Un MX-5 et une Primera dans le décor... : L'odyssée meurtrière de Peter Uwe Schmitt et Aurore Martin
Quand deux assassinats sont maquillés en accidents de la route. Retour sur l'itinéraire du couple Aurore Martin et Peter Uwe Schmitt. Surnommés les " amants diaboliques ", ils ont été jugés coupables en 2001 d'avoir tué leurs conjoints respectifs pour toucher leurs assurances-vie.

En 1992, au moment du premier fait-divers, le Mazda MX-5, roadster poids-plume construit par la firme d’Hiroshima, est en début de carrière. Dévoilée au Salon auto de Chicago en 1989, la petite voiture de sport nippone est arrivée chez les concessionnaires européens de la marque en 1990.
Ce coupé-cabriolet au look néo-rétro, qui connaîtra par la suite un succès mondial durable, attire à l’époque davantage pour son côté fun et tape à l’œil que pour sa puissance moteur (115 chevaux). Pour Peter Uwe Schmitt, 21 ans, ce modèle est idéal, lui qui adore jouer les frimeurs lorsqu’il vient se garer à Waterloo, sur le parking de la discothèque « La Doudingue », célèbre boite de nuit du Brabant-Wallon.
A l’automne 1991, c’est sur cette piste de danse qu’il est tombé…dingue justement, d’une certaine Ursula Deschamps, une jeune belge de 22 ans. Entre l’étudiante en langues étrangères et le caporal allemand, soldat au QG de l’OTAN, à Haren, au nord de la métropole bruxelloise, c’est visiblement le coup de foudre.
Sur le Canal Mons-Bruxelles
A la surprise générale, ils se marient trois mois plus tard. Sans attendre, Peter Uwe Schmitt, que les parents de la jeune femme avaient considéré dès les présentations comme un " bon à rien ", s’empresse de faire contracter à Ursula une assurance-vie.
Les mois passent, enfin, quelques-uns... Fin de l'été 1992. Six mois après leur union, le mariage bat de l’aile. Ursula veut demander le divorce. Parallèlement, elle sait qu'elle va être convoquée par la police pour évoquer l’importante somme d'argent liquide retrouvée au domicile du couple, butin potentiellement issu d’un trafic de voitures volées orchestré par son mari.
Oui mais voilà, Ursula ne se présentera jamais à la convocation des enquêteurs... Et pour cause, elle est morte deux jours plus tôt dans un accident de la route, le soir-même où elle avait prévu de rompre avec Peter.
Ce 29 août, pour tenter une réconciliation de dernière minute, Peter propose à Ursula une balade le long du canal Mons-Bruxelles. Sauf que la promenade, au volant de la Mazda, tourne au drame à hauteur de Nimy. Le roadster, pour une raison inexpliquée, fait une sortie de route et finit sa course dans le canal, coulant très vite sous le poids de l'eau.
Condamné pour homicide involontaire

Ursula y perd la vie… Peter, lui, s’en sort miraculeusement indemne. Il feint les maris effondrés lorsque les secours arrivent. Des bonbons mentolés frottés contre ses yeux lui ont en réalité arraché des larmes... Il dira aux policiers avoir pu s’extraire du bi-place en brisant la lunette arrière.
Le corps de la jeune femme sera retrouvé quatre jours plus tard par un riverain. La famille d’Ursula ne croît pas à la thèse de l’accident mais la reconstitution la maintient plausible en concluant définitivement à une « mort par noyade ».
Peter Uwe Schmitt, qui entre-temps a empoché l’assurance-vie de sa compagne (environ 100 000 euros) et mis les voiles pour Miami, sera néanmoins condamné dans cette affaire en 1994. Le jugement le condamne en effet à trois mois de prison avec sursis pour homicide involontaire « par imprudence », et à verser à la partie civile quelque 100 000 francs belge, soit l’équivalent de 2500 euros d’amende.
Les choses auraient pu en rester là si un autre drame, aux circonstances étrangement similaires, n’avait pas été relié à ce premier accident de la route.
Aurore Martin entre en scène
Nous sommes au printemps 1995. La Belge Aurore Martin, 26 ans, ancienne strip-teaseuse et escort-girl, vient de mettre le grappin sur le timide Marc Van Beers, 36 ans, expert-comptable installé à Bruxelles, par le biais d’une agence de rencontres.
Elle le pousse rapidement à se marier et l’incite à souscrire plusieurs assurances-vie, sept au total, dont il n’aura en réalité pas pleinement connaissance puisqu’elle aurait, selon l’enquête et des témoins, falsifié les formulaires et signé à sa place.
Quelques semaines après leur mariage, une noce qui n'avait pas manqué de surprendre et de susciter la méfiance dans l’entourage du fiscaliste, Aurore Martin et son conjoint partent en lune de miel. Direction la Corse, par la route, avec la Nissan Primera empruntée au père de Marc, car sa voiture personnelle est en réparation.
La Nissan Primera de première génération, aussi appelée série « P10 », a débarqué sur le marché en 1990. Sous le capot de ce millésime 4 ou 5 portes destiné avant tout aux clients européens, une majorité de solutions essence, avec des blocs 1.6 et 2.0 litres de 102 et 125 chevaux en tête de gondole.
La berline Primera P10, simple et sobre, réputée pour sa facilité d’entretien et sa fiabilité mécanique, se vendra néanmoins très peu sur le continent, quelques milliers d'unités seulement au global, en Grande-Bretagne, en France et en Belgique notamment.
Tragique voyage de noce

Après un premier arrêt à la Chapelle Notre-Dame de la Serra pour admirer la Baie, les deux tourtereaux reprennent la route. Il fait désormais nuit. Le conducteur se trompe d’itinéraire... Dans l’obscurité, il est distrait un instant (par un animal dira sa compagne) et fait soudain une manoeuvre hasardeuse à l’approche d’un ravin... L’embardée s'avère fatale. La Nissan est projetée, à une centaine de mètres en contrebas de la falaise.
Marc est tué sur le coup. Aurore Martin, à l'inverse, est saine et sauve, quelques égratignures tout au plus. Elle est parvenue à s’extraire de la place passager juste avant que la voiture ne chute de la falaise. Comme dans un épisode de Columbo...
La jeune femme de 46 kilos, en outre, sportive et férue d'escalade, a réussi à descendre la falaise pour sortir le corps charpenté de Marc du véhicule... C’est en tout cas ce qu’elle bredouille face aux gendarmes, lorsque ceux-ci arrivent sur les lieux vers 1h30 du matin, prévenus par une patrouille de légionnaires qu’une femme erre en état de choc près de la route départementale 81B.
Tout sauf un accident
Le corps de Marc est retrouvé par les secours cinq heures plus tard, le 11 mai à l’aube, à quelques dizaines de mètres du rivage. Son crâne est fracassé... La justice française conclut pourtant rapidement à un accident de la circulation. Aurore Martin regagne alors Bruxelles. On la dit déprimée. Elle s’isole dans la maison du couple, change les serrures, coupe les ponts avec sa belle-famille et empoche successivement, sans éveiller les soupçons des autorités, les assurances-vie qui avaient été souscrites. Quelque 23 millions de francs belge, soit environ 500 000 euros.
De son côté, le clan Van Beers ne croit absolument pas à la thèse de l’accident. La mère de Marc finira d'ailleurs par porter plainte en 1996 pour mort suspecte. Parallèlement, au début 1997, la belle-mère d’Aurore est convoquée à la police belge après que son témoignage anonyme, potentiellement important, a été identifié. Elle confirmera de vive voix avoir obtenu des aveux presque spontanés de sa belle-fille peu après son retour de Corse.
Marc serait tombé dans un guet-apens ce soir de mai 95. Des complices d’Aurore auraient barré la route à la Nissan. Ils auraient tabassé Marc à mort à coup de batte de base-ball. Il ne leur restait plus ensuite qu’à positionner la voiture au bord d’un ravin, avec le corps de Marc à l’intérieur, de desserrer le frein à main puis de la pousser dans le vide, pour faire croire à un malheureux accident.
Deux affaires intimement liées

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Ce témoignage est forcément décisif. L'accident de la route se mue ainsi subitement en affaire criminelle, en assassinat. Un revirement d’autant plus radical que ce fait divers glaçant, rendu public, met la puce à l’oreille à un ancien proche de Peter Uwe Schmitt. L’ami en question va en effet raconter aux enquêteurs bruxellois que Schmitt lui avait confié, un jour, avoir tué sa compagne (Ursula Deschamps) pour toucher son assurance-vie, en maquillant son assassinat en accident de la route... Cet ami n'avait pas voulu le croire à l'époque.
Or, ce deuxième témoignage va permettre à la justice belge de relier les deux affaires, celles de 1992 et de 1995, celle du canal Mons et celle de Calvi. Dans le cadre de leurs investigations complémentaires, ils constatent que le caporal allemand et l’ancienne strip-teaseuse belge sont en fait en couple depuis le début 1990 et qu’ils ont orchestré ensemble les meurtres de leurs conjoints " officiels " respectifs.
Un mandat d’arrêt est lancé. Un mandat international car Peter Uwe Schmitt et Aurore Martin ont fui à Miami depuis bien longtemps, où ils vivent relativement planqués, sans se priver de dépenser leur magot, s'offrant une vie de nouveaux riches en somme, entre virées en yachts et escapades au volant d’une Jaguar XJS Cabrio.
Traqués durant plusieurs mois par le FBI, ils sont finalement arrêtés en novembre 1997. Les suspects nient en bloc les faits qui leur sont reprochés. Ils tentent même de monnayer leur liberté auprès de la police américaine. En vain, on n'est pas dans Les Feux de l'Amour...
Ils sont extradés sans délai en Belgique et placés en détention provisoire. Jugés en 2001 devant la Cour d’Assises de Bruxelles, « les amants diaboliques » ont été reconnus coupables d’assassinat. Aurore Martin a été condamnée à 15 ans de réclusion ; Peter Uwe Schmitt à 20 ans. Leur libération anticipée a été prononcée en 2007 pour elle, et en 2008 pour lui.














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