Révolutionnaire et inconnue : l’AMC Eagle, une Audi Allroad avant l’heure
Dès 1979, AMC a mis sur le marché une voiture de tourisme dotée d’une transmission intégrale permanente : l’Eagle, disponible en break, berline et coupé. L’ancêtre des Audi Allroad en quelque sorte !

Dans l’ombre des Big Three, Chrysler, Ford et GM, AMC a déployé des efforts désespérés pour survivre. Créée en 1954, l’American Motors Corporation, fruit de la fusion de Nash et Hudson s’est faite forte de se créer une place sur le bas du marché US, avec des modèles compacts et pas très chers, selon les normes locales.
Cela a, par exemple, donné la Rambler, vendue en France par Renault. Et cela n’a pas trop mal fonctionné, permettant à AMC de racheter Kaiser-Jeep en 1970. Seulement, l’arrivée en masse des petites voitures japonaises, bon marché, fiables et économiques, porte un sérieux coup à AMC, incapable de développer des moteurs modernes, faute de fonds.

Comme souvent quand l’argent manque, l’astuce et la créativité deviennent prédominantes, et on a une idée qui fera école. Dans un contexte de crise économique, les ventes des Jeep Cherokee, séduisantes mais très gourmandes, en prennent un coup, affaiblissant davantage AMC. Et là, on comprend qu’il y a une place pour des 4x4 plus petits, plus abordables et moins gourmands.
Alors, on décide d’installer une transmission intégrale Jeep dans une berline, l’Hornet dès 1972. Un proto concluant est fabriqué mais c’est la Concord, le modèle familial de grande diffusion (4,72 m de long, c’est peu alors aux USA) du groupe, qui sera finalement retenu.

Cela donne en août 1979 l’Eagle, un véhicule de tourisme à quatre roues motrices doté quatre portes en berline, et cinq en break. Un engin novateur qui s’attire un fort intérêt. Certes, Subaru importe chez l’Oncle Sam sa Leone 4WD depuis 1975, mais voilà, la grande innovation de l’AMC Eagle c’est d’être une 4x4 permanente grâce à son viscocoupleur central (fonctionnant avec des disques baignant dans de la silicone) capable de répartir automatiquement la puissance entre les trains avant et arrière. Ce, alors que la japonaise reste une « enclenchable ».

Le système de l’AMC n’est pas sans rappeler celui de la Jensen FF de 1966, conçue avec Ferguson qui a d’ailleurs été consulté par le groupe américain. Mais si l’anglaise se cantonne à une clientèle ultra-riche, donc demeure confidentielle, l’Eagle s’adresse au très grand public. Pas très chère, pratique et capable de réelles prouesses hors bitume grâce à sa garde au sol augmentée même s’il ne s’agit pas d’une franchisseuse, elle constitue une offre unique.
L’Audi Allroad avec vingt ans d’avance ! De plus, l’Eagle précède d’une bonne année la fameuse Quattro et de trois ans la 80 Quattro, deux autos qui feront énormément fait parler d’elles et inciteront BMW ainsi que Mercedes (pour ne citer qu’elles) à se mettre aux quatre roues motrices.

Pour sa part, l’Eagle s’équipe d’un bon vieux 6-en-ligne culbuté tout en fonte de 4,2 l développant la puissance mirifique de 112 ch. Un tel ratio fait sourire, mais aux USA, c’était alors dans la norme. Ce groupe s’attèle à une boîte auto Torque Flite comptant trois rapports, permettant à l’auto de pointer à 145 km/h, ce qui suffit largement dans un pays où la vitesse est limitée à 88 km/h.
Bien équipée (clim, régulateur de vitesse), l’Eagle trouve son public, et engendre des variantes raccourcies (4,24 m de long) en septembre 1980 : les Kammback et SX/4, l’une berline trois portes, l’autre un petit coupé. Un souffreteux 4-cylindres 2,5 « Iron Duke » fourni par Pontiac et allié à une boîte manuelle à quatre vitesses et aussi proposée sur toutes les AMC 4x4.

Etonnamment, ces autos sont proposées en France, de 74 900 F pour la Kammback à 83 000 F pour l’Eagle (de 33 000 € à 36 500 € actuels selon l’Insee). Des prix correctement placés, sachant qu’un Range Rover revient à 93 200 F mais faute d’image et de réseau, les ventes resteront anecdotiques. Du reste, si on veut un 4x4 vaguement civilisé, il reste la Lada Niva, à 40 300 F.

Aux USA, l’Eagle représente vite 25 % des ventes d’AMC, mais voilà, celle-ci, reprise par Renault et concentrée sur la nouvelle Jeep Cherokee XJ, se désintéresse vite de ses berlines et breaks 4x4. Ceux-ci perdront dès 1982 la transmission permanente au profit d’une enclenchable Select-Drive moins gourmande en carburant, et dès 1983, les variantes courtes disparaissent. Les Eagle ? Elles dureront jusqu’en 1988, l’ensemble de la gamme 4x4 étant produite à 196 911 unités. Un joli petit succès qui incitera d’ailleurs les dirigeants de Chrysler, qui a racheté AMC à Renault en 1987, à faire d’Eagle une marque à part entière, qui produira un dérivé de Renault 21…


















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