Renault et Nissan : les feux du désamour
Rien ne va plus entre les tourtereaux d'antan. Le président de Renault a claqué la porte du conseil d'administration de Nissan et n'attend qu'une chose : se débarrasser des actions qu'il détient chez ce dernier. Mais en parallèle, le Français doit veiller à ce que le Japonais aille mieux pour qu'il puisse les valoriser. Règlements de compte à OK Nissan.

Il y a des mots tabous dans les couloirs du siège de Renault ces jours-ci. Pour grappiller une augmentation auprès de la direction, mieux vaut ne pas évoquer Nissan. Car l’ancien fiancé de l’Alliance est devenu le sparadrap de l’ex-régie.
Comme le capitaine Haddock qui n’arrivait pas à détacher le sien, le losange ne parvient pas à se débarrasser de son ex-compère japonais. Et dieu sait que le président, Jean-Dominique Senard et le directeur général Luca de Meo rêvent la nuit d’un monde ou le constructeur de Yokohama ne serait qu’une vague marque, même pas concurrente.
Nissan, le sparadrap de Renault
On en est très loin. Mais qu’est ce qui empêche Renault de tout envoyer valser, actions comme accords industriels ? C’est que dans le premier domaine comme dans le second, le losange a beaucoup à perdre. Résultat : les deux marques jouent à un drôle de jeu de « je te tiens, tu me tiens par la barbichette » qui exacerbe en ce moment les tensions entre les différents protagonistes, à couteaux tirés à chaque échange, entre avocats comme il se doit.
Comme le rapporte le quotidien économique Les Échos ces jours-ci, les rapports sont tellement tendus entre les deux parties que lors des réunions, évidemment nocturnes et par visio, les questions des participants Renault sont systématiquement coupées, et la diffusion interrompue jusqu’au point suivant. Pour quel motif ? Les avocats de Nissan, considérant que le constructeur français ayant accepté de baisser ses droits de vote à 15%, il ne pouvait plus être considéré comme un actionnaire de référence, mais comme un concurrent. Ambiance.

Alors, Jean-Dominique Senard a jeté l’éponge en décidant, tout bonnement, de quitter le conseil d’administration du Japonais. Il a été suivi par un autre représentant de Renault et ils sont remplacés par de nouveaux arrivants neutres, venus de la banque Natixis et de la filiale française du Crédit Suisse, histoire de calmer le jeu.
Du coup, la question revient et l’on peut se demander ce que Renault fait encore dans cette galère et dans le capital de cette entreprise, qui affiche aujourd’hui des pertes de plus de 4 milliards de dollars et ne fait plus que le bonheur de Carlos Ghosn qui, depuis sa prison dorée libanaise se répand dans les médias en mode, « de mon temps c’était différent » ?
"je te tiens, tu me tiens, par la barbichette"
En fait, le losange est terriblement coincé. Revendre aujourd’hui ses parts chez Nissan lui ferait perdre des milliards. Du coup, il se trimbale toujours un pansement de 35,7% d’actions du groupe japonais. Des actions qui ont perdu 36% en quelques mois. Résultat : chez Renault, on encaisse le coup, mais pas les sous, au contraire : les caisses françaises enregistrent une perte comptable de 2,2 milliards d’euros liée à ce cousin très encombrant.
Alors que faire ? Attendre des jours meilleurs, prier pour que Nissan retrouve des couleurs, et même l’aider à y parvenir, en finançant son usine indienne, en lui permettant d’utiliser les plateformes françaises pour fabriquer sa future Micra électrique et son dérivé de la prochaine Twingo. Des accords industriels qui, en outre, permettent de financer des projets, trop chers en avançant en solo.
L’économie est parfois surréaliste, puisqu’elle peut amener les pires ennemis à coopérer dans le seul but d’espérer se séparer un jour sans provoquer trop de dégâts de part et d’autre. Le tout en affichant, pour la photo, un sourire de circonstance.
Déposer un commentaire
Alerte de modération
Alerte de modération