C'est quand même l'antithèse de l'automobile, ce huis clos sans paysage ni horizon, cette furie de tourner en rond pour aller nulle part, sauf éventuellement sur un podium gâcher trois litres de bon champagne. En plus, elles sont particulièrement moches, cette année. Vous avez vu la trompe de la Caterham ? Le groin de la McLaren ? Esthétiquement et spectaculairement parlant, le moindre rallye régional me semble plus captivant.

Mais la question n'est pas là. Techniquement, le machin m'échappe. On veut nous faire croire que la F1 reste le-laboratoire-des-nouvelles-technologies–qui-irrigueront-nos voitures-de-demain. Pardon ? Cette année, l'innovation, c'est le downisizing des moteurs et la récupération d'énergie à la décélération. Avec 5 à 10 ans de retard sur la grande série.

Je ne critique pas les ingénieurs, ils font ce qu'ils peuvent dans le cadre qui leur est imposé. De plus en plus étroit le cadre. A la lecture du règlement incroyablement tatillon de la F1 2014, de ses limitations et interdictions, il apparaît que la conception d'une brouette de maçon tolère plus d'audace et d'inventivité que celle de ces bolides pré-calibrés. Et au moins on peut choisir son pneu. J'exagère ? Le problème de la F1, c'est que l'obligation de moyen précède désormais l'obligation de résultat. Si le frein à disque, le turbo ou le moteur central arrière restaient à inventer, ils ne pourraient plus l'être.

Si les barbons de la FIA qui régissent le grand cirque de la F1 avaient été à l'œuvre dans les années 50 et 60, ce dimanche, Vettel piloterait coude à la portière un suppositoire à moteur avant et freins à tambours. Ils ont congelé la formule, les papys : d'une saison à l'autre on ne change plus que le nombre de cylindres et la surface des ailerons. Il est révélateur que l'on présente comme une révolution la réduction obligatoire d'un tiers de la cylindrée et l'autorisation d'une plus grande récupération d'énergie. Résultat, écuries et motoristes ne confrontent plus de grandes options technologiques ou des parti-pris d'architecture, mais des réglages, des pinaillages et en fait, surtout des interprétations du règlement. "Un aileron actif qui ferait aérofrein ? attentez, j'en parle à l'avocat…"

Quelle est la dernière grande innovation issue de la Formule 1 ? La boîte de vitesses robotisée, si je me souviens bien. Pas mal, mais c'était il y a un bail. Dommage car l'automobile pourrait encore bien progresser, sachant qu'il y en a désormais un milliard sur terre et que cela pose un léger problème d'énergie disponible. Or, il n'y a pas mieux que la compétition pour stimuler la créativité des ingénieurs. Hélas, en F1, c'est la créativité du législateur qui bride la compétition.

Mon règlement, il serait simple, je monterais sur la table et je leur dirais : "Les gars, l'an prochain, c'est pas compliqué, je vous file 50 litres de coco chacun et vous les brûlez dans le moteur, la chaudière ou la turbine que vous voulez. Vos bagnoles, veux pas en entendre parler du moment que ça passe les crash test et que vous y collez pas des mitrailleuses. Vous pouvez même les faire à trois roues si ça vous chante et leur mettre des GPS des fois que vos gus se perdent à Monaco »