La conférence de presse donnée ce matin à 8h00 par Carlos Ghosn avait ces derniers jours alimenté toutes les rumeurs. Des syndicats qui craignaient l'annonce d'un plan social aux simples fans de sport qui redoutaient la réduction des investissements à terme pour la F1, la réputation du nouveau président de Renault a suscité une excitation hors du commun, faisant de cette première prise de parole un véritable évènement. Pour comprendre la curiosité que peut susciter l'homme, rendez-vous sur le site de Renault aujourd'hui jeudi 9 février à partir de 13h30 pour écouter l'intégralité du discours de Carlos Ghosn. 30 minutes seulement, mais 30 minutes pendant lesquelles Carlos Ghosn présente sa stratégie avec une virtuosité étonnante. Il acène une multitude de chiffres, évoque sa stratégie sur un ton froid, avec un débit rapide. Et sans prompteur... Bref, une véritable machine de guerre, comme si Carlos Ghosn, utilisant si souvent le mot « offensive », s'intronisait lui-même chef de guerre.

Offensive produit : 26 nouveaux modèles dans les trois ans !

Offensive donc qui va s'appuyer, comme Caradisiac vous le révélait dès hier, sur le lancement d'un très grand nombre de nouveaux modèles dans les trois années à venir. Au total, 26 nouvelles voitures seront lancées d'ici 2009, soit deux fois plus que sur la période 1998-2005. En moyenne, ce ne sont pas moins de huit véhicules qui seront mis sur le marché chaque année. On ne doute pas que cette annonce a dû faire l'effet d'une bombe dans les services du patron du design Patrick Le Quément.

Renault se positionne sur le haut de gamme

Autre déclaration attendue, la confirmation du positionnement de Renault Samsung Motors sur le marché haut de gamme. Au total, huit voitures seront lancées sur ce segment dont les trois dernières arriveront en 2010. Cela permettra selon Carlos Ghosn « de doubler le nombre de voitures vendues à un prix supérieur à 27 000 euros, valeur habituellement retenue comme définition du haut de gamme ». Toujours à propos de « l'offensive produit » et chacun le savait déjà , Carlos Ghosn confirme enfin le lancement prochain d'un 4X4.

Moteurs hybrides : top départ

La leçon donnée par Toyota avec sa fameuse Prius a été retenue. Il n'est plus question d'accumuler le retard pour Renault dans le domaine des voitures hybrides. Renault testera en France et mettra sur le marché des véhicules équipés de piles à combustibles. 50 % des véhicules à moteur essence vendus en 2009 en Europe pourront par ailleurs fonctionner avec un mélange d'essence et d'éthanol. De leur côté, tous les moteurs diesel seront à la même date capable de fonctionner avec un taux de 30 % de diester. Les premières offres apparaîtront fin 2006.

Social : le pire est évité pour le moment

« Renault n'est pas en crise, mais Renault reste fragile. La fragilité de Renault peut conduire à une situation dangereuse et donc inacceptable... sans une action forte ».... « la situation de certaines de nos usines en France et à l'étranger est préoccupante aujourd'hui avec des taux d'occupation inférieur à 40 %. La réussite du plan produit est donc indispensable pour éviter la restructuration de l'appareil industriel ». Difficile d'être plus clair : il n'y aura pas de restructuration, comprenez de fermetures d'usines et de licenciements si le plan proposé atteint ses objectifs. Le pire est à craindre si cela ne devait pas être le cas. La pression sera donc autant sur les épaules des dirigeants que sur celles des ouvriers.

Budget : une réduction mesurée

L'un des engagements de Carlos Ghosn est de positionner durablement Renault comme le constructeur généraliste européen le plus rentable. La marge opérationnelle sera de 6 % en 2009, c'est en tout cas l'objectif, très ambitieux, que s'est fixé Carlos Ghosn. Pour cela, il envisage de faire ce que fait n'importe quel petit artisan dans sa boutique, à savoir réduire les dépenses et augmenter le chiffre d'affaire. Evidemment, quand il s'agit d'une entreprise comme Renault, il ne suffit pas de le dire.... Et c'est là un véritable défi que s'impose le nouveau président.

Concrètement, Carlos Ghosn annonce la vente de 800 000 véhicules supplémentaires en 2009 par rapport à 2006. Côté réduction des dépenses, les frais généraux passeront de 5,1 % du CA à moins de 4 % en fin de plan : « nous prévoyons de réduire nos coûts dans toutes nos fonctions » annonce-il. Ainsi, le coût des achats sera réduit de 14 % sur trois ans, les coûts de fabrication diminueront de 12 %. Les investissements seront optimisés. Pour cela, une réduction de 50 % des investissements est programmée. Evidemment, Carlos Ghosn a bien senti au cours de sa conférence de presse le danger de cette annonce, destinée certes à rassurer les marchés financiers, mais qui peut être également une source d'inquiétude. Il précise donc : « Il ne s'agit pas de diviser par deux nos investissements, mais de faire deux fois plus avec le même montant. Nos concentrons nos investissements sur nos cœurs de métiers et tout ce qui n'en fait pas partie est ouvert à des partenariats potentiels ». Il reste que cette fois, la crainte pourrait être du côté des automobilistes. Ces réductions budgétaires n'engendreront-ils pas une baisse de qualité. Carlos Ghosn sait qu'il est attendu sur ce terrain. Il a d'ailleurs à plusieurs reprises évoqué ce matin la nécessité de produire des voitures toujours plus « qualité », mais ces équipes pourront-elles le faire avec des budgets sensiblement à la baisse ?

Pour résumer, Carlos Ghosn s'engage auprès des automobilistes à mettre sur le marché 26 nouvelles voitures d'ici 2009. Il s'engage auprès des actionnaires à vendre 800 000 voitures supplémentaires en 2009 et à atteindre une marge opérationnelle de 6 %. C'est une « offensive » assurément inédit dans l'histoire de Renault. Un objectif très ambitieux, démesurément ambitieux ? En tout cas à la hauteur du personnage.