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Un porto chez Jacques Calvet (souvenir)

L'ancien patron de PSA Jacques Calvet est décédé jeudi à l'âge de 88 ans. L'occasion pour notre journaliste de partager le souvenir d'une interview réalisée en 2011 au domicile de l'ex-dirigeant, qui avait conservé tout son franc-parler et dont les propos frappent encore par leur clairvoyance.

Un porto chez Jacques Calvet (souvenir)

On a appris ce vendredi le décès de Jacques Calvet, ancien patron d'un groupe PSA qu'il avait contribué à hisser au tout premier rang en Europe. L'homme était âgé de 88 ans, et les causes de son décès restent inconnues.

Diplômé de l'ENA, il avait dirigé PSA entre 1984 et 1997. Un groupe qu'il avait trouvé au bord de la faillite lors de son arrivée, et qu'il avait redressé avec efficacité avec l'ambition - hélas inachevée -  de hisser celui-ci au premier rang européen. Reste que sous sa présidence, PSA doublera son chiffre d'affaires et engrangera de juteux bénéfices, au prix toutefois de 50 000 licenciements. L'homme était connu pour son caractère trempé et son franc-parler, n'hésitant pas à s'en prendre à ses "cibles" favorites qu'étaient les Japonais, l'Europe ou le pouvoir socialiste.

"C’est avec une grande tristesse que j’apprends le décès de Jacques Calvet et je tiens à exprimer au nom de tous les salariés du Groupe PSA nos sincères condoléances à son épouse et à sa famille. Jacques Calvet, grand visionnaire, a dirigé l’entreprise de 1984 à 1997, pour en faire un constructeur automobile de premier plan", a déclaré Carlos Tavares, Président du Directoire du Groupe PSA

"Je tiens à saluer la mémoire de ce grand capitaine d’industrie qui nous quitte, doté d’un rare courage et d’une détermination sans faille qui doivent nous inspirer. Au regard de la crise que nous traversons, son exemple nous oblige et nous engage à protéger l’entreprise dans l’intérêt de ses salariés, comme il a toujours su le faire."

Apéro porto

Pour l'auteur de ces lignes, c'est aussi l'occasion de partager un souvenir plus personnel. Au printemps 2011, alors que je travaillais pour le mensuel Question Auto (hélas disparu), je parvins à obtenir par l'intermédiaire d'une relation commune une interview de l'ex-grand patron, qui acceptait de m'accueillir dans son appartement de l'avenue Victor Hugo, dans le XVIème arrondissement de Paris.

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Il était 10h30 du matin, et nous nous sommes tous deux installés dans son salon pour une interview de deux heures sans la moindre langue de bois, et à l'issue de laquelle l'homme, courtois et affable, me proposera un petit verre de porto (rouge) qu'il me sera impossible de refuser, mais dont je me souviens qu'il m'avait un peu chauffé le cerveau alors que la faim commençait à me tirailler l'estomac. Il m'en reste l'un de mes bons souvenirs de journaliste, et une interview dont vous pouvez trouver ci-dessous les morceaux choisis. Neuf ans après, on reste surpris par la clairvoyance des propos, notamment sur l'électrique dont l'homme était un fervent partisan, au-delà du seul diesel auquel on le réduit souvent. Mais lisez plutôt.

Trop prudent en Chine ?

« En Chine, quand nous avons installé une usine Citroën à Wuhan, les autorités nous ont demandé de faire en sorte que celle-ci puisse produire 600 000 voitures par an, pour un marché qui n’en absorbait alors que 800 000. J’ai résisté pendant deux ans, car je n’allais pas avoir les ¾ du marché chinois du jour au lendemain.

J’ai passé un accord pour une usine de 300 000 voitures, mais en laissant à chaque stade (emboutissage, peinture et montage) un foncier suffisant pour doubler l’usine. Et j’ai vu avec plaisir que mon lointain et excellent successeur M.Varin avait décidé non pas de faire de doublement mais de construire un deuxième site à proximité avec nos partenaires de Dongfeng. Je me dis que les choses sont allées tellement vite que ma prudence, dictée par des questions financières, nous avait peut-être fait perdre des ventes pendant quelques années. »

Merci Toyota!

« J’ai toujours considéré que Toyota était un modèle au Japon. J’avais eu la très grande chance d’avoir été accueilli chez tous les constructeurs japonais alors lesdits constructeurs n’aiment pas s’ouvrir la porte entre eux. Nous nous étions beaucoup inspirés de leur méthode.

A Sochaux, j’avais fait désosser une Corolla jusqu’à la dernière vis, et on s’était aperçu qu’il y avait eu une recherche technologique pour faciliter toutes les pénibilités du montage. Nous avions alors revu nos propres méthodes d’assemblage en conséquence pour faciliter les choses à nos ouvriers. Notre personnel nous a dit que la 406 était plus facile à monter que la version précédente. Grâce à Toyota ! »

Sur les normes édictées par Bruxelles…

« La commission de Bruxelles a voulu aller trop vite. Elle avait raison de vouloir réduire la pollution, mais a toujours cherché à nous forcer d’aller au-delà de ce qui était concevable au niveau des études. Résultats, quelques échecs techniques et un coût supplémentaire pour le consommateur. »

Un porto chez Jacques Calvet (souvenir)

Sur l’électrique

« Sur l’électrique, je reconnais avoir un peu perdu les pédales. Nous avons été les premiers à faire des recherches, en coopération avec d’autres constructeurs. Je me rappelle une réunion avec Ford Europe. Nous avions été très loin, en étudiant par exemple des liaisons avec des parkings RER qui seraient équipés de quoi recharger les moteurs. Trois difficultés se présentaient : le « regonflage » trop long des batteries, une autonomie qui rendait impossible les départs en week-end, et les prix. […]

Je suis un peu déçu je l’avoue. Je comptais beaucoup sur les batteries. Est-ce que des recherches vers l’hybride ont ralenti l’effort d’innovation vers les batteries ? Il y a beaucoup de projets menés par des gens sérieux, et je ne peux pas croire que ça ne débouche pas un jour. Quand on aura des batteries facilement rechargées, les autres problèmes disparaîtront. Je regrette d’avoir consacré 600 millions de francs de l’époque à nos études. Mais là, je ne comprends pas ce qu’il se passe. J’entre dans mon excuse de retraite de l’automobile. Mais je reste persuadé que l’on va vers l’électrique. »

Peugeot contre Citroën ?

« On m’a beaucoup reproché chez Peugeot d’être trop attaché à Citroën. Ma thèse était qu’il fallait être trois fois Président : chez Peugeot président de Peugeot, chez Citroën président de Citroën, et chez PSA de coordonner l’ensemble. Or, je n’avais pas d’attachement plus grand pour Citroën. Mais la marque était en difficulté. A mon arrivée, la gamme se limitait la Visa, la CX et à la 2CV, une voiture qu’on avait caché pendant la guerre! Il fallait trouver un quatrième modèle. »

« J’ai toujours comparé Peugeot à l’infanterie. Vous avez tel objectif, et il faut le prendre dans tel délai, et disposez de tous les moyens possibles. Citroën c’est la cavalerie. Parfois elle s’égare un peu dans les forêts, n’arrive pas forcément à temps comme à Waterloo. Mais c’est la cavalerie : innovation, invention, recherche, et le goût de « se faire plaisir », pour reprendre une expression en vogue chez les sportifs. Il y a cette joie d’être différent. »

Sa vision de l’automobile

« Je n’intervenais pas dans les études car il fallait un bagage scientifique dont je ne disposais pas. Mais je me suis concentré dans l’organisation, la gestion. L’automobile avait une pointe de folie que je n’avais pas au ministère des finances ou dans la banque. Le seul métier pris entre l’industrie lourde et la haute couture, au carrefour de techniques et des matériaux et de la vie humaine.

La création, la transformation d’une tonne d’acier, de caoutchouc, d’aluminium, de plastique en une espèce d’être concret, c’est un moment unique, surtout pour un homme. Il est impossible, quand on arrive dans l’automobile, de ne pas en devenir un fanatique! »

 

 

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