Les bilans automobiles 2025 - Jean-Michel Normand : « le SUV est devenu le hamburger de l’auto »
L’année 2025 fut riche dans le monde automobile. Produit, économie ou stratégie, Jean-Michel Normand nous confie ses coups de cœur, ses déceptions, ses envies et ses inquiétudes.

Quelle est ta voiture coup de cœur cette année ?
Signe des temps, la quête d’un coup de cœur en 2025 me plonge dans des abîmes de circonspection. À force de nous imposer un menu unique – le SUV est devenu le hamburger de l’auto : au début, on aimait bien, mais tout le monde en propose et ils ont tous le même goût – les constructeurs ont raboté mes capacités d’émerveillement. Les nouvelles voitures sollicitent davantage l’hémisphère gauche (celui de la raison) que le droit (celui de l’émotion).
Après mûre réflexion ce qui ne devrait avoir pas lieu d’être, s’agissant un coup de cœur, je confesse un béguin pour la Polestar 4. Son anticonformisme confine à la bravoure. De la prise de risque, enfin ! Pas de vitre sur le hayon arrière, ce qui lui donne une (très) vague allure de Tatra 600 des années 1950 et un style dépourvu des inévitables mignardises du design-origami qui sévit depuis trop longtemps.
Voiture à poigne bigrement originale, cette suédo-chinoise surélevée dédiée aux esthètes en quête d’une berline « premium non ostentatoire » (mais qui adore se faire remarquer) a réveillé chez moi un fantasme de Saab. Cette marque disparue et qui nous manque tant aurait peut-être été plus environnementalement correcte que la Polestar 6 qui pèse 2,2 tonnes avec des proportions hors normes. Et alors ? La singularité est devenue un bien trop précieux pour qu’on rechigne à lui faire la part belle.
Quelle est la voiture qui t’a déçu ?
Avec la DS N°8, j’aurais aimé être déçu en bien, comme disent les suisses pour exprimer un enthousiasme un peu embarrassé. Depuis la fin tragique de la DS3, épatante anti-Mini à la française que PSA s’est empressé de ne pas remplacer malgré son succès commercial, cette marque me navre. Je ne comprends pas son obsession à vouloir creuser le sillon d’un « luxe à la française » manifestement inconciliable avec l’univers automobile. Pourtant, j’étais prêt à manger mon chapeau et applaudir la nouvelle DS. Hélas, huit fois hélas. Affublée d’une nouvelle appellation qui pousse un peu plus loin le fantasme « haute couture », la N°8 ne s’est toujours pas émancipée d’un maniérisme un peu vain. Cette voiture de qualité n’apporte ni ne raconte quoi que ce soit de convaincant. La comparaison avec Cupra, autre marque partie d’une feuille blanche, et cruelle. La marque espagnole cultive une démarche claire (celle du « kéké chic ») qui n’est certes pas la tasse de thé de tout monde mais apparaît autrement efficace.
Au fond, tant que je serai déçu par cette marque – certains y ont renoncé – c’est qu’il existera des raisons d’y croire.

Quels modèles 2026 attends-tu avec impatience ?
Dacia s’est hissée au premier plan mais commence me semble-t-il à tourner en rond. La marque commence aussi et surtout à s’éloigner de sa mission originelle : démocratiser l’automobile (qui en a bien besoin). Il y a dix ans, Dacia permettait aux ouvriers de se payer une voiture neuve. Aujourd’hui, ses prix ont explosé et le constructeur permet surtout à des ménages aisés « désinvestis de l’automobile » de mettre 25 000 euros au lieu de 35 000 euros dans une bagnole.
J’attends donc avec une hâte non dissimulée la déclinaison maison de la Twingo, une variante qui ne ressemblera probablement pas à la petite Renault mais qui sera forcément moins chère. Ce qui réconcilierait Dacia avec sa mission d’origine mais aussi avec la voiture électrique. Contrairement à la Spring, elle ne sera pas fabriquée en Chine.

Dans l’actualité auto, qu’est-ce qui t’a le plus agacé ?
Le thème du « respect de la neutralité technologique » qui émeut les représentants de l’industrie automobile les plus endurcis m’insupporte au plus haut point. Ce lamento est parfaitement hypocrite. Pour tendre vers l’objectif zéro-émission il n’est pour l’heure d’autre solution que l’électrique à batterie ou, pour ceux qui ont la foi chevillée au corps, la pile à hydrogène. Alors, plaider la main sur le cœur en faveur de la neutralité technologique – donc laisser croire que l’on pourrait atteindre cet objectif avec des hybrides ou du carburant artificiel – c’est nous prendre pour des trompettes. Mais puisque l’Union européenne a assoupli l’interdiction des véhicules neufs après 2035, nous allons pouvoir enfin assister aux miracles que va produire la sacro-sainte neutralité technologique.
Quand passeras-tu à l’électrique ?
C’est fait. Depuis trois ans, des road-trips jusqu’en Slovénie et pas une once de regret.
Les voitures chinoises, une source d’inquiétude ?
Non seulement ils sont bons mais en plus ils disposent de formidables capacités d’adaptation comme en témoigne leur passage express à l’hybride. Sans parler de leurs prix canons et des usines européennes qui vont leur permettre de contourner les droits de douane. Cela posé, les voitures chinoises sont perfectibles dans plusieurs domaines. D’abord, leur style qui reste trop souvent prisonnier d’une approche mondialisée qui verse trop souvent dans le chichiteux. D’où un manque persistant d’identité. On cherche encore la voiture chinoise de référence, alter ego de la Honda Civic qui, naguère, avait gravé dans le marbre l’archétype de la voiture japonaise.
Ces voitures portent aussi une vision de l’automobile encore éloignée des mœurs européennes. Des aides à la conduite difficiles à désactiver et qui peuvent vous seriner sèchement pendant des kilomètres que vous dépassez la vitesse autorisée ou qu’il faut « reprendre le contrôle » (sic) de la voiture. Ou des systèmes de contrôle du maintien dans la voie quelque peu autoritaires. Autant de critiques qui risquent de ne pas perdurer.
Le made in France a-t-il encore un avenir ?
La règle n’a pas changé : pour fabriquer en France durablement des automobiles, il faut des modèles qui se vendent bien et plutôt cher. Ce n’est que rarement le cas des marques françaises mais l’électrification, en tirant la valeur ajoutée vers le haut, peut y contribuer. A contrario, on peut sans doute se faire du souci pour l’avenir des gigafactories des Hauts-de-France.
Les Kei Cars arriveront-elles un jour ?
Le concept de la petite urbaine toute simple et décalée est assurément appétissant mais, tel que nous l’imaginons à partir de l’exemple japonais, je le vois mal prendre racine chez nous à brève échéance. En cause ; la complexité et les délais de création d’une nouvelle catégorie d’automobiles. Reste que l’idée de commercialiser des véhicules bon marché et simplifiés fait son chemin. Il me semble toutefois que le plus urgent n’est pas de proposer des véhicules pour la ville mais de vraies petites voitures pas chères. Des versions « light » de modèles existants, motorisées avec modération, affranchies de certaines Adas et équipements onéreux ?

Ton souhait auto pour 2026 ?
Qu’une norme européenne limite le pourcentage de SUV et impose aux constructeurs un quota de petits coupés sportifs, des cabriolets insouciants, de jolis breaks, de 4X4 à la dure et de monospaces joufflus.
Une route déserte rien que pour toi et n’importe quelle voiture : quelle route et quelle voiture choisis-tu ?
La route de Champvallon (Yonne) pour transporter mes ruches ou celle Sainte-Geneviève des Bois (Loiret) pour aller frimer à la déchèterie au volant d’un C15 (essence, de préférence). Un engin pourvu d’un volant monobranche, d’une galerie de toit légèrement rouillée et d’un autocollant « Détendez-vous, allez à la pêche ». J’avoue faire depuis plusieurs mois une fixette sur cette voiture. Autour de moi, je perçois une certaine incrédulité…















Déposer un commentaire
Alerte de modération
Les données que vous renseignez dans ce formulaire sont traitées par GROUPE LA CENTRALE en qualité de responsable de traitement.
Les données obligatoires sont celles signalées par un astérisque dans ce formulaire.
Ces données sont utilisées à des fins de :
Vous disposez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement de ces données, d’un droit de limitation du traitement, d’un droit d’opposition, du droit à la portabilité de vos données et du droit d’introduite une réclamation auprès d’une autorité de contrôle (en France, la CNIL).
Pour en savoir plus sur le traitement de vos données : Politique de confidentialité
Alerte de modération