Ceux qui ne savent toujours pas que Spectre sort cette semaine ont dû passer les derniers mois la tête coincée sous le capot de leur auto. Et ceux qui ne savent pas que James Bond, dans ce 24e opus comme dans tant d’autres, roule en Aston Martin, ont dû vivre dans un black-out médiatique total. Les télés comme les radios et les journaux s’en sont emparé et personne n’y a échappé. Mieux vaut évidemment consulter le sujet très complet de Caradisiac sur la question pour être mieux informé que les autres, mais cette frénésie autour d’un placement de produit pose tout de même quelques questions. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : une affaire on ne peut plus courante, un business auquel se soumettent la plupart des gros blockbusters en faisant la tournée des popotes pour glaner des dollars. Une marque paie pour être présente dans un film et, dans la plupart des cas, elle se voit confrontée à deux cas de figure : soit la presse conspue ce mélange des genres, soit, et c’est plus courant, elle jette un voile pudique sur la pratique, histoire de ne pas rajouter de la pub à un coup de pub.

007 : la seule bouffée d’air frais d’Aston Martin

Mais le cas de 007 et de son Aston est d’un autre tonneau. Parce que l’ancienneté des DB anglaises dans les multiples épisodes légitime leur présence, bien sûr. Mais peut-être aussi, parce que, de TF1 à Caradisiac, en passant par tous les autres médias qui ont évoqué la DB10 de Daniel Craig, il y a, de la part des journalistes, une volonté d’aider Aston Martin, ce chef-d’œuvre en péril. Car tous savent les difficultés de ce constructeur, qui accumule les pertes, qui est obligé de licencier, qui n’a pas développé de nouveau moteur, de nouvelle boîte depuis des années. Et qui se voit damer le pion par toutes les autres supercars réunies, souvent bien moins jolies. La série des Bond est la seule opération de communication que la marque de Gaydon s’autorise (ou que ses banquiers lui permettent) et qui lui donne, tous les deux ans, un peu d’air frais, un peu de médiatisation, avant de retomber dans l’oubli jusqu’à l’épisode suivant.

Un sponsoring caché de la part des médias

Du coup, peut être que l’intérêt des médias pour les aventures des douzaines d’Aston livrées aux mains de Bond depuis des décennies est un soutien inavoué à la marque elle même, un mécénat caché, une volonté de ne pas voir s’arrêter l’aventure anglaise, de la continuer pour qu’elle ne vive pas la triste fin d’une autre star du cinéma : la DeLorean de Retour vers le futur, elle aussi ultra-célébrée ces dernières semaines. Mais quel que soit le destin du constructeur anglais, son souvenir ne sera pas seulement rattaché à une bluette de Robert Zemeckis, comme c’est le cas de la marque éphémère américano irlandaise de John DeLorean. Parce qu’une DB n’est pas, comme cette dernière, un gentil bricolage entre amis autour d’une coque en alu, d’un châssis moyen et d’un moteur pas terrible. Et parce qu’une Aston restera malgré tout l’un des rares membres de cette famille d’automobiles ultra-chères qui ne soit pas ultra-vulgaire. Et rien que pour cela, on pardonnera les excès médiatiques à chaque nouvel épisode de James Bond. Car demain ne meurt jamais.