Lancia Delta Hyena : du grand art charognard pour un grand bide
Trop chère, et affublée d'un nom péjoratif, la Lancia Hyena, fantasme hollandais habillé par l'italien Zagato, n’a séduit presque personne. Retour sur un coupé confidentiel à 90 000 € qui, derrière ses lignes qui se voulaient plus douces que celles de la Delta dont elle s'inspirait, n'a pas fait oublier l'original.

Au cinéma, on appellerait ce phénomène, « un succès public et critique ». Mais au royaume de l’automobile on parle d’un carton, même si, dans le cas de la Lancia Delta Integrale, le carton reste modeste en comparaison de la production automobile industrielle traditionnelle.
Mais quand même, vendre 7 500 exemplaires d'une « stradale », ou version de route, de l’auto qui a remporté 6 fois le championnat du monde des rallyes relève de l’exploit. Certes, dans sa dernière évolution, elle ne coûtait « que » 38 000 euros daujourd'hui. Mais à la même période, on pouvait s’offrir une BMW E36 328 I toute aussi neuve et presque aussi réjouissante pour 8 000 euros de moins. Mais sans l’exceptionnel palmarès de l’Italienne.
Une Delta aux lignes trop brutales ?
Pour autant, si la Delta fait rêver une génération entière qui l'attend sur le bord des spéciales avec ses couleurs Martini, sa ligne n’a pas séduit tout le monde, et surtout pas Paul Koot. Il importe Lancia aux Pays-Bas, et aux traits carrés de la Transalpine, il préfère les lignes plus douces que d’autres Italiens ont dessinées avant la Lancia.
Et c’est d’ailleurs en Italie qu’il croise la route de la carrozzeria Zagato. Koot est bluffé par l’Alfa Romeo SZ que le designer a créé. L'auto n'a pas séduit tout le monde, mais c’est ce type de dessin qu’il recherche : un mélange d’arrondis et d’arêtes. Banco : les deux maisons s’entendent sur un projet : rhabiller la vilaine Delta en conservant ses attributs mécaniques.

Enthousiaste, le Néerlandais s’en va tout naturellement à Turin rencontrer la direction de Fiat, propriétaire de Lancia, pour lui parler de son projet. Et l’accueil est glacial. Pas question de cautionner l’affaire. Koot retourne aux Pays-Bas un poil déçu.
Mais le Batave est tenace. Alors il poursuit son projet avec Zagato. Fiat refuse de coopérer en lui confiant des Delta ? Il va les acheter, les dépouiller en Hollande, et les transformer à Milan. Le carrossier lui colle une robe en alu, histoire de l’alléger.
Et ça marche, elle a perdu 200 kg et n’en pèse plus que 1 148, ce qui, avec le 2l Turbo de 250 ch, lui permet un 0 / 100 km / h de 5,4 s et une pointe à 250 km / h, le tout avec une ligne de coupé qui si, elle reste une belle tentative de profil n’est pas la plus réussie tant à l’avant qu’à l’arrière.
Début 1993, il ne reste plus qu’à lui trouver un nom, à démarrer la production et à fixer un prix de vente. La drôle d’auto s’appellera Hyena, Koot décide une première production de 75 exemplaires, avant de monter en puissance et fixe le tarif à 90 000 euros, soit beaucoup plus que le double de l'Integrale originale.
Un nom peu ragoûtant et un réseau inexistant
Sauf que rien ne va se passer comme il l’entend. L’auto est trop chère par rapport à ses prétentions. Et comme Fiat refuse de prendre en charge la bête dans le réseau Lancia, les clients doivent se débrouiller avec une garantie aléatoire. Et il y a son nom : Hyena. Qui voudrait rouler dans une voiture baptisée la hyène ? Un animal charognard et peu ragoûtant accolé à une auto aux lignes censées être douces, « ça l’fait pas » comme on dirait 30 ans plus tard. Et ça ne l’a pas fait du tout : seulement 25 unités ont trouvé preneur.
Déçu, Paul Koot est retourné à son réseau de distributeurs et Zagato a ses projets, notamment avec Lamborghini et Aston. Quant à la Hyena, elle a été oubliée, surgissant seulement dans quelques ventes aux enchères ou sa rareté a compensé son flop.
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