Il est 22 heures, nous sommes bien dans Minuit chicanes.


« Mais il semble qu’on ne peut rester indifférent au fait suivant. En écriture phénicienne, le signe rond O note la consonne pharyngale sonore 'ayin, tandis qu’en alphabet grec le rond O note la voyelle o, o fermé, un peu comme dans le français « pot ». L’impression nous vient que les Grecs s’aperçurent que le son o nécessitait l’arrondissement des lèvres et qu’un signe rond convenait particulièrement bien à sa graphie. Un argument vient à l’appui de cette intuition : lorsque certains Grecs créèrent, au plus tôt vers le milieu du viie siècle, un signe pour noter leur ô ouvert et long, ils ouvrirent le cercle de leur signe O (omicron, « petit O ») pour écrire la lettre Ω, que l’on appela par la suite oméga, « grand O ». L’alphabet grec avait au départ seulement cinq signes pour les voyelles A, E, I, O, Y. L’un d’eux, O, ressemblait à la forme que prend la bouche pour prononcer sa sonorité. L’ouverture du O en Ω qui eut lieu à la fin du viie siècle avant notre ère dans le dessein de noter l’ô ouvert long de la langue montre une réflexion grecque archaïque sur le signe comme symbole graphique de la langue parlée, comme image du corps visible du locuteur. »