Sauf une catastrophe que personne ne souhaite, à commencer par cette source du Figaro, la mortalité regrettée sur nos routes en 2013 devrait être la plus faible enregistrée depuis le calcul de la sinistre statistique commencé en 1948. La barre des 3 000 décédés devraient être à peine dépassée. Une tendance dont tout le monde se félicite pour mieux s'en attribuer les mérites. A commencer par les talibans de l'autophobie qui en oublient une évidence : si l'on meurt moins dans une voiture, c'est aussi parce qu'elle est devenue plus sûre.


Lors des onze premiers mois de cette année qui s'achève, on recense 2 943 personnes victimes du trafic routier quotidien. Comme il ne reste plus que trente et un jours à tirer, il ne faut pas être grand clerc pour en conclure d'ores et déjà que nous serons en dessous des 3 645 tué de l'an dernier. Au passage, cela fait douze ans que l'on constate une décrue des tués sur les routes. Et c'est tant mieux !


Un fléchissement têtu et salvateur qui font danser la gigue aux tenants de la répression routière. Ceux-là voient dans les 4 200 radars automatiques leurs saintes légions irradiant de leur lumière le pêcheur des kilomètres heures, expurgé de son vice au fur et à mesure que son permis s'allège de ses points. Ceci sans compter sur les commandos furtifs embarqués dans des véhicules lambda, traquant jusqu'au dernier des irréductibles. Et tant pis pour les étourdis occasionnels.


La victoire ayant cent pères au contraire d'une défaite orpheline, il est jusqu'à Monsieur Météo pour s'arroger cette part de gloire. Il est vrai qu'en mars dernier, la neige avait paralysé le trafic alors qu'en mai, la pluie n'avait guère incité à la balade. Deux mois qui ont offert autant de record dans la diminution de la mortalité routière : -26,8% pour l'un et -29,5% pour l'autre. Quant à l'été, il n'a pas plus été meurtrier.


Pour n'oublier personne, il faut aussi se féliciter de la hausse des prix à la pompe et de la crise économique qui tabassent le budget des ménages qui, du coup, calculent le kilomètre parcouru et roulent sur des œufs pour économiser le litre du précieux liquide. Elle n'est pas belle la vie les gars ? Pour sauver des vies sur les routes, il faut se féliciter du flicage à chaque hectomètre, se goberger du fait que la voiture nous ruine, que l'on n'entretienne plus les routes même par mauvaises intempéries. Les associations bien pensantes au budget de fonctionnement public et la fiscalité routière ont encore de beaux jours devant elles : avec l'objectif des 2 000 tués fixés, la baisse du curseur des vitesses obligatoires guette. En 2014, entre pollution, délire sécuritaire et démagogie, on peut parier sur un changement de ce côté-ci du code de la route.


Oui, mais la voiture et la personne qui est dedans dans cette histoire ? Vous verrez, on en parlera très peu. Les radars ont moins flashé ? C'est aussi parce que nous tous, en sus de ce qui précède, avons fait preuve d'une attention citoyenne. Et lorsque le drame arrive, on ne remerciera jamais assez les constructeurs d'avoir travaillé à ce point qu'ils nous ont donné l'opportunité de rouler dans des engins de plus en plus sûrs. Lorsque le choc est inévitable, ce n'est pas une quelconque ligue, un vague ministre ou une boite à images que l'on remercie en sortant de sa caisse blessée. Mais bien au blason qui ornait sa calandre et aux gens qui l'ont servi dans les ateliers.


Voilà, si la mortalité a baissé sur nos routes jusqu'à un seuil jamais vu depuis 1948 c'est d'abord parce que nos automobiles ne sont plus celles de 1948. La mentalité de nos dirigeants, elle, en est en revanche encore à ce stade. Ils nous persuadent que prendre une voiture est une intention coupable tout en regrettant ensuite le fait qu'elles se vendent moins. D'ailleurs, si on restait à la maison, on ne risquerait pas un accident de la route n'est-ce pas ? Ils tiennent à nous infantiliser en tenant des raisonnements puérils. Mais qui est encore vraiment dupe ?