Repoussée une première fois du 1er janvier au 1er octobre 2016, la dépénalisation du stationnement, cette réforme qui mettra fin au PV de stationnement à 17 euros, partout en France, est de nouveau reportée. Cette fois, ce sera bien après l'élection présidentielle, puisque la nouvelle date choisie est fixée au 1er janvier 2018, comme annoncé ce jeudi matin par Les Echos.

Est-ce un choix électoraliste comme certaines mauvaises langues le laissent entendre ? Force est de reconnaître que cette réforme qui devrait s'accompagner non seulement d'une hausse des tarifs de stationnement (quand cela n'a pas déjà commencé), mais aussi d'une forte hausse des amendes en cas de stationnement impayé n'est pas des plus populaires. Est-ce qu'il faut carrément y voir le souhait du gouvernement de l'enterrer ? C'est en tout cas une possibilité qu'on ne peut ignorer... Difficile de prévoir en effet ce qui va se passer d'ici plus de deux ans, surtout que se tiendra entre-temps la prochaine élection présidentielle.

Pour l'heure, officiellement, il s'agit uniquement de rallonger les délais « pour des raisons techniques », insiste toutefois le préfet Stéphane Rouvé, chargé de la direction opérationnelle de cette réforme au gouvernement. Car il reste bien du travail à accomplir, comme créer, du moins mettre en place une nouvelle juridiction administrative – baptisée « commission du contentieux du stationnement payant » – pour gérer les futures contestations attendues en masse (on prévoit un contentieux au moins équivalent à l'actuel avec les PV de stationnement, de l'ordre de 600 000 recours par an).

 

Une volonté d'enterrer une réforme impopulaire ?

De fait, si toute la construction théorique est plus ou moins achevée, c'est toute la mise en œuvre de la réforme qui reste à lancer, comme la mise au point depuis le Centre national de traitement (CNT) de Rennes de l'envoi des futures amendes, ce que l'on appellera les forfaits de post-stationnement (FPS). Pour s'occuper de tout cela, le ministère de l'Intérieur devrait passer un marché public, soit un contrat avec une entreprise privée qui aura la responsabilité de proposer et de gérer tout le développement informatique correspondant...

Or, Beauvau est actuellement déjà fortement occupé par le renouvellent du marché dit CNT, c'est-à-dire l'énorme marché informatique qui permet au système du contrôle automatisé – celui des radars automatiques mais aussi des procès-verbaux électroniques (PVe) – de fonctionner. Voilà pour les raisons officielles de ce report. Pour les parlementaires, à l'initiative de la réforme*, qui font partie par ailleurs du Groupement des autorités responsables de transport (GART), il reste pourtant évident que l'« on aurait pu aller bien plus vite ». La pilule a bien du mal à passer.

Comme c'est aux parlementaires qu'il reviendra de voter ce nouveau report – a priori cela fera l'objet d'un amendement dans le projet de loi de Finances qui leur sera bientôt soumis –, le gouvernement devrait d'ici-là avoir à cœur de les brosser dans le sens du poil. Le Premier ministre devrait s'y coller dès ce 1er octobre, lors de son intervention prévue aux Rencontres nationales du transport public, à Lyon. « Sûr qu'on s'attend à ce que Manuel Valls défende fermement la réforme, la semaine prochaine ! », nous lâche-t-on ainsi au Gart...

C'est que les élus concernés n'en démordent pas : « être contre cette réforme, c'est soutenir ni plus ni moins les fraudeurs ». Car pour l'infime minorité qui règle sa place de stationnement - selon eux, ils ne sont guère plus de 35 % au niveau national, et seulement 10 % à Paris -, « ça ne changera rien du tout ». Une affirmation qui reste pourtant à démontrer. Aujourd’hui, les PV de stationnement s’élèvent à 17 euros partout en France. Avec la réforme, ce sont les maires qui fixeront eux-mêmes librement les montants des futurs FPS, avec pour seule limite que le montant de ces derniers ne soit pas supérieur à celui qui serait dû pour la durée maximale de stationnement.

Des prix de stationnement en forte hausse

Or, aujourd'hui, dans la plupart des villes concernées, le stationnement n'est autorisé que pour une durée maximale de deux heures. En suivant à la lettre le texte, cela voudrait dire qu'à Paris où l'heure de stationnement la plus élevée est de 4 euros, les futurs FPS ne pourraient pas dépasser les 8 euros. Ou encore à Nantes, où l'heure dans l'hypercentre est à 2,20 euros, la sanction ne pourrait s'élever à plus de 4,40 euros. Ce qui n'est absolument pas prévu, il ne faut pas se leurrer.

Seules deux options peuvent être envisagées :

  • Soit il s'agira d'autoriser le stationnement sur toute la journée, comme par exemple sur onze heures (c'est la période journalière durant laquelle le stationnement est payant dans la Capitale), et à ce moment-là, les FPS pourront grimper par exemple jusqu'à 44 euros à Paris. Comme l'objectif officiel de la réforme, c'est aussi d'améliorer la rotation des véhicules, cela semble toutefois peu probable...
  • Soit – et c'est ce qu'il paraît le plus cohérent – il va falloir relever très fortement les tarifs de stationnement, notamment ceux de la seconde heure autorisée. C'est la voie qui serait d'ailleurs privilégiée, et cela pourrait conduire à l'adoption de nouveaux barèmes, comme celui-ci à Paris : les premières dix minutes gratuites, les 50 minutes suivantes à 4 euros, et la seconde heure à 40 euros. Résultat : même pour les usagers qui paient et respectent les deux heures de stationnement autorisées, la note va sacrément grimper !

Sans compter que l'amende majorée, aujourd'hui à 33 euros (partout en France également), devrait aussi fortement progresser, puisque selon les textes parus pour encadrer la réforme, le « montant de la majoration (…) est fixé à 20 % du montant du forfait de post-stationnement impayé restant dû, sans pouvoir être inférieur à 50 € ». En partant toujours de l'exemple parisien, où la maire Anne Hidalgo a de toute façon annoncé que les FPS s'établiraient aux alentours de 40 euros, l'amende majorée se situerait en conséquence aux environs de 90 euros...

Une idée des futures amendes dans douze villes

En se basant sur la grille tarifaire actuelle de douze grandes villes françaises (Caradisiac a procédé au relevé des prix le 24 septembre 2015), et en imaginant que le stationnement serait autorisé sur toute la durée de la journée où il est payant aujourd'hui (c'est par exemple onze heures à Paris et Toulouse, mais seulement huit heures à Dijon, Marseille, Rennes ou encore Strasbourg), voici à combien s'élèveraient les futurs FPS, ainsi que les majorations en cas de non-paiement dans les temps.

Le prix du stationnement sur voirie

Tarif horaire (centre-ville)

Montant estimé des futurs FPS

Montant estimé des majorations (+50 €)

Paris 4,00 € 44,00 € 94,00 €
Bordeaux 2,20 € 22,00 € 72,00 €
Nantes 2,20 € 22,00 € 72,00 €
Lyon 2,00 € 20,00 € 70,00 €
Lille 2,00 € 20,00 € 70,00 €
Montpellier 2,00 € 18,00 € 68,00 €
Grenoble 1,74 € 17,40 € 67,40 €
Rennes 2,11 € 16,90 € 66,90 €
Strasbourg 2,10 € 16,80 € 66,80 €
Toulouse 1,50 € 16,50 € 66,50 €
Dijon 1,80 € 14,40 € 64,40 €
Marseille 1,50 € 12,00 € 62,00 €


*Pour rappel, c’est un simple amendement parlementaire introduit dans la loi Maptam (Modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles) du 27 janvier 2014 qui a lancé cette réforme.