La noblesse d’un V12 Ferrari pour moins de 30 000 € !
Stéphane Schlesinger , mis à jour
En se tenant à l’affût, on peut dénicher aux enchères une Ferrari 400 ou 412 proposée sans prix de réserve. Et repartir au volant de cette magnifique GT, dotée d’un V12 proche de celui de la mythique Daytona pour moins de 30 000 € ! Evidemment, il ne faut pas s’attendre à un exemplaire parfait…
De temps en temps, en épluchant les résultats des ventes aux enchères, on voit des voitures prestigieuses adjugées à des prix incroyablement bas. Ainsi, chez Artcurial, pourtant plus spécialiste des records que des tarifs plancher, une Ferrari 412 de 1985 en bon état est partie voici un an pour 26 473 € à Monaco. Ça donne à réfléchir !
Car à ce tarif de Renault Mégane d’occasion, on s’offre un authentique pur-sang, une Ferrari dotée d’un V12 des plus nobles, appartenant à la même famille que celui équipant la Daytona. Fou, non ? D’ailleurs, cette dernière donne globalement beaucoup à la 365 GT4 2+2, présentée en 1972, pour remplacer une 365 GTC4 produite une année seulement.
La GTC4, en gros, c’est une Daytona civilisée dont la boîte a été déplacée du train arrière vers le bloc-moteur, afin de dégager un peu d’espace pour loger deux passagers supplémentaires. Dotée en sus d’une direction assistée, d’un correcteur d’assiette ainsi que d’un carter humide et non plus sec, la GTC4 laisse toutefois perplexe par la faute d’une carrosserie étrange, dotée de boucliers en plastique.
Peu confiant, Ferrari fait étudier dans la foulée une évolution rallongée de 23 cm (4,80 m au total), donc plus spacieuse, afin de plaire au marché US. Le tout s’habille d’une robe moderne, anguleuse et très tendue due à Leonardo Fioravanti, chez Pininfarina et cela donne la 365 GT4 2+2. Si elle rappelle furieusement la Fiat 130 Coupé, lancée un an auparavant, elle ne partage strictement rien avec elle. Et surtout pas la boîte automatique, ce qui déplaira aux Américains. D’ailleurs, son V12 4,4 l de 340 ch, alimenté par six carburateurs, est trop polluant pour l’Oncle Sam qui lui refusera l’homologation. Quel paradoxe !
Une fois de plus, Ferrari revoit sa copie, et en 1976, la voiture est largement modifiée. Cubant désormais 4,8 l, le V12 a une cylindrée unitaire de 400 cm3, ce qui donne son nouveau nom à la voiture. Sa puissance reste à 340 ch, mais il carbure plus propre, obtenant enfin son sésame pour les USA. De plus, cette Ferrari 400 a droit à une boîte automatique (une première à Maranello !), une Turbo Hydramatic 400 à trois vitesses, fournie par GM. L’unité manuelle reste disponible, sur la version GT.
Malheureusement, la Ferrari a pris une bonne centaine de kilos à cause de toutes ses modifications, touchant notamment au confort, et perdu ses six feux ronds arrière, n’en comptant plus que quatre. Facturée 215 000 F (157 700 € actuels selon l’Insee), la 400 s’adresse à une petite élite, qui apprécie ses performances, sa discrétion et son luxe (cuir Connolly, clim, vitres électriques de série).
Surtout, outre-Atlantique, elle trouve son public. En septembre 1979, là encore pour satisfaire aux normes antipollution US, la 400 adopte une injection Bosch K-Jetronic qui fait chuter la puissance à 310 ch. Fin 1982, la 400i bénéficie de modifications assez nombreuses : sièges et tableau de bord redessinés, moteur retravaillé pour développer 315 ch. Trois ans plus tard, fin 1985, la 400i cède la place à la 412, qui en est une évolution.
Celle-ci, repérable à sa malle relevée et ses boucliers couleur carrosserie, voit son V12 porté à
4,9 l pour 340 ch et son habitacle remanié. sera produite jusqu’en 1989, n’étant remplacée qu’en 1992 par la magnifique 456 GT. Au total, les 365/400/412 seront fabriquées à 2 872 exemplaires, majoritairement en automatique. C’est peu dans l’absolu mais beaucoup pour Ferrari, surtout que le prix monstrueux était garant d’une certaine rentabilité.
Combien ça coûte ?
Nous l’avons vu plus haut, en enchères, on tombe parfois sur des exemplaires à moins de
30 000 €. Toutefois, c’est très rare, du moins en Europe continentale. Outre-Manche, en revanche, on en voit régulièrement de correctes entre 20 000 £ et 30 000 £, parfois en conduite à gauche. Cela peut se révéler très intéressant, surtout que les droits de douane sont réduits pour les autos de cet âge.
Plus raisonnablement, une belle 400 automatique française et totalement fonctionnelle réclamera 60 000 €, contre 55 000 € à une 400i et 50 000 € à une 412. Ajoutez de 5 000 € à 10 000 € pour une version GT à boîte manuelle. Ensuite, les prix peuvent nettement croître pour une auto réellement impeccable, faiblement kilométrée et dotée d’un bel historique. Quant aux rares 365 GT4 2+2, elles sont plutôt à 75 000 € minimum en bel état. Fait amusant, vers 2012, le prix normal d’une 400i tournait autour de 25 000 €…
Quelle version choisir ?
Le meilleur rapport qualité-prix revient à la 412, qui, en outre, est très rare. Mais son esthétique ne convient pas à tous.
Les versions collector
Toutes, évidemment. Mais les collectionneurs favorisent la 365, plus pure et rare, ainsi que les variantes manuelles.
Que surveiller ?
Bien conçue, cette famille de Ferrari se révèle mécaniquement très fiable. Mais, doux euphémisme, son entretien n’est pas à la portée de toutes les bourses. Sachez que pour une auto de ce rang, dépenser 10 000 € pour une révision est monnaie courante.
Tous les 5 000 km, on doit vidanger les près de 19 litres d’huile du moteur et changer les deux filtres (une opération heureusement simple), tous les 10 000 km, on vérifie la tension de la chaîne de distribution (à changer avant 100 000 km, ce qui revient à près de 15 000 €), tous les 20 000 km, on vidange la transmission ainsi que le liquide de refroidissement, tous les 30 000 km, on règle le jeu aux soupapes. Une mise au point du moteur après cette dernière opération dépasse aisément les 5 000 €…
En général, vers 80 000 km, il faut souvent changer les joints de queues de soupape, une opération considérée comme de la routine par les spécialistes du modèle. Les exemplaires à injection sont plus faciles à vivre que ceux à carburateurs, car ils nécessitent moins de réglages, mais quand la K-Jetronic se met à dysfonctionner (cas fréquent en cas de longue inutilisation), la facture peut faire mal. Les échappements d’origine se révèlent fragiles, et sont souvent changés, de façon avantageuse, par des éléments en inox.
La boîte manuelle est, elle aussi, solide, plus que l’automatique si on roule longtemps et vite sur autoroute. Mais, étant une production Ferrari, elle coûte aussi plus cher en cas de réfection, alors que le câble d’embrayage demeure sensible. L’embrayage lui-même passe rarement les 50 000 km, sauf peut-être celui de la 412, plus résistant car bi-disque.
La suspension mérite de l’attention également. Moins à cause de l’usure des silentblocs (des éléments simples) que des fuites du correcteur d’assiette hydraulique. Si ses durits sont changées à temps (lors d’une des onéreuses révisions), il ne pose, cela dit, pas de problème. Un gros poste de dépense à prendre en compte : les pneus TRX, ruineux et difficiles à dénicher à l'état neuf. Ce qui explique pourquoi de nombreuses 400/412 roulent sur des jantes non d’origine permettant le montage de gommes standard.
Dans l’habitacle, les pépins électriques sont monnaies courantes (vitres en panne par exemple), et on se méfiera des clims hors d’usage. Leur réparation revient vite fort cher.
Enfin, surveillez bien l’état du châssis tubulaire, qui peut rouiller, ou pire, avoir été accidenté et mal réparé. La carrosserie n’est pas trop sensible à la corrosion, mais la moindre réparation revient cher. Plus que jamais, mieux vaut opter pour un exemplaire qui a beaucoup roulé mais bénéficié d’un entretien régulier que craquer pour une auto affichant un faible kilométrage mais révisée tous les dix ans…
Sur la route
J’ai pu prendre les commandes d’une 400i GT de 1983, régulièrement entretenue mais jamais restaurée malgré ses plus de 130 000 km. L’habitacle accueille quatre passagers dans de très bonnes conditions, même à l’arrière, et au volant, on trouve vite une bonne position de conduite assis dans un fauteuil confortable. Je m’amuse à repérer les éléments empruntés à des Fiat : pommeau de levier de vitesses et frein à main de 132, spots de lecture d’Uno…
Au démarrage, on s’attend à un opéra en 12 cylindres. En réalité, c’est une mélodie feutrée qui se manifeste : n’oublions pas que cette Ferrari est une GT raffinée, ne s’adressant pas aux m’as-tu-vu. A température, la boîte est un régal à manier, mais ce n’est rien face à ce V12. Feutré, doux et d’une souplesse surréaliste, il caresse les oreilles aux régimes usuels. Puis, quand on chasse les tours, il sait vous coller dans le siège tout en émettant une musique toute autre, plus rageuse et agressive, rappelant la compétition. D’ailleurs, il accélère de manière progressive et non linéaire, confirmant ses gènes sportifs : quel moteur fabuleux !
Le châssis profite aussi du savoir-faire Ferrari. Non, ce n’est pas un scalpel mais un ensemble suffisamment précis, très équilibré et malgré tout communicatif. Cela tient en particulier à la direction, assistée mais relativement ferme, qui permet de bien sentir la route. La 400i prend un roulis modéré, s’agrippe fermement à la chaussée et rassure en toute circonstance. Le tout, en filtrant admirablement les inégalités : quelle formidable GT ! Cela dit, on n'a pas affaire à une voiture de sport, d'ailleurs, le freinage apparaît un peu faible, dans la norme de son époque en somme. Quant à la consommation… comptez 20 l/100 km.
L’alternative youngtimer
Ferrari 456 GT (1992 – 2003)
Succédant à la 412 trois ans après sa disparition, en 1992, la 456 n’a rien à voir. Alliance de tradition et de modernité, cette dernière conserve un châssis partiellement tubulaire mais adopte des trains roulants raffinés alliés à un amortissement piloté. Elle se drape d’une carrosserie superbe (même si l’insondable Serge Bellu ne l’aime pas), rappelant celle de la Daytona. Dessinée chez Pininfarina, la 456 profite d’une sérieuse étude aérodynamique, son Cx ressortant à 0.34, une valeur excellente pour ce type de voiture. Sous le capot, elle inaugure un V12 doté de quatre arbres à cames en tête actionnant 48 soupapes. Cubant 5,5 l, il développe 442 ch, de quoi emmener la 456 au-delà de 300 km/h : c’est alors la 4-places la plus rapide du monde !
Une des plus chères aussi, à 1 233 000 F (303 800 € actuels selon l’Insee). Malheureusement, elle pâtit de défauts de fabrication qui seront nettement corrigés lors de la mise à jour de 1995, apportant également un double airbag. En 1997, la 456 reçoit en option une boîte auto à 4 vitesses, puis en 1998, se voit sérieusement revue. Nouveau capot, tableau redessiné, moteur bénéficiant d’une nouvelle gestion, fabrication nettement améliorée, tout ceci vaut à la 456 d’ajouter un M (pour Modificata) à son nom. Elle se laissera doucement glisser jusqu’en 2003, où elle sera remplacée par la 612 Scaglietti. A partir de 50 000 €.
Ferrari 400i (1980), la fiche technique
- Moteur : 12 cylindres en V, 4 823 cm3
- Alimentation : injection
- Suspension : Double triangulation, ressorts hélicoïdaux, barre antiroulis (AV et AR), correcteur d'assiette (AR).
- Transmission : boîte 5 manuelle ou 3 automatique, propulsion
- Puissance : 310 ch à 6 500 tr/min
- Couple : 470 Nm à 3 600 tr/min
- Poids : 1 700 kg
- Vitesse maxi : 245 km/h (donnée constructeur)
- 0 à 100 km/h : 7,2 s (donnée constructeur)
Pour trouver une Ferrari 400 d'occasion, rendez-vous sur le site de La Centrale.
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