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Enquête - Retour aux 90 km/h: le grand bazar !

Dans Pratique / Sécurité

Pierre-Olivier Marie

Au fait, où en sommes-nous du retour à 90 km/h ? Caradisiac a fait le point, département par département, pour constater que ses partisans et détracteurs sont quasiment aussi nombreux d’un côté que de l’autre, tandis qu’une vingtaine de collectivités hésitent encore. Où est la cohérence dans tout ça?

Enquête - Retour aux 90 km/h: le grand bazar !

Certes, en cette période de pandémie et de confinement, la question du retour à 90 km/h sur le réseau secondaire apparaît assez…secondaire, justement. Elle est pourtant intéressante, non seulement parce que le trafic routier reste important, mais aussi et surtout parce qu’elle révèle des approches très tranchées d’une collectivité à l’autre. Pour mémoire, celles-ci peuvent en effet revenir sur certaines limitations à 80 km/h en vertu de la publication de la loi d’orientation des mobilités (LOM), le jeudi 26 décembre 2019.

Du côté des partisans du statu quo (maintien des 80 km/h), c’est bien sûr l’argument sécuritaire qui prime. Denis Bouad, Président du département du Gard le précise en ces termes : « je ne me vois pas déroger à la règle nationale. C’est une responsabilité trop lourde à porter pour un sujet aussi sensible. La vie des Gardoises et des Gardois est en jeu, on ne peut pas faire n’importe quoi. »

Même son de cloche chez la Présidente du département de Meurthe-et-Moselle Valérie Beausert-Leick, qui dit « refuser d’assumer » un retour aux 90 km/h : « je décide de renvoyer à l’État sa compétence régalienne. Si l’État revient sur les 80 km/h, il doit assumer sa décision. Moi, je ne l’assumerai pas. […] Je ne veux pas mettre la sécurité de mes concitoyens en danger. »

Problème de responsabilité

Idem dans le Doubs, où la Présidente Christine Bouquin explique  que « quand le SDIS m’appelle pour me dire qu’il y a eu un mort et des blessés graves sur nos routes, cela m’affecte. Vingt morts, c’est, bien sûr, encore beaucoup trop, mais cela représente cinq tués en moins par rapport à l’année précédente. On égalise le record minimum de tués qui datait de 2015. Ça, c’est très satisfaisant et je ne peux m’empêcher de faire le lien avec cette limitation à 80 km/h. » (L’Est Républicain, 27/01)

 

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Pour de nombreux conseils départementaux partisans du maintien des 80 km/h, se pose le risque de voir leur responsabilité engagée en cas d’accident sur une route qui serait revenue aux 90 km/h.
Pour de nombreux conseils départementaux partisans du maintien des 80 km/h, se pose le risque de voir leur responsabilité engagée en cas d’accident sur une route qui serait revenue aux 90 km/h.

Dans le Tarn, c’est en revanche à contre-cœur que l’on a abandonné l’idée de repasser à 90. Le président du conseil départemental Christophe Ramond qualifie la réforme de « double peine » pour son territoire : « nous perdons de l'attractivité et du temps ». Mais « pour repasser à 90 km/h, il nous faut respecter plusieurs conditions. Trouver 10 kilomètres sans arrêt de bus, sans sorties d'habitations, sans intersections. » Avec de telles contraintes, l’exécutif local a préféré jeter l’éponge et conserver les 80 km/h.

Question d'argent

Aux arguments sécuritaires s’en ajoute un autre, financier. Dans les Côtes d’Armor, le président Alain Cadec plaide pour que ce soit l’État qui prenne en charge les dépenses de changement de panneaux en cas de modification des limitations. Ce qui, bien sûr, n’a aucune chance d’arriver. Et pour nombre de départements peu argentés, il n’y aurait guère de sens à dépenser des dizaines de milliers d’euros pour augmenter les vitesses de 10 km/h.

Dans la Nièvre, on a estimé le remplacement de panneaux et les aménagements nécessaires à…300 millions d’euros de travaux et aménagements pour 840 km de routes. « Une dépense impossible », pour le président du département Alain Lassus, car elle réduirait celles dévolues à l’entretien de son réseau routier. « Si je décide de ne pas respecter les préconisations, je prends le risque de me retrouver au tribunal au premier accident », expliquait-il au Journal du Centre en début d’année. Pourtant, l’homme était initialement partisan d’un retour à 90 km/h !

Nous nous sommes aussi demandés si la couleur politique des départements pouvait influer sur la volonté de retour aux 90 km/h (rappelons que la mesure avait été décidée en janvier 2018 par Edouard Philippe, alors Premier ministre). Même si la statistique n’a qu’une valeur anecdotique, on observe tout de même que les départements de gauche représentent 37% des effectifs parmi les anti-90 km/h, et que ce chiffre tombe à 13% chez les pro-90. On se gardera toutefois d'en tirer une conclusion politique hâtive, d’autant que les départements de droite sont deux fois plus nombreux que ceux de gauche.
Nous nous sommes aussi demandés si la couleur politique des départements pouvait influer sur la volonté de retour aux 90 km/h (rappelons que la mesure avait été décidée en janvier 2018 par Edouard Philippe, alors Premier ministre). Même si la statistique n’a qu’une valeur anecdotique, on observe tout de même que les départements de gauche représentent 37% des effectifs parmi les anti-90 km/h, et que ce chiffre tombe à 13% chez les pro-90. On se gardera toutefois d'en tirer une conclusion politique hâtive, d’autant que les départements de droite sont deux fois plus nombreux que ceux de gauche.

Plus de pour que de contre

Selon nos pointages, ce sont à ce jour 36 départements de métropole, soit exactement le tiers de notre étude (Paris, Hauts-de-Seine et Seine Saint-Denis ne sont pas concernés par la mesure) qui ont clairement dit non au retour à 90 km/h sur tout ou partie de leur réseau secondaire, ceci pour des raisons qui tiennent à la fois à la sécurité routière, au budget et à la politique.

A l’inverse, quelques 38 collectivités territoriales ont décidé de revenir, au moins partiellement et en tenant compte des avis des commissions départementales de sécurité routière, à 90 km/h.

Phénomène intéressant, on relève des avis tout aussi tranchés que dans le camp opposé. Interrogé par Caradisiac en juin dernier, François Sauvadet, Président du conseil départemental de Côte d’Or, précisait que ses services avaient déployé les quelques 1 100 panneaux nécessaires du lundi 2 mars au vendredi 6 mars : « Depuis le 2 mars [et à la fin juin, NDLR], 10 accidents corporels ont été recensés sur l'ensemble du réseau routier départemental hors agglomération. Sur ces 10 accidents, 7 l'ont été sur des tronçons limités à 90 km/h. Aucun d'entre eux n'était mortel ».

Et le même d’ajouter que « plus généralement concernant les chiffres, nous avons un suivi très précis de l'accidentologie sur les routes départementales. Et que constate-t-on ? Que la plupart des accidents mortels sont liés à des comportements à risques, alcool, drogue et très grande vitesse. » Approche similaire chez le voisin du Jura, où 10 % des routes, qui représentent près de 50 % du trafic, sont repassées à 90.

Paris contre province

Selon son homologue de l’Allier Claude Riboulet, « la première erreur du 80 km/h a été de remettre les voitures à la vitesse des camions sans avoir les 10 km/h de marge de manœuvre qu’on avait pour pouvoir doubler. La deuxième chose est que du coup on perd en lisibilité des vitesses. Toutes les vitesses étaient organisées en tranches de 20 : 30, 50, 70, 90, 110 et 130. En rajoutant 80 on brouille le message. La troisième erreur est que quand on a mis des zones à 70 km/h parce qu’il fallait réduire la vitesse et faire attention, passer de 90 à 70 ça a du sens. Passer de 80 à 70, personne ne ralentit. » Le 22 octobre, le Conseil départemental votait à l'unanimité le retour aux 90 km/h sur les routes, lequel devrait être opérationnel courant décembre.

Lors du passage du Tour de France 2020, le conseil départemental de Corrèze avait clairement affiché la couleur avec des marquages au sol bien visibles depuis les hélicoptères de télévision.
Lors du passage du Tour de France 2020, le conseil départemental de Corrèze avait clairement affiché la couleur avec des marquages au sol bien visibles depuis les hélicoptères de télévision.

Dans le Bas-Rhin, la place n’est pas au doute non plus. Frédéric Bierry, Président du conseil départemental assure ainsi que « les routes que nous avons passées à 90 km/h sont des routes adaptées à cette vitesse avec des aménagements routiers et une visibilité. »

Le Cher s’apprête quant à lui à repasser un peu plus de 400 km de routes départementales à 90 km/h, ce qui suppose le déploiement de 600 panneaux et de 400 panonceaux de rappel, pour un montant de 100 000 €.

"On fait des choix, on prend des risques."

Interrogé par France Bleu, le président du conseil départemental Michel Autissier justifie les choses ainsi : « certains diront qu'on a dépensé 100 000 euros pour remettre le 90 km/h. On pourrait aussi dire qu'on aurait pu s'abstenir de tout cela. Il n'y aurait pas eu toute cette bagarre entre les pro et anti 80 km/h. On aurait évité certains effets pervers sur la ruralité et les procès d'intention si on avait eu la bonne grâce d'interroger les gens concernés, en amont, et pas en aval de la décision. Il aurait fallu recueillir l'avis des gens de proximité, et ne pas se contenter de décider dans un cabinet parisien, pas toujours au fait de ce qu'il se passe dans nos territoires de province. »

Un décalage également dénoncé en Haute-Marne par Nicolas Lacroix: « Cela avait été vraiment pris comme une décision injuste par les territoires ruraux, la mobilité passe essentiellement par la voiture dans ce département. Je prendrai mes responsabilités, il y a bien sûr toujours un risque mais quand on est un élu de la République, on fait des choix, on prend des risques, c’est notre mission. » Ainsi, 476 des 3 900 kilomètres de routes départementales y sont repassées aux 90 km/h.

Y aller ou pas ?

Restent 19 départements où la question reste en suspens, pour des motifs là encore sécuritaires et/ou budgétaires. Parmi les adeptes du « j’voudrais bien mais j’peux point », il y a notamment Jean-François Galliard, dans l’Aveyron où 900 km de routes départementales (sur 6 000) étaient susceptibles de repasser à 90 km/h : "oui, nous avons bien dit que nous reviendrions aux 90 km/h au début de cet été. Mais entre la décision et aujourd’hui, il y a eu et il y a encore la crise sanitaire. Dans ce contexte difficile, ce dossier n’est pas prioritaire. […] Nous n’avons pas abandonné le retour aux 90 km/h, même si je suis aujourd’hui moins convaincu qu’hier. Si on le fait, je ne sais pas quand ce sera." (La Dépêche, 03/10).

Dans le Finistère, on reste là aussi prudent : « nous sommes ouverts à la discussion, mais nous restons prudents. À 90 km/h, il y a des risques d’accidents accrus. C’est quand même la vitesse qui est à l’origine, souvent, des drames », explique Bernard Quillévéré, vice-président du département, à Ouest-France.

En Vendée, enfin, Yves Auvinet résume les choses ainsi (Journal du pays Yonnais, 14/01): « on nous autorise à revenir à 90 km/h. Mais les conditions mises en place font qu’il est impossible de passer une route à 90 km/h. » En effet, difficile de trouver des routes qui correspondent aux règles édictées (portions de plus de 10 km avec séparations physiques et d’alertes sonores en rive, sans, croisements,etc.), ce qui explique pourquoi les 80 km/h ont toutes les chances d’être maintenus. Pourtant, l’élu estime personnellement que certaines voies de Vendée pourraient passer à 90 km/h : « par exemple, l’ancienne Nationale La Roche-Les Herbiers est bien assez large. »

 

Bilan

La France au radar

On le voit, nos élus départementaux ont pour la plupart des positions claires sur la question du retour (au moins partiel) à 90 km/h. Ainsi, les pro-90 km/h sont aujourd’hui nettement majoritaires, avec 38 exécutifs qui y sont favorables et 19 qui hésitent, essentiellement en raison des contraintes édictées par les pouvoirs publics et des coûts potentiels engendrés. En face, 35 départements veulent le maintien à 80 km/h, avec des arguments tout aussi recevables (les départements 75, 92 et 93 étant hors-concours, rappelons-le).

Problème, les convictions sont diamétralement opposées et tout aussi affirmées dans chaque camp, ce qui pose un réel problème de lisibilité des messages de sécurité routière et de compréhension du Code de la route.

Pour l’automobiliste, difficile de s’y retrouver quand il est amené à circuler d’un département  à l’autre. On ne peut donc que déplorer cette cacophonie venant de pouvoirs publics qui par ailleurs n’hésitent pas à nous bombarder de P-V au moindre km/h en trop. En effet, les autorités s'appliquent à elles-mêmes une marge de tolérance supérieure à celle qu'elles autorisent aux automobilistes !

Une certitude en revanche : comme on pouvait le prévoir, c’est bien le grand bazar d’un département à l’autre et nos chers élus, de quelque bord qu’ils soient, avancent bien au radar sur le sujet des limitations de vitesse.

 

Retour (au moins partiel) aux

90 km/h

(effectif ou à venir)

Décision

en suspens

 

Maintien des 80 km/h

 

 

Non concernés

 

 

03 - Allier 01 - Ain 02 - Aisne 75 - Paris
05 - Hautes-Alpes 11 - Aude 04 - Alpes-de-Haute-Provence 92 - Hauts de Seine
10 - Aube 12 - Aveyron 06 - Alpes-Maritimes 93 - Seine Saint Denis
14 - Calvados 24 - Dordogne 07 - Ardèche  
15 - Cantal 26 - Drôme 08 - Ardennes  
16 - Charente 28 - Eure-et-Loir 09 - Ariège  
17 - Charente-Maritime 29 - Finistère 13 - Bouches-du-Rhône  
18 - Cher 33 - Gironde 2A - Corse-du-Sud  
19 - Corrèze 40 - Landes 2B - Haute-Corse  
21 - Côte-d'Or 50 - Manche 25 - Doubs  
23 - Creuse 57 - Moselle 27 - Eure  
34 - Hérault 62 - Pas-de-Calais 29 - Côtes d'Armor  
36 - Indre 70 - Haute-Saône 30 - Gard  
37 - Indre-et-Loire 71 - Saône-et-Loire 31 - Haute-Garonne  
39 - Jura 73 - Savoie 32 - Gers  
41 - Loir-et-Cher 80 - Somme 35 - Ille-et-Vilaine  
43 - Haute-Loire 85 - Vendée 38 - Isère  
44 - Loire-Atlantique 91 - Essonne 42 - Loire  
45 - Loiret 95 - Val-D'Oise 46 - Lot  
48 - Lozère   47 - Lot-et-Garonne  
49 - Maine-et-Loire   51 - Marne  
52 - Haute-Marne   54 - Meurthe-et-Moselle  
53 - Mayenne   56 - Morbihan  
55 - Meuse   58 - Nièvre  
59 - Nord   63 - Puy-de-Dôme  
60 - Oise   66 - Pyrénées-Orientales  
61 - Orne   69 - Rhône  
64 - Pyrénées-Atlantiques   74 - Haute-Savoie  
65 - Hautes-Pyrénées   76 - Seine-Maritime  
67 - Bas-Rhin   78 - Yvelines  
68 - Haut-Rhin   81 - Tarn  
72 - Sarthe   82 - Tarn-et-Garonne  
77 - Seine-et-Marne   83 - Var  
79 - Deux-Sèvres   84 - Vaucluse  
86 - Vienne   89 - Yonne  
87 - Haute-Vienne   90 - Territoire de Belfort  
88 - Vosges      
94 - Val-de-Marne      

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