais un billet et n’y changerais pas une virgule.

Depuis, l’épidémie que j’avais constatée dans le Midi et plus particulièrement dans l’agglomération de Montpellier – qui, m’apprend la ligue, détient le record de leur nombre : 2 200 sans compter la campagne environnante – a gagné toute la France. Jusque dans le moindre patelin rural où on en voit pousser d’une hauteur et d’un profil propres à casser en deux un tracteur.

Toujours la même histoire, des administrés qui se plaignent qu’on roule trop vite devant chez eux, un maire qui veut se faire réélire, une petite entreprise de BTP qui fait le job pour pas trop cher, et hop, un de plus et puis un autre car pourquoi un ici et pas là.

Dans ma courte rue de banlieue parisienne, l’été dernier sont apparus, séparés d’à peine 50 mètres, deux machins qu’on ne peut franchir qu’à moins de 10 km/h tant leur arête est raide, comme une bordure de trottoir arrondie. À 30 km/h, je n’ai jamais osé essayer, à 20 km/h une seule fois et à moto, debout sur les repose-pieds, j’ai fait talonner la fourche. Un peu plus vite, je cassais une jante ou je décollais. Même les bus les négocient au pas. On s’étonnera que les gens achètent des SUV…
Normalement un ralentisseur punit d’une grosse secousse le fait de rouler trop vite. Ceux-ci, comme des dizaines de milliers d’autres en France, punissent le simple fait de conduire une voiture ou une moto, quelle que soit l’allure. Et même un vélo. Une punition qui peut vous envoyer à l’hôpital et/ou la voiture au garage.

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Ralentisseurs : mais que fait la justice ?

Des plaintes innombrables

Si ces constructions aberrantes pullulent, c’est parce que la justice ne donne presque jamais gain de cause à ceux qui les contestent. Jamais je n’ai vu un de ces bidules se faire araser ou raboter.

En 2022, l’association Pour une mobilité sereine et durable - partenaire de la LDC – a saisi le conseil d’État suite aux refus de différentes juridictions administratives d’appliquer la réglementation sur les ralentisseurs. Car les plaintes sont innombrables et pas seulement pour inconfort : on ne compte plus les casses mécaniques et les accidents corporels, parfois mortels, de cyclistes et conducteurs de deux-roues.

Ralentisseurs : mais que fait la justice ?

Ce que l’association réclame, c’est que le conseil d’État fasse appliquer le décret 94-447 et la norme 98-300 de 1994 émanant du CEREMA (centre d’étude et d’expertise sur les risques, la mobilité et l’aménagement) organisme public qui a défini ce qu’est un ralentisseur non dangereux, depuis les conditions de son emplacement jusqu’à sa géométrie en passant par sa signalisation. Et pour cela, que le conseil d’État casse deux arrêts de la cour administrative de Marseille donnant raison au département du Var, charmante région où personnellement, même si on m’y offrait une villa de rêve, je n’irais pas habiter. Sauf à faire remplacer mes coussinets intervertébraux par des ressorts au chrome molybdène. Ou à passer le permis bulldozer.

Ceci n’est pas une pipe !

Le département du Var soutient que malgré leur forme de trapèze, ses « plateaux traversants » ne sont pas soumis au décret 94-447 car, ils n’ont pas toutes les caractéristiques d’un « ralentisseur trapézoïdal ». De fait, ils n’en ont pas les caractéristiques car ils n’en respectent pas les normes…

En clair, pour ne pas être obligé de démolir les milliers de cochonneries dangereuses dont il a laissé envahir ses rues et routes, un service juridique leur donne un autre nom : plateau traversant, ou coussin. C’est un peu comme rétorquer au gendarme qui verbalise pour avoir tapé le chrono de l’année, que « tut-tut-tut mon brave, il ne s’agit pas de vitesse ni d’allure mais de célérité, or j’ai vérifié dans le Code de la route, celle-ci n’est pas réglementée ».
À ce stade, j’hésite entre citer Albert Camus (« Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde ») ou René Magritte : « Ceci n’est pas une pipe. »
Normalement, face à un tel niveau de mauvaise foi, la Justice (je l’écris avec une capitale, mais je me demande si je fais bien) élève son gros maillet et l’abat sur le malotru.

Chaque seigneur maître en sa seigneurie ?

Ralentisseurs : mais que fait la justice ?

C’est ce qu’on va voir. Le 4 octobre se tenait une audience au Conseil d’État où, nous rapporte la Ligue qui y était présente, le rapporteur public a rendu ses conclusions.

En attendant que le Conseil rende son arrêt, il y a selon ses dires, trois possibilités :

1/ Le statu quo, c’est-à-dire considérer que les juges de Marseille n’ont pas correctement défini les termes plateau traversants, coussin, ralentisseur de type trapézoïdal, et renvoyer la patate chaude à la Cour administrative de renvoi. Après tout, rien ne presse, la norme 98-300 n’a pas encore 30 ans…

2/ Décider que les plateaux traversants et coussins peuvent exister sans respecter la norme. En clair, chaque maire est libre de construire ce qu’il veut où il veut sur « sa » voie publique. Autrement dit, retour au Moyen Âge : chaque seigneur est maître en sa seigneurie.

3/ « Opérer une lecture constructive de la loi » selon les mots du rapporteur et trancher : tous les ouvrages surélevés, quelle que soit l’appellation qu’on leur prête, doivent obéir au décret et à la norme de 1994. Ce serait d’une audace folle, rien moins que rappeler qu’il y a un état de droit et qu’on ne peut impunément mettre en péril la santé et la sécurité de ses concitoyens.

Qui paiera ?

Comme la ligue, je souhaite ardemment que la troisième option soit préférée par les magistrats.

Mais je crains que ce ne soit pas le cas : il y a en France des dizaines de milliers – des centaines de milliers affirme la Ligue - de ralentisseurs à raboter ou aménager, mais la plupart à détruire et à remplacer par une chicane ou un rétrécissement de chaussée car leur emplacement – ligne de bus, virage, dévers…- est exclu par la norme. Qui paiera la facture alors que les finances manquent déjà pour entretenir et réparer la chaussée ?

Ralentisseurs : mais que fait la justice ?

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