Alexandre Bataille : Paris prolétaire, Genève aristocrate

Après un Mondial de l’Auto parisien placé sous le signe de la crise et des nouveautés à petit budget (Clio, Sandero, Mondeo, etc.), on s’attendait à retrouver cette tendance morose sur les bords du lac Léman. Que Nenni ! La 83e édition du salon de Genève fut un très grand cru. Entre LA Ferrari LaFerrari, la Mc Laren P1, la Rolls Royce Wraith, la Corvette Stingray, l’Alfa Romeo 4C etc., les amateurs de belles mécaniques en auront eu pour leur argent (13 euros). À croire que les constructeurs privilégient davantage la « petite » bourgade suisse à la grande métropole française lorsqu’il s’agit de dévoiler une supercar ou une très grosse nouveauté. Peut-être parce que Genève est une plaque tournante du négoce international ? Ou tout simplement qu’un Suisse sur cinq est millionnaire ? Quoi qu’il en soit, on aimerait que le Mondial de l’auto soit aussi bien traité à l’avenir par les grandes enseignes que ses homologues européens (Genève et Francfort), car à ce rythme c’est le Salon de l’Agriculture qui finira comme le plus fréquenté de France.

Manuel Cailliot : la Chine s'éveille, encore…

Geely, Byd, Brilliance, Shuanghuan, tous ces constructeurs se sont plus ou moins cassé les dents sur le marché européen, sur ses normes et sur ses crash-tests, il faut le dire, bien trop exigeants vus d'un œil asiatique.

Salon de Genève 2013 : le bilan de la rédaction

Et puis voici que débarque Qoros. Une marque de 6 ans d'âge à peine. Mais qui possède une ambition comme on n'en avait plus vu de telle depuis longtemps. Ils débauchent chez les meilleurs : Volkswagen, BMW, Volvo, Mercedes, Fiat et feu Saab. Le directeur du design est Gert Volker Hildebrand, le père de la Mini, par exemple. Les équipementiers chez qui ils iront se servir ne vous seront pas non plus inconnus : Continental, Valeo, Magna Steyr, Bosch, Denso, Dassault System, etc.

Leur but : arriver en Europe et vendre des modèles de qualité BMW, à la moitié du prix !

La berline "3", présentée en même temps que 2 concepts très aboutis, est une illustration de ce qu'ils sont déjà capables de faire. En gros, nous avions en face de nous une bonne Volkswagen. Pas encore une BMW, certes, mais une voiture capable "en vrai" de rivaliser avec une allemande généraliste et la plupart des françaises. Le tout pour 15 000 € prix de départ, 8 airbags, sellerie cuir et écran tactile 8 pouces inclus en haut de gamme à 18 000 €. Tout simplement imbattable.

Il est clair que si Qoros arrive à lancer un réseau en Europe, les constructeurs déjà installés, et fragilisés par une crise qui dure, se feront des cheveux blancs. Enfin, comme dirait Coluche, peut-être même "plus blancs que blancs". Car un jour, comme dans beaucoup de domaines, l'élève dépassera le maître...

Pierre Desjardins : c'est d'un lassant, ces supercars…

Ils sont venus, ils sont tous là : Ferrari LaFerrari, Lamborghini Veneno, Mc Laren P1, Koenigsegg Hundra, des flopées de Bugatti Veyron, en veux-tu, en voilà, il y en a un peu plus, je vous le mets ? Pour compléter le tableau, il aurait juste fallu que Porsche vienne avec dans ses bagages la version définitive de la 918 Spyder. Mais on devra se contenter de la nouvelle 911 GT3, ce qui n'est déjà pas si mal. Bref, la quasi-totalité de ce que compte la planète en constructeurs de supercars avait une nouveauté à présenter à Genève.


Mais permettez-moi d'être en désaccord avec mes collègues, des engins tutoyant les 1 000 ch avec des tickets d'entrée confortablement au-dessus du million d'euros, ça finit par me donner le tournis et, pour tout vous dire, me désintéresser totalement. La course à la puissance et à la dépense, c'est tellement 20e siècle !


Du coup, ce n'est pas du côté plaqué or que je suis allé chercher mes voitures du salon, plutôt vers le vert pomme. Et celle qui s'est frayé un chemin sur la première marche de mon podium est donc la Volkswagen XL1, réinterprétation magistrale de la Honda Insight de première génération mais qui aurait été juste parfaite si elle avait eu un TFSI au lieu d'un TDI accouplé à l'hybride. Portes papillon, propulsion, freins céramiques, jantes en magnésium, carrosserie en fibre de carbone, Cx de 0,189, 550 km d'autonomie et 21 g/km de CO2, la voilà, la vraie supercar du troisième millénaire.

Salon de Genève 2013 : le bilan de la rédaction

Audric Doche : Alfa Romeo et la passion

Salon de Genève 2013 : le bilan de la rédaction

Comme souvent à Genève, les autos de luxe et de sport font carton plein et monopolisent l’attention. Cette année, rebelote, les marques du segment nous ont réellement impressionnés, mais une en particulier est sortie du lot : Ferrari. Dès la présentation de la Laferrari (oui, ça fait bizarre lorsqu’on le prononce), tout le monde a applaudi et un photographe a même tenté de franchir le « périmètre de sécurité », heureusement, le service d’ordre veillait au grain. Mais pour ma part, si j’exclus Ferrari de ce salon, je sens tout de même que certains peinent à surprendre. Loin de moi cependant l’envie de les blâmer, je sais à quel point la situation de l’industrie automobile est tendue et que les constructeurs capables d’investir ou de prendre des risques sont peu nombreux. Finalement, si je dois retenir une auto de ce salon, ça sera l’Alfa Romeo 4C. Qu’une marque avec un avenir aussi incertain et seulement deux autos au catalogue ose se lancer dans une telle aventure et arrive à produire une auto aussi désirable me laisse admiratif. Il faut croire que la passion existe encore (un peu) dans ce monde et que certains y succombent même s’ils ont les ailes brûlées. En tout cas, je souhaite vraiment qu’Alfa Romeo connaisse le succès avec sa 4C.



Patrick Garcia : vous n’avez aucune excuse !

Salon de Genève 2013 : le bilan de la rédaction

Alors que les portes du Palexpo sont désormais fermées, je veux vous parler. Oui, vous qui n’êtes pas allé à Genève ces 10 derniers jours et qui allez le regretter amèrement après ces quelques lignes. Car cette 83e édition du salon de Genève n’aura pas d’équivalent avant au moins 10 ans. Si elle en a une un jour.

En effet, les générations d’hypercar ne sont renouvelées que tous les 10 ans, pour voir la remplaçante des Enzo et LaFerrari ou de la McLaren P1, il faudra patienter une décennie. Et encore, rien ne dit que notre société acceptera que de nouvelles hypercars voient le jour ou encore que deux concurrentes aussi proches soient présentées au même endroit. Ajoutez à cela que Genève était probablement la seule occasion d’une vie pour apercevoir l’un des 3 exemplaires de la Lamborghini Veneno et qu’elle était le théâtre du lancement tant attendu (et tant repoussé) de l’Alfa Romeo 4C et de la Porsche 911 GT3 (ou d’une nouvelle Rolls Royce Wraith), et vous comprendrez que votre plus grande erreur d’amateur d’automobile de ces dernières années sera de ne pas être venu à Genève. Et encore, je ne vous parle pas de la présence unique des carrossiers italiens, de nombreux préparateurs complètement délirants ou encore d’artisans que l’on voit rarement ailleurs (Morgan par exemple).

Le salon de Genève avec ses stands bien proportionnés est d’une dimension nettement plus humaine que Paris ou Francfort, de plus, il se trouve pour beaucoup de Français nettement plus proche que le Mondial de la capitale parisienne. À seulement 4h30/5h de route de Marseille, il peut se faire dans la journée sans gros problème, si ce n’est les radars fixes et mobiles de plus en plus nombreux qui cherchent à vous gâcher la journée. Mais même cela ne peut être une excuse car le Palexpo est situé tout à côté de l’aéroport de Genève desservi par plusieurs compagnies low cost au départ de plusieurs aéroports français.

Bref, vous n’aviez aucune excuse pour rater la plus grande édition du salon de Genève depuis (et pour) longtemps. Je ne vous félicite pas.

Lionel Lucas : habemus plaisirum

Paraphrasons l’évangile selon Jean : Et lux in tenebris lucet (la lumière luit dans les ténèbres). Aurions-nous été aussi euphoriques à l’issue de ce salon de Genève si l'actualité automobile (telle que les journalistes la relayent, il est vrai…) ne se résumait pas aux radars, à la crise, aux malus et aux débats sur le… diesel ?

Cette année, Genève a été un cru de tout premier choix pour les amoureux de l'automobile. Personnellement, j'ai commencé lundi après-midi avec la Corvette en avant-première… pouvais-je rêver mieux ? Mardi, Ferrari, McLaren et bien d'autres nous ont fait rêver.

Mais il n'y en avait pas que pour les supercars ! Alfa a fait vibrer notre cœur avec sa 4C, Honda a insisté sur le plaisir de conduite comme élément prépondérant de sa prochaine NSX, Porsche a dévoilé sa nouvelle GT3, Lamborghini a pété les plombs, combien d'exemples supplémentaires désirez-vous ?

Alors une bonne fois pour toutes, l'automobile n'est PAS qu'un moyen de se déplacer économiquement et écologiquement. Oui, on se fait plaisir derrière un volant, et pas besoin de chiffres pour ça. Je rêve d'un salon où il n'y aurait aucune fiche technique : juste des avis de conducteurs lambda, objectifs, sur leurs sensations au volant et sur leur ressenti sur l'auto, sur l'émotion qu'elle dégage.

En fait, il faudrait à l'avenir un salon de l'auto divisé en deux parties. La première partie serait uniquement consacrée à l'utilité, au caractère purement fonctionnel de l'auto, totalement pragmatique. Là, on aurait du 100 % pratique, écolo, efficace, basé sur la fonction première de l'automobile : celle qui sert à déplacer et se déplacer.

Ensuite, derrière un rideau de velours violet, une hôtesse nous accueillerait dans la section sensible, interdite à la prévention routière, aux hommes politiques et aux moralisateurs. Celle-là serait basée uniquement sur le volet sensuel de l'auto. Vous savez, la petite goutte de transpiration que vous avez juste avant de vous offrir un shoot d'adrénaline pur au volant de votre petite sportive essence… Ici, aucune donnée. Juste de l'esthétisme, des ailerons, des grosses jantes, des beaux moteurs, de l'émotion, pour vivre, tout simplement.

Je vais vous dire une bonne chose : on n'en était pas si loin. Contrairement aux derniers salons, il n'y avait pas trop de greenwashing à Genève. Les constructeurs ont compris qu'il en fallait pour tous les goûts, et les sportives cohabitent désormais sans scrupules à côté de véhicules hybrides. Le moteur essence peut être cuisiné à toutes les sauces, et cette année, il n'y a pas eu de faute de goût.

On a même été agréablement surpris pas des Chinois, pensez donc. Ironiquement, il ne manquait qu'une marque de choix dans ce salon. Celle qui a le plus communiqué sur le sujet il y a peu de temps, celle qui a le plus exagéré, et peut-être celle qui a le plus symbolisé cette recherche de pureté dans la conduite : Lotus. Une nouvelle Esprit aurait trouvé un écrin de tout premier choix à Genève.

Mais vivons au lieu de rêver à des modèles hypothétiques pendant qu'il est encore temps !

Levons donc nos verres de SP98 en l'honneur de ce Salon de Genève, car comme le disait Horace, dont un illustre homonyme symbolise aujourd'hui idéalement cette recherche du beau et du rêve : « Nunc est bibendum », c'est maintenant qu'il faut boire.

Olivier Pagès : la crise, quelle crise !!

Salon de Genève 2013 : le bilan de la rédaction

Ferrari LaFerrari, Lamborghini Veneno, Mc Laren P1, Bentley Flying Spur, Rolls Royce Wraith, les nouveautés dans les segments des supersportives et des berlines luxueuses ont été très nombreuses sur cette 83e édition. Comme d’habitude, vous diront certains habitués du rendez-vous suisse mais cette année, cette débauche de richesse est encore plus flagrante. 1,2 million d’euros pour la Ferrari, 3,5 millions d’euros pour la Lamborghini, plus d’un million pour la P1, les chiffres s’affolent d’autant que les rares exemplaires (3 pour la Lamborghini et 499 pour la Ferrari) sont d’ores et déjà vendus. Cela prouve bien que les impacts de la crise sont très variables selon les personnes et que le fossé entre les très riches et la classe moyenne a tendance à se creuser inexorablement. Et pour se dédouaner de toute empreinte écologique, la plupart de ces modèles font appel à des technologies de récupération d’énergie du type Kers.

Même les constructeurs premium allemands semblent avoir mis un frein à leur course en avant mais ce n’est que pour mieux sauter car il ne faut pas oublier que le salon de Francfort a lieu au mois de septembre. Nul doute qu’ils profiteront de celui-ci pour dévoiler beaucoup de nouveautés. Du côté des Français, on est très éloigné de ces préoccupations avec la montée en puissance des petits SUV.

À l’opposé des étiquettes à 6 chiffres, il y a les constructeurs low cost. Petite actualité chez Dacia avec seulement la version MCV de la Logan. Le constructeur d’origine roumaine a donc laissé les feux de la rampe à Qoros, qui sera la première marque chinoise à débarquer à Europe dans les mois à venir.

Vous l’aurez compris, à Genève, il faut être souple afin de faire le grand écart.