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L’avenir de Renault se joue-t-il en mer Égée ?

Dans Economie / Politique / Industrie

Jean Savary

Des performances et un agrément de GTI pour une sobriété de petit diesel, la Clio hybride et sa technologie vont sauver Renault. Si la Turquie n’entre pas en guerre…

L’avenir de Renault se joue-t-il en mer Égée ?

Il est à la fois simple et compliqué, le système hybride Renault. Simple car reposant sur une très compacte boîte de vitesses à crabots de type moto, sans synchros ni embrayage. Et complexe car c’est un petit moteur électrique qui gère embrayage et passage de vitesses et un autre plus puissant en appoint, qui délivre l’essentiel de l’assistance électrique.

L’efficacité et l’agrément de ce système inventé et mis au point par Renault F1 sont bluffants : en l’absence de tout glissement ou patinage, la moindre décélération est exploitée pour recharger la batterie. Et à l’accélération, la réponse est instantanée. C’est la première hybride qui ne donne pas la sensation de conduire une hybride, ni même une automatique, mais plutôt une très bonne auto à boîte robotisée. Le charme de la mécanique en prise directe avec les roues…

Avec un peu moins de 4 l/100 km en conduite tranquille sur départementale et jamais plus de 5 à 6 l/100 en ville - ou sur route en faisant parler les 140 chevaux cumulés - cette hybride fait gagner 1,5 à 2 l/100 pour un surcoût de 1 100 € comparé à son équivalente essence avec boîte auto EDC.

Accouplé à un petit diesel, ce génial système pourrait déboucher sur la première voiture 2 l/100 km.

Bref, en admettant qu’aucun contrôleur de gestion ne soit venu rogner la qualité d’un engrenage ou la longueur d’un câblage, cette voiture et cette technologie sont promises à un très grand succès. À condition que…

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Le moteur E-Tech de Renault.
Le moteur E-Tech de Renault.

La Clio, fabriquée dans une poudrière

Quand les médias décrivent les fragilités de Renault, ils évoquent la pénurie de cashflow, le point mort trop haut des usines, le rétrécissement de la gamme, les incertitudes du marché, les difficultés du partenaire Nissan et les embrouillaminis de l’Alliance.

Mais jamais le fait que le principal modèle de la gamme, de loin le plus vendu et l’un des plus rentables, est pour l’essentiel fabriqué en Turquie.

La Turquie n’est pas la Slovénie, la Slovaquie, l’Espagne ou le Portugal, c’est un pays à deux doigts d’entrer en guerre avec un membre de l’Union européenne – la Grèce membre comme lui de l’OTAN - en lui contestant son espace maritime et en y faisant escorter par sa marine de guerre, menaces à l’appui, un navire de prospection gazière. Un pays dont le régime politique vire de plus en plus à la dictature et au népotisme, dont le président a installé des membres de sa famille – parfois accusés de corruption – à des postes clés. Un pays qui opprime sa minorité kurde et rompt peu à peu avec la laïcité en vigueur depuis presque un siècle au profit d’un islam politique dont il se veut désormais le chef de file mondial. Un pays nostalgique de son empire d’avant la première guerre mondiale, qu’il souhaite en partie reconstituer quitte à déstabiliser la Lybie et empiéter en Syrie, à laisser transiter ses terroristes et à alimenter en armes et mercenaires rébellions et factions.

Imaginons que de lourdes sanctions économiques, voire un embargo, frappent la Turquie, ou pire qu’un conflit éclate avec la Grèce que soutiennent militairement la France et l’Italie, au-delà du drame, que deviendrait la Clio ? Et par là, Renault ? La survie d’un de nos deux constructeurs est entre les mains des diplomates.

L’avenir de Renault se joue-t-il en mer Égée ?

La Turquie d’Erdogan, un produit européen

Le cas de la petite citadine au losange illustre à la caricature les risques pris avec les délocalisations. On l’a compris au début de l’épidémie de Covid avec les pénuries de Paracétamol, de masques et de respirateurs, il ne s’agit pas seulement d’emplois perdus et de régions sinistrées, mais aussi d’indépendance et de résilience en cas de crise.

Mon propos n’est pas de faire le procès de la Turquie : l’Europe, et notamment la France, est largement responsable de ce qu’elle est devenue. Nous lui avons tourné le dos au milieu des années 2000 en lui fermant les portes de l’Europe, alors qu’elle était tout aussi moderne et démocratique et bien plus laïque que la Pologne d’aujourd’hui. C’est l’humiliation du refus - français, allemand et autrichien - de voir leur pays postuler à l’entrée dans l’Union qui a fait basculer les classes moyennes turques vers le nationalisme et la religion, suscitant l’émergence de l’AKP et d’Erdogan. C’est l’horizon européen soudain bouché qui a fait se retourner Ankara vers son ancien empire. Les grands basculements tiennent souvent à des riens, des humeurs et des mépris.

On peut aussi évoquer les vicissitudes de la géographie et de l’histoire qui ont pratiquement privé le pays d’espace maritime au profit de la Grèce dont les îles repoussent ses eaux territoriales à quelques encablures des côtes turques. Et ainsi admettre que ce grand pays est injustement privé d’accès aux énormes gisements gaziers que recèle la Méditerranée orientale. Ressources dont cet État très industrialisé mais sans pétrole a le plus grand besoin.

Au nom de la compétitivité salariale

Mais le fait est là : le modèle phare de Renault est fabriqué dans une poudrière, une quasi-dictature qui menace de guerre un pays européen et joue un jeu trouble dans le grand bazar du terrorisme. Un pays qui depuis une bonne dizaine d’années inquiète les spécialistes de la géopolitique, ce qui n’a pas dissuadé l’état-major de Renault d’y transférer, au nom de la compétitivité salariale, une part sans cesse croissante de la production et aujourd’hui sa quasi-totalité. Peugeot a lui aussi délocalisé entièrement sa 208, mais plus prudemment, au Maroc et en Slovaquie où est aussi fabriquée la Citroën C3.

En 1969, quand Renault décide de l’implantation de l’usine de Bursa, la Turquie alterne coups d’état militaires et menaces de guerre civile.

Et après 2016, année du putsch raté contre Erdogan, quand ce dernier durcit considérablement son régime et embastille une partie de la presse et de l’opposition, le constructeur amplifie le transfert de production de Flins vers Bursa. Comme disait ma grand-mère, les bêtises d’hier expliquent mais n’excusent pas celles de demain…

Recep Tayyip Erdoğan.
Recep Tayyip Erdoğan.

Dans quelle usine rapatrier la Clio ?

Il n’est plus temps de relocaliser la Clio en France. Flins où s’y produisait encore quelques dizaines de milliers d’exemplaires il y a peu n’est plus que l’ombre de l’usine géante qui employait 20 000 personnes dans les années 70. Douai a été calibrée pour les Scénic et les haut de gamme. Et Sandouville pour les utilitaires.

Surtout, on ne rapatrie pas une usine de voitures comme une fabrique de médicaments ou de masques. Il ne s’agit pas que de bâtiments et de machines, mais aussi du personnel qualifié, des innombrables petits et grands équipementiers qui se sont eux aussi délocalisés pour suivre leur client. Tout cet écosystème qui met des années à se constituer et disparaît d’un claquement de doigts de PDG ne se ressuscite pas sur décision d’un ministre ou sur fond de bruits de botte.

Une partie de l’industrie automobile française a déménagé, elle ne reviendra pas.

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