Retrouver du spectacle en F1. Alain Prost a peut-être la solution


Renault F1 à la peine, Alain Prost et sa solution pour relancer le spectacle en F1, l'électrique : on fait le point sur la F1 2014

Alors que les F1 attendent dans leur box que la piste s’assèche sous les sifflets des spectateurs déçus de ne rien voir en piste depuis 30 minutes, nous rencontrons Alain Prost, toujours ambassadeur de Renault et toujours aussi franc au moment de répondre aux questions. La question du spectacle offert par la F1 se pose avec acuité depuis le début de saison mais selon lui, le mal est bien plus ancien. En premier lieu, il admet que la F1 doit marier le sport et le spectacle dans des proportions à peu près égales. Idéalement, cela devrait être du 50/50, les acteurs présents étant tout autant en recherche d’image et de reconnaissance technologique que de « buzz » capable d’inonder les médias. Pour Alain Prost, la F1 a conservé un socle important de fans amateurs de sport automobile – qui vieillissent – mais n’a pas su conserver la frange plus large des personnes moins passionnées attirées par le show offert par la discipline. Du coup, en se modifiant pour tenter de séduire un nouvel auditoire plus jeune, elle déçoit les passionnés qui ne s’y reconnaissent plus et qui se tournent vers l’historique.


Pour Alain Prost qui s’étonne toujours de voir à quel point les pilotes sont « bordés » et en constante relation avec leur stand via la radio, le mal qui ronge la F1 ne se situe pas dans la technologie des monoplaces. Non, la F1 perd de son aura en même temps qu’elle perd de son « humanité ». L’homme n’est plus assez au centre du processus complexe qui fait gagner une F1. Le Professeur imagine qu’un début de solution pourrait consister à isoler un peu plus le pilote des armées d’ingénieurs qui œuvrent dans les stands et qui le guident en permanence pendant les courses. Moins de radio ou bien, seulement dans un sens, moins de télémétrie, un pilote un peu plus décisionnaire de ses stratégies de course, cela pourrait effectivement remettre un peu de suspenses et d’imprévu dans les Grands Prix. Et accessoirement, cela redonnerait la possibilité aux pilotes les plus doués en piste de (re)devenir des icônes sur leur seule capacité à dominer leurs adversaires en piste et pas seulement par leur faculté à sortir avec des stars du show-biz ou/et à communiquer sur les réseaux sociaux.

Pour retrouver le lustre de la F1, Alain Prost pense que l'on pourrait isoler un peu plus les pilotes des armées d’ingénieurs qui les guident en permanence pendant les courses



Pour moi qui estime souvent que c’est essentiellement la présence des constructeurs en F1 qui a amené progressivement à cet effacement du facteur humain en F1 (on n’est pas dans l’Endurance !), je ne suis pas parvenu à amener Alain Prost à me rejoindre sur l’idée qu’il faut les interdire ou les réduire au simple statut de motoriste mais j’avoue que cette solution de limiter au maximum les communications entre le pilote, la monoplace et les stands pourrait être une alternative sur laquelle certains pontes de la discipline pourraient réfléchir.



Passerelles entre F1 et série


Renault F1 à la peine, Alain Prost et sa solution pour relancer le spectacle en F1, l'électrique : on fait le point sur la F1 2014

Outre cette question du spectacle, nous avons abordé la question des liens entre série et F1 et de l'impact de l'arrivée de l'électrique dans cette discipline. Renault a expliqué que plusieurs ingénieurs de la série dont certains ayant travaillé sur le projet électrique de série avaient basculé à Viry pour travailler sur le V6 turbo Renault Energy F1 et au final, c'est un des principaux concepteurs des derniers moteurs TCe essence de Renault qui a supervisé ce V6 Turbo. L’aide des gens de la série fut plus précieuse encore pour les turbos qui, malgré ce qu’en dit le marketing, n’étaient plus du tout une spécialité de Renault F1 depuis très longtemps puisqu'ils étaient bannis depuis la fin des années 80. Pour l’instant, il existe quelques passerelles entre les 2 univers, illustrées par l'utilisation dans les voitures au losange du revêtement DLC (Diamond Like Carbon) inauguré il y a 7 ou 8 ans par les moteurs de course. Quelques lignes de code du software de gestion de la partie électrique se retrouvent aussi bien sur la Zoé que sur le Power Unit, la segmentation du 1,6l dCi peut être utilisée sur le V6, on peut dire également que le circuit d'eau ou la conception supercarré de ce même 1,6l dCi sont très largement inspirés de ce qui se fait en F1. C'est encore assez peu mais cela devrait changer dans les années à venir car on n’est qu'au tout début de l’histoire des F1 hybrides, les enseignements viendront forcément avec le temps. On peut d’ailleurs regretter que les spectateurs ne perçoivent pas plus que ça le challenge technique qu’a représenté cette génération de moteur totalement nouvelle, ni d'ailleurs la somme d'efforts fournie par les équipes. Selon Alain Prost, développer une technologie aussi nouvelle (rappelons que les F1 récupèrent l'énergie dégagée au freinage mais aussi par la chaleur de l'échappement et que leur bloc électrique fournit 160 ch) aurait demandé au moins 5 ans de travail dans un schéma classique dédié à la série. Ici, cela n'a finalement demandé qu'une petite année.

Petite indiscrétion, maintenant que les armées d'ingénieurs de Viry parviennent enfin à faire quelques nuits complètes (ce qui n'était plus trop le cas depuis 6 mois !), les gens de Renault F1 rêvent et s'imaginent déjà installer leur moteur F1 2014 dans une auto de série, façon Twizy F1 de l'an dernier. Pour les aider, je propose une Laguna Coupé de 700 ch...

Renault F1 : les raisons du début de saison difficile


« Nous avons été ambitieux, nous avons manqué de temps »


Axel Plasse, directeur du programme Renault F1 Energy

Axel Plasse, le patron des moteurs chez Renault F1, admet que leur « erreur » est d’avoir été ambitieux lors de la conception du V6 1.6l turbo et qu’ils ont manqué de temps pour parfaire la mise au point de tous les éléments – nombreux - qui doivent fonctionner ensemble. D’ailleurs, cette mise au point se poursuit encore et pour bien faire comprendre que le nœud du problème ne se situe pas dans la conception, il rappelle que les moteurs sont figés depuis le début de saison. Actuellement, le moteur Renault ne donne toujours pas son plein potentiel et devrait encore progresser largement jusqu’en milieu de saison. Si pour le championnat, Axel Plasse semble un peu résigné, il espère retrouver le chemin de la victoire rapidement. Il précise également que, contrairement à Mercedes qui conçoit et fabrique les pièces de son moteur, Renault fait appel à des sous-traitants, ce qui dans le contexte de ce début de saison tendu sur le plan du timing, n'était pas un avantage et a forcément ralenti le processus de mise au point. À ce sujet, Axel Plasse précise que les premiers essais calamiteux de Jerez qui ont freiné un peu plus le processus de mise au point était autant de leur fait (problèmes électriques) que de celui de Red Bull qui est venu avec un châssis à la philosophie trop radicale. Renault estime que chaque façon de travailler (sourcing interne ou externe) a ses avantages et ses inconvénients mais ils restent persuadés que leur choix est une bonne option pour conserver la compétitivité dans le temps.


Il explique à ce propos que les équipes et le motoriste se réunissent régulièrement (en réel ou par visio- conférence) en amont de la conception du moteur pour connaître les besoins des ingénieurs châssis, une opération évidemment plus poussée avec le champion du monde Red Bull qu'avec Caterham. Selon Axel Plasse, les équipes d’Adrian Newey ont pour qualité première d’être jusqu’au-boutiste et quand Renault leur propose une spécificité moteur (intégration, puissance, échappement, refroidissement...etc), Red Bull demande toujours plus. C’est comme cela qu’on devient champion du monde mais c’est aussi comme cela que parfois, on va un peu trop loin. Ce fut le cas cette année et Red Bull a dû revoir tout le flux interne assurant le refroidissement de la partie arrière qui surchauffait lorsque la voiture était à l'arrêt. Les quelques essais de « fired up » (démarrage de la monoplace pour voir si tout fonctionne) avant Jerez ne pouvaient pas mettre l'auto dans une configuration assez extrême pour déceler le problème avant la mise en piste.


Le patron des moteurs de Renault se dit tout de même heureux de devancer Ferrari (équipe constructeur) et de l'évolution de son moteur. Compte tenu des réglementations, les 3 moteurs actuellement en F1 ont tous plus ou moins la même puissance (autour de 760 ch) mais il concède que Mercedes a une meilleure « puissance moyenne » offerte au pilote (appréciez la sémantique), une meilleure gestion de l'énergie qui explique en partie la domination de Hamilton et Rosberg. Mais il précise aussi que si Mercedes domine tant, c’est aussi grâce à un châssis génial ...

Une petite précision qui remet le camp des ingénieurs châssis de Newey dans la boucle, histoire de rappeler que, c'est bien ensemble que les 2 partenaires gagnaient auparavant et que c'est également ensemble qu'ils connaissent et tentent de résoudre les difficultés actuelles.


Et la Formule E dans tout ça

Renault F1 à la peine, Alain Prost et sa solution pour relancer le spectacle en F1, l'électrique : on fait le point sur la F1 2014

À parler de moteur hybride, de spectacle et de F1, la question de la Formule E 100% électrique s’est posée. Alain Prost qui est directement impliqué dans une équipe (avec DAMS) ne voit pas cette discipline comme une concurrence potentielle à la F1 mais plutôt comme une discipline totalement détachée de la F1. Disputée seulement en centre-ville, il imagine cette nouvelle formule comme un moyen de séduire ces populations jeunes (et plutôt citadines) qui n’ont pas accroché le wagon de la F1 traditionnelle et dont on parlait plus haut pour ensuite les emmener doucement vers la discipline historique. Vu comme ça, cela peut devenir intéressant effectivement.


Quant à savoir si en réel, une F1 2014 fait un bruit détestable, mon avis est qu'entre une GP2 qui vous torture les tympans (surtout à Monaco où les sons se répercutent entre les immeubles) et une F1 2014 qui ne prend pas plus de 12 000 à 13 000 tours, il doit y avoir la place de faire quelque chose de plus intéressant que ce qui existe actuellement (et sans cornet dans l'échappement s'il vous plaît). La réduction du bruit est appréciable mais il manque en fait du régime moteur à ces V6 1,6l turbo qui développe tout de même 600 ch. Et si le bruit de la turbine pouvait être augmenté, ce ne serait pas plus mal pour rendre cette F1 un peu plus sauvage et intrigante. Donc, mémorable.