Il faut voir, sur les forums de Citroënistes, comment ça gémit, ça se lamente, ça chougne, ça éructe, ça menace de ne plus acheter. Les commentateurs de l’horrible nouvelle vont jusqu'à évoquer des solutions extrêmes : user jusqu'à la corde leur C5, en racheter deux neuves en provision, restaurer une CX et pire encore : acheter une Mercedes, celle qui a une suspension pneumatique, pas hydro certes, mais pneumatique quand même.

Citroën dit ciao à l’hydropneumatique

Tout un foin, et même une pétition : 5 809 signatures à l'heure où j'écris ces lignes et peut-être 5 810 quand vous les lirez.

Bref, tout le monde s'en tamponne, sauf quelques Youngtimers adorateurs de la BX, un gros bataillon de seniors Citroënistes fanatiques (double pléonasme) et quelques antiques chevronnés qui frétillent du déambulateur à l'évocation de leur DS 19 dont ils ont oublié qu’elle pissait le LHM et du coup perdait ses freins, sa direction assistée et bloquait sa boîte de vitesses.

Pas gentil de se moquer ? Ben quoi, z'avaient qu'à en acheter des C5. A peine plus de la moitié des exemplaires de cette familiale sont choisis avec la suspension Hydractive, ce qui faisait à peine 10 000 bagnoles l'an passé pour toute l'Europe. Et la C6 ? Où étaient-ils les missionnaires des chevrons quand, même à - 40 % et tapis de sol offert, il n’y avait que des préfets et des généraux pour bien vouloir en commander ? Ce n’est pas Citroën qui trahit en abandonnant un pan de son héritage technique, c’est le citroëniste qui fait défaut.

Citroën dit ciao à l’hydropneumatique

Ça fait d’ailleurs un bail qu'on la sent venir, la fin des sphères : du simple fait qu'aucune des nouvelles DS ne soit hydropneumatique, pas même la future grande DS 9.  Même les Chinois préfèrent se passer de cette chinoiserie hydraulique : Dongfeng, le partenaire de PSA, reprend la plate-forme de la C6 pour sa grande Number One, mais sans sa suspension hydractive. Et pire, avec un design typiquement Volkswagen.

C'était une sacrément bonne idée ces bonbonnes contenant un fluide qui comprime de l’azote, mais aujourd’hui, on fait aussi efficace et confortable sans avoir besoin de cette usine à gaz, ses tuyaux, ses durites et membranes. Il y a les suspensions intelligentes comme le génial système MagneRide qui change instantanément la viscosité de l’huile des amortisseurs en orientant magnétiquement les particules métalliques qu’elle contient. Ou encore, le Magic Body Control de Mercedes qui pilote le tarage des suspensions en détectant les imperfections du bitume en amont des roues.

Chez Citroën, ce sera le système Sachs d’amortisseurs à clapet piloté qui donnera le change et on peut parier que le confort sera au rendez-vous.

Et s’il faut faire varier la hauteur de caisse en roulant, qu’il s’agisse de la diminuer pour améliorer l’aérodynamisme sur autoroute, de l’augmenter pour franchir une congère ou tout simplement d’empêcher l’arrière de s’affaisser sous la charge, il y a des lustres qu’on sait faire cela avec des amortisseurs normaux.

Citroën dit ciao à l’hydropneumatique

A quoi sert aujourd’hui l’hydropneumatique ? A changer une roue sans cric. A franchir une congère en position haute, en espérant que le train avant motrice comme il faut. A épater les gamins dans la rue en libérant d’un Djjjjj le ballon coincé sous l’auto. A passer au-dessus des bidons perdus par le laitier comme le montrait une vieille pub des années 80. Bref, à pas grand-chose et pas souvent.En vrai, ce qui agace dans les réactions outrées à la décision somme toute rationnelle de Citroën, c’est la démonstration de passéisme typiquement franchouillard.

Comment défendre en tant qu’innovation capitale une technologie inaugurée au début des années 50 sur le train arrière de la Traction et dont le dernier développement marquant date du début des années 2000 ? A ce compte-là, faut-il réhabiliter le satellite de commandes et le compteur à rouleau au titre de la conservation du patrimoine ? Le plus cocasse, c’est que la polémique concerne une marque dont l’image repose sur l’innovation. En France, on préfère dire « tradition d’innovation » et n’en retenir que le mot « tradition » au nom duquel on ne remet plus en cause les innovations du passé, fussent-elles obsolètes. Aller de l’avant ? Oui, mais avec l’héritage de grand-mère en remorque.

Ces sphères et tout le bazar qui va avec reviennent à un petit millier d’euros. A ce prix-là, que préfère le client ? Un levier qui permet de soulever ou abaisser sa voiture ? Ou bien un écran qui montre une vue d’oiseau de sa voiture en manœuvre, des caméras connectées à un écran qui remplacent les fragiles et bruyants rétroviseurs, un compresseur électrique, plus fiable et efficace qu’un turbo ? Ceci pour ne parler que des dernières babioles présentées par Valeo au salon de Francfort. Si Citroën, et plus globalement PSA, veut continuer à innover, et d’abord rattraper les retards qu’il a sur ses concurrents allemands et japonais, il doit se débarrasser des boulets de son histoire. Même si ça fait couiner ceux qui préfèrent retaper une CX –ou rouler en Audi- qu’acheter une C6.