Pourquoi tant de kilowattheures ?
Si les grosses batteries permettent de rassurer le néo-électromobiliste, elles ne sont pas si pertinentes à l’usage.

Mercedes, privé de la confortable rente que lui garantissait la tradition du thermique, a dû forcer sa nature pour se convertir à la voiture électrique. Mais la marque à l’étoile n’est pas rancunière et le nouveau CLA est taillé pour faire tomber quelques obstacles à son adoption. La consommation dépasse rarement les 15 kWh aux 100 kilomètres, une misère au regard des 272 ch (a minima) disponibles sous le capot, et l’autonomie s’établit selon la version entre 649 et 791 kilomètres. De quoi tenir la dragée haute à un modèle conventionnel.
Le prix à payer pour cette prouesse paraît tout de même excessif. Il n’est pas question ici du tarif, forcément coquet (52 900 euros, au bas mot), mais de la grosse batterie de 85 kWh du CLA. Pourquoi donc charger la barque en affligeant cette voiture d’une masse de deux tonnes et d’un handicap de CO2 conséquent ? Fort peu gourmande, pourvue d’un chargeur puissant et d’une architecture 800 volts, elle pourrait se contenter de batteries plus light – dont Mercedes a d’ailleurs prévu de la doter prochainement.
La marque à l’étoile n’est pas celle qui pousse le curseur le plus loin. Les derniers modèles qu’il nous a été donné de conduire, et qui tous excèdent allègrement les deux tonnes, donnent une idée de l’inflation : 89 kWh pour l’Alpine A390, 94,9 kWh pour l’Audi A6 e-tron, 102 kWh pour la Polestar 4. Le Renault Scénic le mieux doté (87 kWh) est lesté de 520 kg de batteries. Pourquoi tant de kilowattheures ?
À mesure que la watture se glisse dans notre quotidien, s’impose un constat qui peut paraître contre-intuitif : l’autonomie n’est, de facto, plus l’alpha et l’oméga de la voiture électrique. La dérive que justifie cette obsession – qui voit des constructeurs annoncer avec gourmandise une autonomie de plus de 1 000 kilomètres pour un hybride-rechargeable…- outre qu’elle nuit à l’efficience, n’a rien de vertueux. Elle contribue à la consommation de métaux critiques et, partant, à la dépendance de l’industrie automobile face à la Chine. Elle nous condamne aussi à conduire des enclumes (toutes les familiales à grosse batterie ne disposent pas de la gestion vectorielle de couple made-in-Alpine). Le malus-poids qui va s’étendre aux véhicules électriques à compter de 2026 va en faire grimacer quelques-uns.
Au fond, disposer de 400 plutôt que de 700 kilomètres d’autonomie n’a rien de honteux. À moins de justifier d’un kilométrage de routier et multiplier les road trips en terrain hostile. Ces dernières années, le réseau public de recharge français s’est suffisamment étoffé pour que trouver une borne haute-puissance secourable ne soit plus un insurmontable. Au 31 octobre, le pays comptait 181 024 points de recharge, un bond de 21 % en un an, pour un parc de 1,2 million de véhicules concernés. Dont 37 696 bornes haute-puissance avec lesquelles il faut compter autour d’une demi-heure, en étant large, pour passer de 10 à 80 % de la capacité de sa batterie. L’intégralité ou presque des stations-service d’autoroute en sont dotées, un pourcentage grandissant de commerces des grandes surfaces également et les reportages estivaux des chaînes télévisées cherchent en vain des files d’attente aux bornes de recharge.
En privé, les constructeurs reconnaissent qu’il serait préférable d’y aller avec de modération sur le kilowattheure. Mais, ajoutent-ils aussitôt, l’acheteur potentiel réclame de l’autonomie à cor et à cri et sans la promesse d’un gros pack de batteries, il tournera les talons. Conclusion : si l’on veut recruter au-delà du cercle des early-adopters, déjà tous équipés, il faut afficher un kilométrage entre deux ravitaillements équivalents à celui des thermiques. Cet apparent bon sens mérite d’être questionné.
Outre qu’elle dope le chiffre d’affaires des vendeurs de voitures à pile, cette approche qui se paie aussi en plaisir de conduire néglige un constat maintes fois vérifié. Tout néo-converti immergé quelques mois dans la conduite d’une voiture électrique en ressort soulagé de la peur-panique qui l’étreignait dès que la charge de sa batterie descendait sous les 30 %. En outre, même si les grosses batteries font souvent les meilleures ventes, des constructeurs ont relevé que leur proportion reculait après un certain temps au profit des versions moins massivement dotées et donc moins chères.
L’important désormais n’est pas tant la capacité d’un véhicule à accumuler les kWh tel Harpagon et sa cassette que son aptitude à embarquer le plus rapidement possible un maximum d’électrons. Il est plus efficace de gérer l’énergie de sa voiture électrique en flux plutôt qu’en stock. Les constructeurs ont un peu de mal avec cette équation-là.














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