On n'oublie jamais sa première fois avec une 911 Carrera, et pour cause, elle met tous les sens en émoi !

Tout d'abord, le choc visuel. Rien ne ressemble à une Carrera car elle a une ligne parfaite. Fluide, sobre, elle ne manque de rien. Dans 50 ans, elle ne sera pas encore démodée...

Ensuite, le toucher... Aprés avoir ouvert une poignée dure, on prend plaisir à la fermer, avec ce "clong" si caractéristique des autos d'antan...

On retrouve avec plaisir l'aspect vieillot des années 80 et ses plastiques, ses cuirs fatigués et sa sellerie moelleuse...

Mais rapidement, une forte odeur nous monte au nez. Même âgée de 20 ans, les matériaux possèdent encore ces fortes senteurs d'une auto qui sort d'usine.

On est déjà remonté 20 ans en arrière...

Vient le moment fatidique, celui de tourner la clé à gauche du volant...

Le flat 6 s'ébroue, expectore, puis prend vie. L'ouïe efface alors tous les sens. Dans votre dos, une force de la nature vient de se réveiller, et ne demande qu'une chose: s'exprimer.

On ressent alors les vibrations du moteur jusque dans le volant, sans même avoir enclenché une vitesse, on s'aperçoit, c'est ridicule, qu'une goutte de sueur nous coule sur la joue, il fait chaud. Inutile de chercher une ventilation, elle marche un coup sur deux.

Vient alors le moment d'enclencher la boîte type 915. Un verrouillage ferme nous remet en confiance, et, ô bonheur, on se rappelle que le pédalier est l'un des meilleurs jamais réalisés, avec sa pédale d'accélérateur dessinée pour le talon-pointe.

Premier coup de gaz, le gros compte tour vous défie, vous attendrez encore longtemps avant d'expédier l'aiguille orange en direction de la boîte à gants ?

S'en suit une expérience unique, celle où l'on fait corps avec la voiture.

A son volant, vous comprenez la voiture... Le siège baquet n'est pas de trop, car la 911 vous fait payer cher le fait d'être en symbiose avec elle.

Premier dégagement, on rétrograde en second, pied au plancher. A ce moment, on oublie tout. Il faut être bien accroché au volant, car il n'y a pas de temps de réponse. Ca pousse, c'est viril, le paysage défile très vite...

Un virage, il est temps de tester le freinage. La réputation de Porsche n'est plus à faire. On écrase la pédale sans arrière pensée, l'efficacité est bluffante... Vient un virage, on rentre dedans à fond...

Panique, elle sous-vire! Très légèrement, une fois pris ses appuis, il faudra jouer du cerceau pour contenir un survirage délicieusement maîtrisable.

Le point de corde est passé, on soulage le frein et on remet les gaz, la poussée est encore plus impressionnante. La boîte n'est plus accrocheuse, les vitesses passent à la volée, on commence à comprendre le mode d'emploi. On entre alors en phase de concentration extrême, avait-on idée qu'une auto puisse nous asservir à ce point ?

Chaque tronçon de route devient une spéciale de rallye, où une session de circuit, il faut se calmer, d'ailleurs, l'aiguille du compte tours s'affole, et, quelle inconscience, on se rend compte de la vitesse à laquelle on roule...

On se gare, exténué, on essuie son front humide, les jambes semblent trembler quelque peu...

C'est fini, on est piqué par le virus, et on ne l'oubliera jamais. Finalement, dire qu'elle met tous les sens en émoi est un euphémisme.

On ne verra plus la route de la même manière.