Les Lotus 56 Indianapolis et F1 (1968-71)

Convaincu par le potentiel de la turbine et financé par Granatelli pour son programme Indianapolis, Colin Chapman présente au printemps 1968 sa Lotus 56. Conçue par Maurice Phillipe (le "père" de la future Lotus 72), elle s'affirme à la fois plus classique et plus moderne que la Paxton. Proche dans l'esprit d'une formule 1, cette monocoque surprend par sa ligne cunéïforme et anguleuse. La nouvelle turbine Pratt et Whitney de 450 ch montée à l'arrière, (elle implique ainsi une position très avancée du pilote) est alimentée par deux prises d'air "Na.ca" qui encadrent un échappement "cheminée" installé derrière l'arceau de sécurité. Le flanc gauche (côté virage à Indianapolis) est occupé par un gros réservoir de carburant (230 litres) tandis que le droit reçoit le canal de transmission intégrale Ferguson. Quatre châssis sont construits (deux pour le Team Lotus, un pour Granatelli et un de réserve) et si les premiers essais se révèlent prometteurs, l'aventure débute pourtant très mal. Jim Clark se tue à Hockenheim peu avant les essais officiels, Jackie Stewart contacté pour le remplacer se casse le bras en formule 2 et c'est à Mike Spence, qu'échoue finalement le rôle de seconder Graham Hill. Les malheurs continuent aux essais. Mike Spence, parti pour régler la troisième voiture de Granatelli, heurte le mur. L'accident serait banal si la roue avant droite ne s'était arrachée pour retomber sur le casque du Britannique qui va décéder quelques heures plus tard à l'hôpital d'Indianapolis. Deux pilotes américains vont prendre le relai: Joe Leonard et Art Pollard respectivement 3e et 8e des 500 miles 1967. Proches du poids minimum avec ses 630 kg et dotées d'un comportement très efficace, deux des trois Lotus engagées vont réaliser les meilleurs temps aux essais.

En 1970, le châssis accidenté par Spence est réparé et adapté pour les Grands Prix. Jouant le titre mondial avec Rindt et la Lotus 72, le projet est reporté à l'année suivante. Lourde (630 kg), toujours équipée de la transmission intégrale Ferguson mais pouvant compter sur une puissance de 500 ch (50 de plus que les meilleurs Cosworth), la Lotus 56B effectue ses débuts en mars 1971 pour la Course des Champions à Brands Hatch. Emerson Fittipaldi, 7e aux essais doit abandonner rapidement : la lourde monoplace talonne et une suspension se casse. Après un nouvel abandon à Oulton Park avec Wisell, une troisième place à Silverstone, la Lotus débute en championnat du monde au GP de Hollande. Pilotée par Dave Walker, la monoplace qui s'est encore alourdi en se dotant de réservoirs de 350 lires ! va passer bien près de l'exploit. Sur la piste détrempée de Zanvoort, le couple de la turbine, les pneus Firestone et la transmission intègrale font des miracles. Parti en 22e position, Walker est pointé 10e au cinquième tour. Chapman se prend à rêver mais l'Australien qui survole habituellement la formule 3 manque cruellement d'expérience. Trop pressé ou trop ému, il va à la faute. La turbine avale du sable et s'éteint. La carrière de la Lotus 56B se terminera à Monza par une modeste huitième place de Fittipladi. A l'aise sur ce tracé rapide, la voiture sera pénalisée par la lourde chaleur ambiante qui fera chuter la puissance de son propulseur.

Avec son avant dépourvu de calandre pour laisser respirer le V8 Ford, l'imposante Howmet ressemble avant l'heure au gros méchant requin blanc des "Dents de la mer". Conduite par Heppenstall et Lowther, cette Ford Falcon "améliorée" va tout de même terminer à la 19e place des 12 heures de Sebring 1967. Encouragée par la prestation, la Howmet Corporation, qui cherche justement des idées neuves en matière de publicité décide de se lancer dans les courses d'endurance. Cette importante société métallurgique américaine, qui travaille entre autre pour la NASA, prend la parti d'innover en optant pour la turbine pour ses futurs prototypes. Pouvant s'appuyer sur Ray Heppenstall, ingénieur et pilote maison, l'affaire va être rondement menée. Howmet fournit logiquement tous les métaux spéciaux de l'acier au titane à la McKee Engineering, chargé de construire châssis et carrosseries. Bob McKee, concepteur de barquettes Canam et de monoplaces de Formule A, va réaliser une voiture très conventionnelle : un châssis multitubulaire renforcé par des panneaux formant une fausse coque pour recevoir les imposants réservoirs de caburants. L'influence de la Chaparral 2D de 1966 et de la Porsche 906 se combinent pour livrer une ligne trapue mais pleine de personnalité.

La turbine de la TX fournie par la.Continental Aviation, partenaire du projet, destinée 4 de nouveaux hélicoptères de l'Us Army n'existe pour l'instant qu'à sept exemplaires. Ne pesant que 80 kg (120 kg avec sa transmission), la turbine alimentée par la grosse prise d'air "Schnorckel" sur le toit, développe une puissance de 330 ch pour une équivalence de cylindrée estimée à 2980 cm3. Pilotée par Heppenstall, la Howmet effectue ses premiers essais le 27 décembre 1987. Les délais ont été non seulement tenus mais, en bouclant un tour sur l'ovale de Daytona à plus de 283 km/h, l'équipe peut revendiquer un optimisme légitime. Aux essais officiels, l'euphorie continue. Aux mains de Dick Thompson, la débutante se qualifie en septième position derrière les deux Ford GT 40 de John Wyer et les quatre Porsche 907 officielles. Peu après son premier ravitaillement, la Howmet qui se maintient à une honorable belle place, va finir sa course contre le mur de ciment bordant l'anneau : le "by pass", une soupape spéciale permettant de dériver le flux de la turbine lorsque le pilote lève le pied a grippé. La faillite de ce système et les très mauvaises surprises qu'elle implique sera à l'origine des abandons survenus à Brands Hatch et aux 24 heures du Mans. Seules, une troisième place (à 19 tours tout de même de la Ford GT 40 victorieuse) à Watkins Gien et deux victoires dans le championnat américain récompenseront les efforts de l'équipe qui renoncera à la fin de la saison 1968. Deux ans plus tard, la Howmet MkII, un spider animé par la même turbine battra quelques records sans grande signification mais évitera soigneusement toute nouvelle confrontation sur les pistes.

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