Utopie et poussière de gomme
Nouvelle alerte à la pollution automobile : selon l’association Agir pour l’environnement, l’usure des pneus de nos voitures pollue l’air, l’eau et les sols. On fait quoi de cette information ?

Ma première réflexion à l’écoute de cette info, c’est qu’après s’en être pris à nos moteurs et avoir obtenu qu’ils soient désormais correctement dépollués, ces satanés écolos, décidément acharnés à mettre à bas la locomotion individuelle et motorisée, visent plus bas et s’en prennent désormais au fondement même de l’automobile et de la motocyclette, la roue inventée il y a 55 siècles et à son plus récent compagnon, le pneu.
Que vont-ils inventer ensuite ? Que se déplacer à une allure supérieure à celle d’un cheval au galop nuit à la santé ? On nous l’a déjà fait la blague il y a deux siècles lors de l’invention du train… Au fait, les pneus de vélo n’ont pas été pris en compte dans le calcul.
Je galèje, j’aime bien les écolos, sans eux on en serait encore à régler des carburateurs en respirant du tétraéthyle de plomb et du monoxyde de carbone pendant que les constructeurs nous expliqueraient que ça donne le teint frais et les fesses roses.
Reste que ce n’est pas un scoop, l’importance des émissions de particules résultant de l’abrasion des pneus, des freins et du bitume a déjà été documentée, elles ont même été quantifiées plus importantes que celles issues d’un moteur thermique aux dernières normes Euro. Et au passage, je m’étonne de la méthode employée par Agir pour l’environnement qui a consisté à mesurer les écarts de poids des pneus neufs puis usés de deux voitures électriques (Tesla Model Y et Fiat 600 e) et qui me rappelle la devinette « comment peser la fumée d’une cigarette ? ».
Réponse : peser la cigarette, puis le mégot et les cendres et faire la soustraction.
L’association aurait pu pousser la logique plus loin et s’épargner du temps, les roulages, démontages (et nettoyage !) des boudins ainsi que les locations de voitures. Il suffisait de peser un petit panel de pneus usés et neufs de différentes tailles et modèles, et de multiplier par les chiffres du marché français – voire européen – du pneumatique, sans omettre les montes des véhicules neufs.
20 % de la puissance disponible
Mais la question n’est pas méthodologique, ni de savoir si c’est bien 81 000 tonnes de poussière de gomme, ou 82 00, 40 000 ou 200 000, que nous rejetons dans l’environnement et in fine, dans nos organismes. Ni même de connaitre précisément la nocivité de ces particules dont on se doute qu’elles ne sont bonnes ni à inhaler, ni à ingérer. D’ailleurs, depuis la découverte du charbon et l’invention du Glyphosate, qu’est ce qui est encore bon à respirer ou à manger ? À peu près rien ma bonne dame…
La bonne question est : que peut-on y faire ?
Et là intervient ma deuxième réflexion, issue de ma bonne vieille obsession individuelle et portative, à savoir le poids de nos bagnoles. Et ses corollaires : leur puissance inutile, leur aérodynamique honteuse pour cause de gabarit sans cesse en hausse. Et conséquemment leurs gros pneus qui, en plus de coûter un iPhone 32 à chaque renouvellement, rejettent donc des kilotonnes de poussières nocives.
Au moment précis où j’entends cela à la radio, je suis sur l’autoroute, seul au volant d’un parpaing mild hybrid de 200 chevaux pesant 1 650 kg sur ses 4 jantes de 19 pouces, en gros, le rapport poids puissance d’une petite 205 GTI des années Mitterrand.
À 110 km/h, le moteur ronronne à un petit 2 000 tr/mn et un cadran m’indique que j’utilise 20 % de la puissance disponible. À 130, c’est 25 %. Et quand j’accélère un peu fort pour déboîter un camion sans déranger derrière moi, le curseur monte à 50 %. La moitié de ce moteur est inutile mais il y a des gens qui paient pour ça.

Un objet surnaturel au sens propre
Bref, à l’écoute de cette info, je suis une nouvelle fois pris du vertige intellectuel que j’éprouve parfois quand je passe du vélo, de la marche ou de la moto à la voiture. La vue du bitume qui défile à cinq fois l’allure d’un cheval au galop tandis que je trône dans cette énorme machine qui pèse vingt fois mon poids, mieux assis que dans mon canapé, avec une meilleure sono, un relatif silence, cela me paraît extraordinaire, prodigieux. Dans une heure je serai arrivé alors qu’il y a deux siècles, cela m’aurait pris deux journées à cheval. La voiture est décidément un objet merveilleux, surnaturel au sens propre du mot.
Mais peut-être désormais trop merveilleux. Ce trajet que j’effectue régulièrement depuis 40 ans, au début je le vivais dans des voitures deux fois moins tout que celle d’aujourd’hui : moins d’une tonne et de 100 chevaux, montées sur des roues de 13 ou 15 pouces larges de 15 ou 16 cm et pourtant je roulais à 130, n’étais pas moins douillettement installé, avec à peine plus de bruit et en ne consommant pas davantage.
Ce n’était pas mieux avant mais ça l’est-il aujourd’hui ?
Je ne peux m’empêcher de penser qu’en associant la technologie moderne aux poids, formats et standards de confort et de performance des années 1980-1990, on diminuerait de 30, 40 ou 50 % ce qu’on appelle pudiquement les « externalités négatives » de l’automobile. Dont les émissions de particules d’usure des pneus, mais aussi le prix de vente et surtout les rejets de CO2, à l’usage comme à la production.
Certes, la voiture propre n’existera jamais, mais un tel résultat serait miraculeux au regard des minuscules objectifs que l’on se promettra à nouveau dès ce lundi à la COP 30 de Bélem au Brésil, minuscules objectifs que nous ne parviendrons évidemment pas à atteindre.
Les mêmes que BYD, X-Peng ou MG
Est-ce une utopie ?
Je sais que l’Europe ne dicte plus les standards de l’automobile, que ses coûts de production -énergie, ingénierie, main-d’œuvre - ne sont plus compétitifs et que l’on ne concurrencera pas les SUV chinois avec des berlines légères et moins richement équipées, motorisées (ou « batterisées »), vendues au même prix. D’autant que l’argument de la sobriété ne pèse plus très lourd avec une voiture électrique.
Mais mon petit doigt me dit qu’on ne résistera pas d’avantage avec ce que l’on produit aujourd’hui – grosso modo, les mêmes que BYD, MG ou X-Peng - pour bien plus cher qu’à Pukou ou à Zhengzhou et que l’on pourrait au moins essayer d’innover.
Peut-être avec du style et des idées, une gamme de voitures chics et frugales, moins chères à l’usage (pneus, freins, énergie…) pourrait trouver sa clientèle. C’est en partie le débat qui est engagé aujourd’hui à Bruxelles autour de la future E-Car et il faut espérer qu’il débouchera sur autre chose qu’une maxi-voiturette.














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