Le journaliste canadien Stéphane Champagne s'est penché sur le cas des véhicules électriques au Québec. D'après lui, les véhicules électriques sont des oiseaux rares sur les routes pour des raisons législatives et socioéconomiques. On n'y retrouve seulement une poignée d'autos modifiées par leur propriétaire, des voitures utilisées par Hydro-Québec dans le cadre d'un projet-pilote et prochainement on pourra croiser des T-Rex. Concernant les vélos électriques, ils ont leur place dans le Code de la sécurité routière du Québec depuis 2002. Il est possible d'en conduire un en toute légalité. Quelques entreprises québécoises (comme BionX) fabriquent ce type de vélo même si la plupart d'entre eux sont importés d'Asie. Concernant la voiture électrique, elle peut atteindre 100 km/h et fonctionne uniquement avec un moteur à pile (à ne pas confondre avec la voiture hybride électrique qui est propulsée par son moteur à essence et par son moteur électrique et le véhicule électrique à basse vitesse, lequel ne roule qu'à un maximum de 40 km/h).

Projet-pilote d'Hydro-Québec

Stéphane Champagne met en avant qu'il n'y a que cinq auto électriques en ce moment au Québec. Il s'agit de voitures Cleanova qu'Hydro-Québec utilise au sein de son parc de véhicules de service dans le cadre d'un projet-pilote. La Cleanova est construite en France sur un châssis de Renault Kangoo. Elle est toutefois propulsée par le moteur-roue électrique mis au point par une filiale d'Hydro, TM4. Elle peut atteindre 120 km/h et offre une autonomie d'environ 200km par charge. Thierry Vandal, le PDG de la société d'État, conduit une de ces cinq Cleanova de temps à autre, notamment lorsqu'il rend visite à des chambres de commerce. Dans la vie de tous les jours, Vandal se promène plutôt en Lexus hybride. Il y a aussi un peu partout au Québec des émules de J.-Armand Bombardier qui ont modifié leur voiture pour en faire des véhicules 100% électrique. Ils ont réussi leur examen d'inspection auprès de la SAAQ et peuvent donc allègrement rouler sur les routes. C'est le cas de Alain St-Yves de Salaberry-de-Valleyfield. St-Yves possède un pick-up S10 et un Cavalier électriques que lui et ses enfants utilisent quotidiennement. Le S10, avec lequel il s'est rendu jusqu'à la Baie-James, a coûté 30 000$ à modifier, alors que la Cavalier, un prototype que St-Yves a acheté, ne lui a coûté que 5000$. Les deux véhicules sont entièrement électriques. La Cavalier possède toutefois un moteur à essence Honda de 11 forces qui permet de regénérer les batteries tout en roulant. "Le développement des véhicules électriques ne va pas assez vite à mon goût, c'est pour ça que je m'y suis intéressé", explique ce spécialiste en mécanique industrielle.

T-Rex électrique

Le journaliste canadien évoque le véhicule qui risque le plus de faire tourner les têtes cet été : le Silence. Il s'agit d'un T-Rex mais en version électrique. Le T-Rex est ce véhicule à trois roues de conception québécoise, à mi-chemin entre la moto et l'automobile. Le Silence est aussi une création québécoise. Il est l'oeuvre de Paul Laprade, président d'Electric Big Wheel (EBW) qui a fondé l'entreprise Silence Inc., détenue à 50% par Campagna, le fabricant du T-Rex situé à Plessisville. Le Silence de Serge Laprade vaut la bagatelle de 60 000$. Ses piles au lithium valent à elles seules 10 000$ mais ont une durée de vie de 10 à 15 ans selon Laprade. Le premier exemplaire qui sortira des ateliers de Campagna a été acheté par une dame de la Rive-Sud. Ce T-Rex nouveau genre peut facilement atteindre 200 km/h. "Mais notre marché n'est pas vraiment au Québec. En ce moment, il est surtout aux États-Unis. Si nous pouvions en fabriquer suffisamment, nous en vendrions deux par jour. J'ai déjà une liste de 150 personnes qui sont même prêtes à payer d'avance leur Silence" explique Serge Laprade.

Les véhicules électriques ont du mal à s'imposer au Québec

Ni émission, ni bruit

Il n'y a pas que le Silence qui soit construit ici et dont le potentiel de vente se trouve aux États-Unis. Depuis 2006, Saint-Jérôme, dans les Laurentides, accueille une usine de l'entreprise torontoise Feel Good Cars, constructeur des véhicules à basse vitesse ZENN (Zero Emission, No Noise). La ZENN, vendue environ 15 000$, ressemble à la Smart. Son autonomie est d'environ 60km. Elle peut atteindre 40 km/h, d'où son appellation de véhicule à basse vitesse. La plupart des États américains, tout comme plusieurs pays européens, permettent l'utilisation de véhicules à basse vitesse dans des zones désignées.

Interdit sur les routes

Stéphane Champagne ajoute : ironiquement, il est interdit de conduire certains véhicules électriques au Québec et ce, même s'ils sont construits ici. "Il faudrait que ça se comporte comme un véhicule de promenade normal (comprendre: une voiture à essence) pour pouvoir être immatriculé. Et il n'y a rien en préparation (dans la loi) pour changer cela", explique Audrey Chaput, porte-parole de la Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ). Encore plus ironique, c'est également à Saint-Jérôme que se trouve le CEVEQ (Centre d'expérimentation des véhicules électriques du Québec). Créée en 1996, cette institution à but non lucratif de réputation internationale a pour mission de promouvoir le développement du transport avancé, particulièrement des véhicules électriques. Actuellement, elle coordonne, au Québec, l'utilisation d'un autobus électrique de fabrication italienne. Le CEVEQ croit d'ailleurs, études à l'appui, que le Québec est mûr pour utiliser les véhicules à basse vitesse, comme la ZENN ou le Segway (une invention américaine). Pourvu, bien sûr, que le tout soit bien encadré, dit Pierre Lavallée, directeur général du CEVEQ. "Il n'y a pas de constructeurs automobiles ici mais je me demande tout de même si le Québec ne pourrait pas devenir une sorte de plaque tournante dans le transport propre", s'interroge Lavallée. "Nos législateurs, que le directeur du CEVEQ trouve très prudents, sauront-ils reconnaître la portée d'un tel projet?" À suivre.

Le journaliste conclut : d'ici à ce que les choses bougent dans ce coin de l'Amérique, des constructeurs d'un peu partout dans le monde (Peugeot Citroën, Mitsubishi, Ford) jouent au yoyo : ils poursuivent ou abandonnent leurs recherches afin de créer la voiture électrique de demain.