S’il a été question d’interdire les feux de bois à Paris et en première couronne, ce n’était pas pour épargner des arbres ni la culotte du père Noël. La raison en a été donnée par Airparif : « En Ile-de-France, le chauffage au bois résidentiel contribue à hauteur de 23 % aux émissions de particules dites "PM10" (diamètre inférieur à 10 microns) et 32 % des PM 2,5 (inférieur à 2,5 microns) ». Je trouve un peu suspecte cette précision des chiffres - on n’est pas dans le tiers ni le quart ou la louche – mais admettons.

La Direction régionale de l'Environnement et de l'Énergie (DRIEE), autres experts de l’air du temps, avait aussi sonné le tocsin : « Les foyers ouverts constituent plus de la moitié de ces émissions dues au chauffage au bois, car ils émettent huit fois plus de particules qu'un foyer fermé avec un insert performant, pour une même quantité d'énergie consommée (…) Un feu de bois d’une demi-journée émet autant de particules fines qu’une voiture diesel qui roulerait pendant 3 500 km ! »

Et encore, sans prendre en compte que le chanceux parigot à parquet, moulures et cheminée brûle surtout du bois vert acheté à la station-service ou à l’épicerie du coin en filet de 5 ou 10 kilos tout juste tombés de l’arbre, une cochonnerie autrement toxique que le bois séché deux ans dont se chauffe le campagnard normalement compétent. Leur bois « de chauffe », j’ai des copains qui le laissent sécher deux heures sur le radiateur. Avant de l’allumer à la pastille à barbecue ou à l’alcool à brûler…

 

Mais que les soirées au coin du feu polluent, Ségolène n’y croit pas. Pour elle qui a fait sciences économiques, droit, Sciences Po et l’Ecole Nationale d’administration (ENA), ce qui lui confère une incontestable autorité en matière de pollution atmosphérique, « Il faut arrêter d'embêter les gens et laisser un peu de liberté, un peu de respiration, un peu d'espace. »

 

Ben, justement, je croyais qu’on parlait de respiration ?

 

Et en ce qui concerne la liberté et l’espace, j’ai cru comprendre qu’elle approuvait sa copine Anne Hidalgo qui veut bouter hors de Sainte Paname le banlieusard archaïquement motorisé. Et même le touriste chinois dans son autocar bas de gamme.

Je vais finir par me demander si la grosse différence de mauvaise odeur entre le feu de bois de Maurice du XIVe arrondissement et le diesel de la 306 à Momo de Bezons, elle ne se situe pas au niveau de la carte d’électeur. Le premier, qui vote à Paris a bien le droit d’enfumer ses contemporains, mais le second qui vote à Bezons, faut pas qu’il vienne empuantir l’air du bourgeois avec sa Peugeot de sans-dents.

 

A Paris, il n’y a que le Parisien qui ait le droit de polluer. Comme tous ceux qui font deux ou trois kilomètres moteur froid, donc archipolluant, pour aller au boulot et garer leur auto dans le parking de leur entreprise afin de ne pas se refroidir les oreilles ni payer le parcmètre en bas de chez eux. Comme ces centaines de bistrotiers qui chauffent leurs terrasses à fumeurs à coup de trois bouteilles de butane par semaine. Le genre de machin qui vous crache du dioxyde d’azote sous les fenêtres comme si vous aviez une tractopelle en action dans le salon.

Je ne parle pas des balayeurs de la Mairie qui soufflent la feuille morte à la force d’un moteur 2 temps, ni des bus de la RATP avec leurs diesels datant du gouvernement Jospin, ni des camions poubelles et autres brûleurs à mazout municipaux.

Bref, la mairie de Paris devrait d’abord balayer devant la porte de ses administrés avant de chercher la poussière sous les tapis des banlieusards.

Le plus dommage, c’est que le gamin parisien n’est pas près de lâcher sa Ventoline. Tout simplement parce que prohiber la 306 1,9l D à Momo – puis quelques années plus tard la 307 qu’il aura été obligé de se payer pour venir bosser – ne changera pas grand-chose. Certes elle en crache de la particule, mais surtout de la grosse qui n’est pas la pire, et pas tellement de NOx, bien moins que les diesels qui l’ont suivie jusqu’à la norme Euro 6.

Surtout, on sait désormais bien mieux qu’avant d’où vient la pollution urbaine : des avions comme de l’agriculture, des feux de bois comme des chaudières. De la voiture aussi bien sûr et pas qu’un peu, mais pas seulement par son moteur, aussi par l’usure des plaquettes de freins, des pneus et du bitume. Des gens très sérieux affirment qu’une voiture diesel Euro 6 émet désormais plus de particules par ses pneus et ses freins que par son moteur.

 

La solution, je ne l’ai pas, mais elle consiste plus sûrement à aider les quelques millions de Franciliens mal ou pas desservis par les transports en commun à moins utiliser leur voiture ou à s’en passer – ce qui soyons juste, est aussi au programme - qu’à bannir de la capitale de la France quelques citoyens pauvrement véhiculés.