Philippe Mellier, le président d’Alstom Transports a accordé une interview au quotidien 20 minutes le 17 novembre dernier. Morceaux choisis.

Le TGV californien est-il un enjeu important pour le groupe industriel français Alstom, qui a déposé sa candidature ?

C’est un dossier que nous suivons depuis très longtemps. Ce qui est intéressant, c’est que la Californie était jusqu’ici le royaume de l’avion et de la voiture : cet Etat est donc un précurseur sur le territoire américain. De plus, le fait que ce soient les habitants qui aient voté le TGV est le signe d’un profond changement.

Pensez-vous que les USA se situent à une époque charnière, et qu’ils vont se tourner progressivement vers les transports en commun ?

Se tourner vers lignes à très haute vitesse, en tout cas, oui. Aujourd’hui, les Américains ne disposent que d’une seule ligne de train à très grande vitesse (200km/h), entre Washington et New York. Mais elle est saturée, et le train doit partager la voie avec du fret. En Californie, le projet porte sur un train roulant à une vitesse commerciale de 320-350 km/h, et sur une voie qui lui sera entièrement dédiée. Après ce premier tronçon de 700 km entre San Francisco et Los Angeles, il est prévu un prolongement jusqu’à Sacramento et San Diego. Surtout, il est prévu d’autres projets à travers le pays. C’est pourquoi il est très important de remporter ce marché, afin de devenir la référence aux Etats-Unis, et ainsi bien se positionner vers l’avenir.

Quel type de train allez-vous vendre aux Américains ?

C’est le client qui décidera. Nous rencontrerons certainement le gouverneur Schwarzenegger à la fin de l’année ou au début 2009, avec notre partenaire la SNCF. Nous proposerons notre TGV à double étage Duplex, ou bien notre nouvel AGV, à un seul étage. Les deux peuvent correspondre.

Ce marché pourrait représenter combien de rames ?

Difficile à dire. S’ils veulent une fréquence de type métro, cela peut représenter plusieurs centaines de rames. S’ils veulent un train toutes les heures, une cinquantaine.

La concurrence sera féroce. Qu’allez-vous mettre en avant ?

Notre maîtrise de ce type de projets. Nous venons d’achever en Corée une ligne techniquement difficile. Nous venons de remporter un marché en Argentine, un autre est sur le point d’être bouclé au Maroc, et nous sommes bien placés pour d’autres grands projets, comme la ligne Moscou-Saint-Pétersbourg ou le TGV des lieux saints entre Médina et La Mecque pour transporter les pèlerins. Nous détenons 70% du marché international à grande vitesse.

Quelle est la prochaine grande étape du dossier californien ?

Ce qui est important maintenant, c’est de trouver huit autres milliards d’euros pour lancer le projet. Nous pouvons être confiants sur ce point, puisque Barack Obama a dit qu’il soutiendrait les transports en commun, et on peut supposer qu’il apportera cette somme sur fonds fédéraux. Quelques huit milliards seront sans doute apportés par des investisseurs privés, après la crise. Je pense que les premiers appels d’offres seront lancés en 2009-2010. Il y aura ensuite deux phases très importantes : celle d’expropriation, puisque nous sommes sur un territoire très dense, et celle d’ingénierie, car nous sommes situés sur une zone sismique. Ensuite la phase de construction peut durer cinq à huit ans. Ce projet ne verra pas le jour avant une bonne dizaine d’années.

Nous vous tiendrons au courant sur l’évolution du projet. En tous les cas, le changement est en route, et ce n’est pas Barack Obama qui nous contredira. Bravo pour le vote de ce projet !