On ne l'attendait plus ! Un décret, publié mercredi au Journal officiel, fait enfin évoluer le code de Procédure pénale afin de garantir davantage de droits aux présumés contrevenants dont les contestations sont rejetées de manière tout à fait illégale. La dérive est connue depuis belle lurette, mais rien n'avait été fait jusqu'à présent. Maintenant, si l'on ne peut que se réjouir de cette avancée, on pouvait aussi espérer mieux de ce texte qui n'entrera en vigueur que le 1er mars 2014.

La Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) a quand même condamné la France à plusieurs reprises, notamment en 2002* puis en 2012 (voir les trois derniers arrêts rendus à la fin de cet article), notamment pour cette « violation des droits de la défense et une restriction illicite du droit d’accéder à un tribunal ». Le défenseur des droits, Dominique Baudis, s'est lui aussi emparé du sujet l'an dernier pour dénoncer « la complexité du dispositif répressif en matière de sécurité routière et la dématérialisation croissante du traitement des contraventions [qui] ne permettent pas de garantir aux usagers l’effectivité de leurs droits. » Et avant lui, en 2006, c'était son prédécesseur, celui qu'on appelait alors le médiateur de la République, qui s'en était fait l'écho, en pointant du doigt cette pratique illégale de certains Officiers du ministère public (OMP)...

Car il s'agit bien de cela : des OMP - en charge de réceptionner et de donner les suites qui conviennent aux contestations - qui outrepassent leur droit. En vertu de l’article 530-1 du code de Procédure pénale, ces derniers n'ont pourtant pas la liberté de rejeter les réclamations pour n'importe quel motif. Sans raison valable juridiquement parlant, ils n'ont théoriquement pas d'autre choix que de procéder à la saisine du tribunal compétent qui aura à entendre le contestataire... Si ce n'est sinon classer sans suite son affaire, ce qui arrive somme toute de plus en plus rarement.

Du mieux dans certains cas seulement

Pourtant, « les motifs invoqués par les OMP pour rejeter les réclamations laissent vraiment parfois pantois », souffle Caroline Tichit, avocate spécialisée dans le code de la Route. A une époque, « on avait beaucoup de "redevable pécuniaire" quand il s'agissait d'infractions relevées par les radars automatiques. En ce moment, on a beaucoup d'"absence d'envoi en lettre recommandée", alors même que cette réponse de l'OMP intervient dans les délais légaux... Cela ne tient pas debout ! Comprenez bien que le recommandé n'est nécessaire que pour vérifier le bon respect de ces délais. Alors s'il n'y a rien à redire là-dessus, il me paraît disproportionné de retourner une réclamation pour ce seul motif », s'indigne encore Me Tichit.

Mais le décret publié mercredi ne semble pas s'atteler à combattre ces derniers motifs, jugés farfelus. Un nouveau recours sera donné au contestataire dans le délai d'un mois uniquement si « la décision d'irrecevabilité [sera] fondée sur l'absence de motivation de la requête en exonération ou de la réclamation », dixit l'article R49-18 du code de Procédure pénale que le décret modifie. Plutôt que de prévoir un recours général comme cela est d'ailleurs prévu « à la suite d'une amende forfaitaire majorée, quand l'amende initiale n'a pas été réglée ni contestée, avec ce que l'on appelle la procédure de l'incident contentieux, le législateur a en fait décidé de mettre en place une voie de recours supplémentaire, comme une sorte de session de rattrapage », analyse Me Tichit.

Cette "absence de motivation", qui est certes également un motif de rejet récurrent et pour le coup tout à fait acceptable juridiquement, n'en est pas moins parfois réfutable... Dans le cadre du contrôle automatisé, si le propriétaire d'un véhicule flashé par un radar a le malheur de contester sa contravention au seul motif qu'il nie avoir été au volant de son auto au moment des faits, il courrait bien le risque de voir sa contestation rejetée au motif soi-disant d'"absence de motivation" ! Un comble, si celui qui ne conduisait pas ne peut même pas contester la contravention pour cette seule et bonne raison !

D'ailleurs, dans le futur article R49-18 du code de Procédure pénale, il sera bien stipulé aussi qu'il faudra notamment considérée comme motivées « les requêtes ou réclamations dans lesquelles la personne (…) conteste avoir commis la contravention ». C'est dire l'étendue des dégâts actuelle. Maintenant pour les autres abus, il n'est pas du tout assuré que le nouveau décret soit bel et bien efficace. A suivre.


Les trois arrêts rendus par la CEDH le 8 mars 2012 :

Cadène contre la France

Célice contre France

Josseaume contre France

* CEDH, 21 mai 2002, Peltier c/France, n° 32872