A la Direction Centrale du Renseignement Intérieur (DCRI), on se serait probablement bien passé d'hériter d'un tel sac de nœud. « On m'a raconté une belle histoire, elle tient la route mais sous réserve de vérification. Ce n'est pas la première fois qu'on me raconte une histoire qui ne repose sur rien », a expliqué un de ses membres à Europe 1. Les trois cadres de Renault auraient en fait été accusés trop tôt, ce qui rend la tâche particulièrement difficile pour la DCRI de remonter le fil de l'affaire afin de trouver des preuves, que ce soit de leur innocence ou de leur culpabilité.

Une enquête préliminaire bâclée ?

L'enquête préliminaire a-t-elle été bâclée ? Tout porte à croire que oui, toujours selon Europe 1. Tout commence l'été dernier, une lettre anonyme, accusant Michel Balthazard, membre du comité de direction, d'avoir reçu des pots-de-vin, déclenche le début d'une enquête confiée à un détective privé qui durera deux mois et demi. Juste avant Noël, les conclusions sont rendues dans lesquelles trois noms reviennent : Michel Balthazard, Bertrand Rochette et Matthieu Tenenbaum. Deux membres de la sécurité interne du constructeur demandent alors l'autorisation de pouvoir effectuer trois mois d'enquête supplémentaire pour pouvoir confirmer à 100% leur culpabilité. Mais la direction en décide autrement, les trois hommes sont convoqués dans la foulée et mis à pied, tandis que l'affaire fait alors les premiers gros titres de la presse. Les accusés nient toute implication et les deux responsables de la sécurité se rendent en Suisse avec Bertand Rochette mais y découvrent que tous leurs comptes ont été fermés entre Noël et le jour de l'An. Quasiment une impasse pour l'enquête donc, même si Renault estime que c'est une preuve de culpabilité. Sans parler de la crédibilité du dossier monté par l'enquêteur privé : le temps pour réunir des preuves d'un système partant de France pour aller en Suisse et au Liechtenstein en passant par la Chine semble ridiculement court, et il aurait été facturé 50 000€, ce qui, selon les professionnels, est particulièrement faible.

Trois semaines ont passé, et on en sait pas beaucoup plus : Renault a porté plainte contre X pour « espionnage industriel, de corruption, d’abus de confiance, de vol et recel, commis en bande organisée » et les trois cadres de Renault ont pris des avocats et aussi porté plainte pour « dénonciation calomnieuse » ou pour « diffamation non publique ». Maître Thibault de Montbrial, l'avocat de Matthieu Tannenbaum, émet cependant une nouvelle hypothèse, dévoilée sur l'antenne de France Info : Renault serait « elle-même victime d’une opération de manipulation et d’intoxication peut-être de la part de concurrents » avant de confier hier au Figaro : «  Dans ce dossier sans preuve, nous en sommes réduits aux hypothèses: soit Renault a été la cible d'un véritable espion qui aurait voulu se couvrir par une diversion, en faisant porter le chapeau à un ou plusieurs boucs émissaires. Soit, dans un contexte de guerre économique, quelqu'un a tenté de faire croire aux dirigeants que certains de leurs cadres étaient compromis pour conduire Renault à s'en séparer pour déstabiliser l'entreprise ». Et il n'y a pas que l'enquête préliminaire confié à un détective privé qui n'aurait pas été payée bien cher, les 135 000€ qui auraient été retrouvés selon Europe 1 sur un compte appartenant à Michel Balthazard au Liechtenstein paraissent bien dérisoires pour un membre du comité de direction gagnant 400 000€ par an.

Carlos Ghosn sortira de son silence ce week-end

Du côté de chez Renault, on ne dévie pas d'un pouce et on reste droit dans ses bottes, par la voix de son avocat, Maître Jean Reinhart. La piste d'une manipulation d'un concurrent ? Impossible, à cause de « recoupements d'informations effectués ces derniers mois ». La faible somme retrouvée sur le compte au Liechtenstein ? « Une avance avant la livraison des secrets industriels ». Ce week-end, Carlos Ghosn s'exprimera pour la première fois publiquement sur le sujet lors d'une interview accordée au JDD et lors du 20h de TF1 dimanche. Selon le Figaro, on sait déjà qu'il n'y aura pas de révélations fracassantes, il devrait confirmer que l'enquête interne «a permis de réunir suffisamment d'éléments pour conclure à des faits graves» commis par les trois cadres accusés.

Selon une source policière, la DCRI remontera à la source de l'affaire en commençant par entendre le détective privé et les deux responsables de la sécurité, puis les trois accusés soutenus par leurs avocats.