Le Mondial de Paris vient de fermer ses portes. Malgré la période de crise, il demeure le salon le plus fréquenté au monde. Si vous n'avez pas pu vous y rendre, chaque membre de la rédaction de Caradisiac vous donne son avis sur cette édition.


L'avis d'Alexandre Bataille : noir c'est noir

Mondial de Paris : le bilan de la rédaction

L’industrie automobile est-elle en crise ? Vraisemblablement. À l’heure actuelle, tous les compteurs sont au rouge. À commencer par les ventes qui ne cessent de décliner depuis le début de l'année - 18,3 % en septembre et - 13,9 % sur les neuf premiers mois de l'année. La baisse du pouvoir d’achat conjuguée à la flambée des carburants et à l’arrêt des aides fiscales (prime à la casse et bonus « généreux ») font logiquement fléchir le marché en Europe. Car il faut le savoir, cette chute est propre au Vieux Continent. La Russie, la Chine et le Brésil sont devenus les nouveaux Eldorado des constructeurs français qui ont présenté beaucoup de modèles à vocation internationale durant le Mondial : Peugeot 301, Citroën C-Elysée, Dacia Sandero, etc. En période de crise, on aime venir se détendre et rêver devant de belles mécaniques. Eh bien cette année, ce n’est certainement pas du côté de la Porte de Versailles qu’il y avait matière à fantasmer. Ce sont davantage les Clio, Golf, Leon, Adam et Mondeo qui ont fait le show que les Ferrari, Aston Martin et Porsche. Par conséquent, peu de modèles attractifs pour les amateurs de belles mécaniques et encore moins de concepts, censés agiter les hormones des passionnés. Où est donc passé ce salon de l’innovation ? Celui qui servait de vitrine à l’automobile du futur et s’imposait comme le plus fréquenté au Monde ? Ce salon magique n’est pas à Paris, plutôt à Genève.

Vous étiez tout de même près de 1,23 million (-2 %) à faire le déplacement dans un climat pourtant peu propice à la sérénité. Comment apprécier sans culpabiliser les nouveaux Concept Onyx et Numéro 9 lorsqu’un millier d’ouvriers PSA désabusés se battent pour leurs droits, et accessoirement avec les CRS, dans la rue d’en face ? Comment expliquer la présence de Philippe Poutou dans les allées du Mondial alors que la campagne présidentielle est terminée ? Peut-être par le fait que ce monsieur est salarié de l'usine Ford de Blanquefort (33) ? 8 000 postes supprimés par PSA à Aulnay, l’inconnu pour les salariés de Ford à Blanquefort et du chômage partiel dans les usines Renault Flins et Douai.

Dans ce climat délétère, comment envisager l’achat d’un véhicule un tant soit peu sympa (et sportif) en sachant que le nouveau barème du bonus/malus proposé dans le projet de loi de finances 2013 est encore plus dur (jusqu’à 6 000 € de malus) ? Et pour parachever le tableau, qu’adviendra-t-il des prix du carburant dans un futur proche ? Conformément à sa promesse de lutter contre la cherté des carburants, le gouvernement avait baissé, fin août, de 3 centimes par litre les taxes sur le gazole et l'essence, et négocié avec les industriels un coup de pouce supplémentaire de deux à trois centimes, selon leurs possibilités. Ces mesures doivent s'appliquer pendant trois mois, jusqu'à fin novembre ? Nous sommes toujours « en période de coup de pouce » et les prix à la pompe grimpent pour la 3e semaine consécutive… Qu’adviendra-t-il à la date d’expiration ?


L'avis de Manuel Cailliot : la passion n'est pas morte, mais les constructeurs français ne font pas rêver


J'ai bien cru que ce Mondial serait le pire de ce 21e siècle (certes naissant). Peu de monde au début, peu de monde au milieu, une fête perturbée par des manifestations qui ont pu faire peur aux visiteurs potentiels... Bref, j'ai vraiment cru qu'en ces temps de crise et d'automobile mal-aimée, molestée, et dont l'industrie est en crise, la "bagnole" n'intéresserait plus.

Mondial de Paris : le bilan de la rédaction

Et puis, je suis retourné au Mondial le dernier samedi avant la fermeture. Et j'ai constaté que non. Non l'automobile n'est pas morte. Non, la passion n'est pas morte. Et oui, il y avait du monde. Un monde de dingue même ! Et au-delà du fait d'avoir eu à piétiner, à faire la queue, à être aussi serré que des sardines dans leur boîte parfois, ça m'a fait plaisir.



Plaisir pour l'automobile, un peu moins pour les constructeurs français. Pourquoi ?

Parce qu'à l'affluence moyenne sur les stands des constructeurs tricolores répondait une cohue indescriptible sur ceux de certains concurrents étrangers.

Si l'on pouvait s'installer au volant d'une Clio 4 au bout de quelques minutes, il m'aurait fallu piétiner ¼ d'heure avant de pouvoir ne serait qu'approcher une Audi A4, ce que je n'ai pas fait... Chez Mercedes, même combat de talons-pointes.

J'ai failli suffoquer maintes fois, coincé entre les stands McLaren et Jaguar, au milieu de centaines de mes congénères, prêts à mourir pour une photo de la dernière F-Type. Chez Peugeot, 30 secondes auront suffi pour avoir la possibilité de faire l'article (encore) à mon épouse sur le concept Onyx.

Vous me direz, et vous auriez raison, que le Hall 1 et les stands tricolores étaient plus spacieux que ceux des étrangers. Oui, indéniablement. Mais personne n'y était prêt à tuer pour une photo de Clio 4 ou de Ds3 Cabrio. Dans le Hall 4, j'ai vu des jeunes prêts à se battre pour une image de S3 ou de R8 Spyder.

Et ça, je ne sais pas si c'est bon signe, pour nos voitures, ni pour notre industrie.

Sinon, j'ai adoré la Ford Mondeo 4, la Mazda 6, et cocorico, la Peugeot RCZ-R Concept.


L'avis de Pierre Desjardins : pas un bon millésime

Triste comme un dimanche soir d'octobre, le Mondial de l'Auto 2012 s'achève et laisse un goût bien amer, avec d'un côté peu de nouveautés marquantes, pas de vraies surprises et une affluence de visiteurs qu'on qualifie déjà de décevante, le tout sur un fond de carburants éternellement en hausse et de climat social pesant avec les débordements que l'on connaît. Et pas la peine de compter sur le gouvernement pour remonter le moral des amateurs d'automobiles comme de ceux qui les construisent ou les vendent avec l'annonce, en plein milieu de cette grand-messe tricolore du véhicule à quatre roues, de la grille du malus 2013 qui plafonne désormais à 6 000 €.


Il y a quand même une lueur d'espoir à travers le brouillard, tout au loin là-bas sur l'horizon de la voiture française, et même deux, qui avaient des stands au Mondial qui auraient probablement mérité qu'on parle un peu plus d'eux : Mia Electric, ex-Heuliez revenu d'entre les morts, présentait ses modèles très abouties qui valent qu'on s'y attarde (ce que nous ferons d'ici peu) et à l'extrême opposé sur le spectre de l'automobile électrique, Exagon Motors et sa Furtiv e-GT dans sa version quasi définitive à laquelle on n'osait plus croire et qu'il nous tarde aussi d'essayer.


L'avis de Patrick Garcia : le plaisir de conduite est un moteur économique

Ce Mondial 2012 qui a ouvert ses portes dans un climat hexagonal de morosité absolue fut selon moi un des salons les plus équilibrés de ces dernières années. Tous les courants y étaient exposés sans que l'un d'entre eux ne prenne le pas sur les autres. La folie verte s'est calmée, les vessies ne servent plus à éclairer la nuit et les propositions commencent à gagner en cohérence en même temps qu'elles perdent en démagogie. Les constructeurs avancent à tâtons, les plus riches étudient sur un large spectre, les autres font des paris, les autorités réfléchissent et brouillent les cartes (mmmh le diesel) et on n'aura jamais aussi peu respiré de CO2 au cul d'une auto qu'aujourd'hui. Bon, on respire plein d'autres cochonneries mais peu importe, le politique n'est pas connu pour sa perspicacité au moment d'édicter des normes.

D'un autre côté, les fans de bonnes vieilles thermiques à gros appétit ont encore quelques jolis fantasmes à expérimenter avec les P1, Aventador et mamie Gallardo (même salement redessinée), F12berlinetta et F70. Même Ford et ses breaks musclés (Focus ST, nouvelle Mondeo) et Toyota avec son GT86 à moteur horizontal mais à déplacement diagonal ou encore Peugeot et Renault avec leurs 208 Gti et Clio RS font saliver. Et quand Porsche nous montre que la Panamera n'était qu'un brouillon en dévoilant la Sport Turismo, on se fout de savoir qu'elle est hybride parce que l'on sait que ce n'est qu'un alibi pour se déplacer plus vite. Certes, les bimmerfans ont chopé des boutons devant l'Active Tourer à traction avant mais l'émotion les a peut-être fait passer à côté d'une chose : oui, le premier monospace BMW est franchement réussi esthétiquement ! C'est aussi une tendance : les autos sont de plus en plus travaillées sur le plan du style et on regrette presque l'époque des Ssangyong Rodius monstrueux, des Toyota sans vie et des coréennes risibles, aujourd'hui, pour trouver une voiture moche, il ne faut pas traîner sur un stand de constructeur à vision mondiale.

Sur ce Mondial on a même eu des artisans qui croient encore à l'automobile, des gens qui réfléchissent (et agissent) dans leur coin et tentent comme ils peuvent d'être des « faiseurs d'automobiles », des PGO, des Exagon, des Pariss et ça, c'est bluffant.

L'automobile qui tient salon tous les 2 ans a encore attiré 1,2 million de visiteurs, dont une grande partie a certainement connu au moins une fois dans l'année l'horripilant épisode de la lettre à en-tête République Française vous enjoignant de contribuer au redressement de la France en envoyant 45 euros (voire beaucoup plus) au Trésor Public pour vous absoudre d'une faute gravissime, celle d'avoir malheureusement laissé échapper votre auto au-delà des 90 ou 110 km/h sur l'autoroute près de chez vous dont la préfecture a jugé bon de baisser la vitesse limite, pour votre bien évidemment (l'État, c'est vous). Tous ces gens qui sont venus rêver et/ou s'informer et/ou contempler et/ou protester et/ou choper de la doc (une clé USB ?) montrent que ce secteur aussi décrié soit-il reste un sujet d'importance en France. Ce n'est pourtant pas faute de culpabiliser l'usager d'automobiles ou encore d'instaurer des malus hallucinants de bêtise, bref, l'automobile est encore et toujours un secteur moteur dans l'industrie et il faudrait quand même que nos édiles, qui elles, s'en cognent royalement (ou alors se sentent en position de faiblesse et ne font rien pour la défendre lorsqu'elles avouent avoir un faible pour la chose à 4 roues), arrêtent de culpabiliser ce qui reste, ne l'oublions pas, le consommateur. Consommateur qui est la base même de la croissance tant recherchée à Bercy.

Oui, le plaisir automobile est un moteur économique, c'est mon sentiment.


L'avis d'Olivier Pagès : la menace de la tour

L’édition 2012 du Mondial de Paris va marquer la fin d’une époque. En effet, le visage du Mondial 2014 n’aura plus rien à voir avec ce que l’on connaît.

Cet article porte le titre de « la menace de la tour » mais il aurait pu aussi s’appeler « la fin d’une époque ». Car si comme de très nombreux passionnés, vous vous êtes rendus ce week-end à la Porte de Versailles pour assister au Mondial de Paris ou comptez le faire prochainement, sachez que c’est la dernière fois que vous verrez le Parc des Expositions dans cette configuration.

La faute à un projet immobilier qui fait énormément parler. Il s’agit de la Tour Triangle, signée de l'agence suisse Herzog & De Meuron, qui a notamment réalisé le fameux « nid d'oiseau », le stade olympique de Pékin. Haute de 180 m, elle va prendre place à la Porte de Versailles et accueillera entre autres des bureaux. Ceux qui connaissent le quartier se demandent certainement à quel endroit ? Eh bien tout simplement à la place du Hall 1, qui est l’emplacement stratégique de tous les salons. Selon les dernières rumeurs, les travaux débuteraient juste après le Mondial pour prendre fin en 2016.

Mais avant cette échéance, il y a bien évidement le Mondial 2014 et c’est là que le bât blesse. Certains constructeurs ont déjà pris les devants. Ainsi, Jaguar et Land Rover ont investi le hall 5 pour bénéficier d’une plus grande superficie cette année, mais surtout pour prendre date pour la prochaine édition. En off, certaines marques nous ont avoué leurs craintes. Comment va-t-on recaser tous les stands du hall 1 et en particulier les marques tricolores ? Les tractations auraient déjà commencé sous le manteau et promettent d’être tendues. Certains halls sont bel et bien vides actuellement mais ils sont beaucoup moins attractifs. AMC Promotion, qui s’occupe de l’organisation, devrait trouver bien évidemment une solution et on pense bien sûr à une nouvelle circulation.

Si la tenue du Mondial 2014 à la Porte de Versailles ne fait aucun doute, certains se demandent quand même si ce n’est pas le début de la fin. Certaines rumeurs laissent en effet entendre que le Mondial de Paris 2016 pourrait bien avoir lieu au Parc des Expositions de Villepinte qui n’a aucun problème de place ; ce qui serait en cohérence avec la politique autophobe de la mairie de Paris. Si tel est le cas, pas sûr que l’affluence soit toujours au rendez-vous…