Trustant les podiums de toutes les enquêtes de fiabilité depuis de nombreuses années, Toyota est en train de vivre un revirement de situation pour le moins spectaculaire, avec les monstrueux rappels de ces derniers jours. Après l’épisode de la pédale d’accélérateur trop enthousiaste d’il y a deux semaines, voilà le pire complètement qu’on pouvait lui trouver : une certaine fainéantise de la pédale de frein. C'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase pour les médias japonais qui, malgré les déclarations du président du groupe vendredi, n'ont pas attendu plus longtemps pour remplacer ses lauriers par un bonnet d'âne.

Six mois après sa prise de position à la tête du groupe Toyota en pleine crise économique comme la marque n’en avait jamais connu, Akio Toyoda, petit fils du fondateur, doit maintenant faire face à une crise encore plus grave, celle de la confiance. Lors d’une conférence de presse à Nagoya vendredi dernier, il s’est prêté à l’exercice très japonais du mea culpa public : « Je souhaite profiter de cette occasion pour demander pardon du fond de mon cœur d'avoir inquiété tant de nos clients après le rappel de plusieurs modèles dans plusieurs régions ». Car l’heure est grave : le constructeur japonais a déjà dû rappeler plus de 8 millions de véhicules dans le monde depuis l’automne 2009 parmi 8 de ses modèles, pour un problème de tapis de sol et un défaut au niveau de la pédale d’accélérateur qui se coinçait, dysfonctionnement qui s’étend aussi à la Citroën C1 et à la Peugeot 107, sœur jumelle de la Toyota Aygo.

Mais la série noire ne s’est pas arrêtée là. Epargnée jusqu’ici, c’est au tour de la Prius, hybride le plus vendu au monde maintenant dans sa troisième génération et véhicule image par excellence de la marque, d’être inquiétée pour cette fois des problèmes de pédale de frein pouvant être inopérante pendant un bref moment lors du passage du freinage hydraulique au freinage électronique. Ecoulée à plus de 300 000 exemplaires dans le monde depuis mai 2009, date de sa commercialisation, dont 200 000 au Japon, 103 200 aux Etats-Unis et 29 000 en Europe, elle a fait l’objet de plus de 200 plaintes dans le monde pour ce défaut de freinage qui aurait causé au moins cinq accidents sur le sol japonais, ce qui mènerait à une nouvelle campagne de rappel portant sur 270 000 véhicules, comme l’aurait déjà annoncé Toyota à ces concessionnaires selon les medias japonais.

En entendant que ce nouveau rappel soit officialisé, ces derniers ont eu la dent particulièrement dure à l’encontre du président Akio Toyoda, vivement critiqué pour sa lenteur de réaction (les problèmes d’accélérateur seraient connus depuis 2007) et son mutisme avant son discours de vendredi, qui tenait plus de la supplique que des excuses : « Croyez-moi, les voitures Toyota sont sûres, même si nous essayons d'améliorer nos produits, croyez-moi, je vous en prie, notre priorité reste le client » avant d’incliner face à son auditoire.

Mais cela n’a pas convaincu les journalistes pour qui les déboires de Toyota rejaillissent sur toute l’industrie japonaise : « Les mots ne peuvent suffire à régler le problème. Toyota représente le Japon, ses problèmes dévalorisent l’image de marque du Japon dans son ensemble » selon le Nikkei, quotidien très populaire dans le milieu des affaires, des propos repris par le Yomiuri Shimbun, plus gros tirage parmi les journaux japonais : « L'absence de réaction appropriée au fiasco actuel pourrait porter atteinte à la confiance internationale envers les technologies industrielles du Japon ». Dernier coup de pied dans les côtesdu constructeur japonais déjà à terre, Katsuya Okada, ministre des affaires étrangères, a aussi déclaré « C'est un problème pour l'ensemble de l'industrie automobile japonaise, et pour la confiance envers les produits japonais ».

A la Bourse de Tokyo, le titre Toyota n’a jamais été aussi bas depuis 10 mois et l’addition n’est pas encore terminée : les vagues successives de rappel devraient coûter 1,43 milliards d’euros à la marque, que ce soit au niveau du coût des réparations ou des ventes perdues. A se demander maintenant si le navire qu’on croyait insubmersible pourra se remettre du choc avec cet iceberg colossal.

Mais un revirement si soudain ne cacherait-il quelque chose ? A qui profite le crime ? Qui veut vraiment la peau de Toyota ? Manuel Cailliot y répond.