Louis Sarkozy veut des routes sans signalisation, pour sauver des vies. Dangereux ? Ou bonne idée ?
Le fils de l’ancien président Nicolas Sarkozy, Louis Sarkozy, s’est exprimé mercredi dernier sur RMC, en avançant une idée qui pourrait selon lui sauver des vies, tout en paraissant de prime abord parfaitement saugrenue. Pour lui, il faut supprimer feux rouges, stop, panneaux de signalisation, trottoirs… C’est le principe de « route nue ». Mais est-ce réaliste ?

« La solution ici, comme ailleurs, c’est plus et pas moins de liberté. Ce qui tue les automobilistes, c’est l’assistanat »…
Louis Sarkozy, fils de l’ancien président de la République Nicolas Sarkozy entame sa chronique sur RMC ce mercredi 3 décembre, par ce coup d’épée dans les principes de la sécurité routière et du Code de la Route. Il réagit ainsi à une étude de la fondation Vinci Autoroute, qui pointe du doigt les manquements des Français en matière de respect des règles de circulation. Ainsi 70 % des piétons et 40 % des cyclistes ne respecteraient pas les feux, 58 % des automobilistes n’utiliseraient pas leur clignotant, et ainsi de suite, la liste est longue. Avec pour conséquence, accidents et drames humains sur nos routes.
Et pour Louis S., essayiste, et récemment candidat déclaré aux élections municipales de 2026 à Menton (Alpes-Maritimes), il faudrait, au lieu de brider la liberté des automobilistes par une signalisation omniprésente, au contraire la supprimer pour leur rendre leur liberté. En somme, on comprend que pour lui, trop de signalisation tue la signalisation, et par là même, crée des automobilistes déresponsabilisés.
L’idée peut paraître tout à fait saugrenue, voire dangereuse. Lâcher la bride aux automobilistes est aux antipodes de ce que prône la Sécurité routière et les politiques depuis plus de 35 ans maintenant. Et l’on pourrait penser que l’anarchie régnerait. Pour autant, ce n’est pas ce que pense Louis : « Je plaide pour une immense simplification de nos routes : supprimer les feux rouges, les lignes blanches, les panneaux de signalisation. En bref : rendre le citoyen responsable de sa propre conduite, au lieu qu’il la délègue intégralement au code de la route. »
Or, l’idée ne sort pas exactement du chapeau de Louis Sarkozy. Il la reprend simplement à son compte. Et il se pourrait bien qu’il ait (en partie) raison. Ce concept d’escamoter la signalisation a un nom : les « naked roads », les « routes nues » dans la langue de Molière. Et il a été théorisé par un ingénieur néerlandais, Hans Monderman. Ce dernier faisait le constat que la signalisation « endort les gens dans l’idée qu’ils sont protégés tant qu’ils suivent les règles ». Une façon de dire que les règles déresponsabilisent, et que leur absence responsabilise.
« Quand il n’y a ni trottoir, ni feux rouges, ni lignes blanches, tout le monde fait davantage attention, les citoyens se responsabilisent, et s’installe alors ce que les chercheurs appellent « une négociation implicite entre les usagers ». Ils deviennent 2 à 3 fois plus prudents. » affirme de son côté Louis Sarkozy dans sa chronique.

Non sans preuve. Car des expérimentations (ou des états de fait) ont été et sont toujours menées dans plusieurs villes d’Europe. Dans la patrie d’origine de Hans Monderman, la ville de Drachten a testé le principe, sur certaines rues. Et l’accidentalité a baissé de 40 %. Certaines rues de Londres sont aussi en mode « naked » et l’amélioration de l’accidentalité a été de 44 % en trois ans, rappelle l’essayiste.
En Italie, sur la commune de Sambruson di Dolo, un « espace partagé » sans signalisation a conduit à une réduction de 53 % des accrochages et accidents.
L’étude de Vinci Autoroutes nous apprend aussi que 95 % des conducteurs ont peur du comportement des autres. Et le principe de « route nue » se sert justement de cette peur. Puisqu’on la ressent, en l’absence de cadre, de règles, de panneaux, on devient beaucoup plus attentif.
Alors, une solution miracle ?
Du coup ? La panacée cette disparition de la signalisation ? La solution miracle pour enfin faire baisser une accidentologie qui ne diminue plus en France ? Pas si simple. Car ce qu’oublie de dire Louis Sarkozy, c’est que ces expérimentations se font ou se sont faites dans des conditions bien précises : zones de partage de la route, centres-villes à vitesse réduite, quartiers aménagés en conséquence. Et non sur « toutes » les routes, ce qu’il prône, manifestement. Il reconnaît tout de même que la situation serait plus compliquée pour les personnes âgées et les malvoyants. Et pour cause. On peut donc se poser la question de l’efficacité si ce principe de naked roads était étendu à toutes les routes. Car si ça peut marcher dans les « zones de rencontre », rien n’est moins sûr pour le reste du réseau routier.
Les réactions n’ont d’ailleurs pas tardé, avec en particulier sur LCI celle de Pierre Chasseray, le délégué général de l’association 40 millions d’automobilistes, que l’on ne peut pourtant pas taxer de vouloir complexifier les choses pour les automobilistes, au contraire.

Il considère que la tribune de Louis Sarkozy s’apparente à une « sortie de piste », et que supprimer la signalisation de manière généralisée est « la garantie absolue qu’on va sur des accidents ». Et il rappelle que les expérimentations se font sur « certaines portions », tout en reconnaissant qu’on observe « dans certains cas, parfois, une réduction de l’accidentalité ».
Il y a donc d’un côté les défenseurs, dont fait partie aussi le philosophe Gaspard Koenig, qui considère que « Comme le constatait déjà Tocqueville, les problèmes posés par la liberté se résolvent par davantage de liberté. C’est le principe des « naked roads », les « routes nues » […] Face à un espace vierge, le conducteur s’étonne, ralentit, observe les autres véhicules, cherche à comprendre le comportement des piétons. Lancé dans le vide de la liberté, l’être humain se responsabilise. » (Voyage d’un philosophe au pays des libertés, 2018, L’observatoire).
Et de l’autre côté les détracteurs, ironiquement pour commencer, le propre père de Louis, qui rappelons-le, a inauguré en 2003 le premier radar automatique, une des premières pierres au développement exponentiel de la sécurité routière, et de ses règles de surveillance, sur notre réseau routier. Et puis bien sûr toute la machine étatique qui crée de nouveaux panneaux régulièrement et ne fait que contrôler de plus en plus le trafic routier.














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