La 4 CV est née au cœur d’ateliers secrets pendant la Seconde Guerre mondiale. En effet, les Allemands ayant interdit toute activité au bureau d’études Renault dès 1942, l’un des ingénieurs de la marque, Fernand Picard, et ses collaborateurs, Charles-Edmond Serre et Jean-Auguste Riolfo, mirent au point clandestinement la Renault d’après-guerre. A la Libération, Louis Renault est arrêté pour faits de collaboration, ses usines de Billancourt nationalisées.

Nommé patron de la nouvelle Régie Nationale, Pierre Lefaucheux témoigne d’un enthousiasme débordant pour le projet de petite voiture mis au point secrètement par la « bande à Picard ». A tel point qu’il le présente dès 1946, au Salon de l’Auto de Paris qui ressuscite après huit ans d’interruption. Le succès est immédiat auprès des 800 000 visiteurs, médusés par cette auto si attachante. Pour la petite histoire, ceux-ci étaient étonnés du fait que les modèles présentés étaient tous de couleur jaune. Cela valut d’ailleurs à la nouvelle venue un sobriquet unanimement adopté : la motte de beurre ! Mais la vraie raison de cette couleur unique est qu’en cet immédiat après-guerre, la France manquait cruellement de peinture industrielle. On puisa donc dans les stocks récupérés auprès de l’armée allemande, et c’est la peinture de l’Afrikakorps (forcément jaune pour le camouflage dans le désert), qui fit l’affaire ! Autre surprise pour les visiteurs du Salon, le petit 4 cylindres de 17 ch est placé tout à l’arrière de la voiture. Certains y verront un concept emprunté à la VW Coccinelle née, elle, en 1938.

Dans cette période très particulière où l’on retrouve la paix et où l’on redécouvre les congés payés, l’envie de mordre la vie à pleines dents crée un optimisme débordant dans la population. Aussi, très vite baptisée « 4 CV », cette petite voiture familiale et peu chère connaît un succès fulgurant. Devant l’afflux considérable des commandes, mais faute de matières premières suffisantes, la production ne pourra débuter qu’en août 1947. Lefaucheux réclame alors une cadence de production de 300 unités par jour. Du jamais vu en France ! Cette cadence ne pourra toutefois être atteinte qu’en 1950. Cela n’empêche pas une version commerciale d’apparaître dès 1948, et la 4 CV d’être la voiture la plus vendue en France dès 1949. Cette année-là, 40 000 exemplaires sont déjà sur les routes.

En 1950, la 4 CV ne compte pas moins de six versions, dont la Grand Luxe et la Décapotable, et le succès populaire, loin de se démentir, augmente sans cesse. Même en Amérique, il s’en écoule près de 170 000 exemplaires ! Et, bien que les tarifs aient tendance à enfler, la 4 CV « cartonne » toujours, son moteur passant à 21 ch. Pour assurer la pérennité du modèle, l’usine Renault de Flins (78) est inaugurée en 1953. Au gré de multiples restylages et améliorations diverses, la motte de beurre, ou 4 pattes, c’est selon, poursuit sa flamboyante carrière, écumant tous les centres-villes et toutes les routes de France, animant un grand nombre de rallyes, et participant même aux 24 heures du Mans !

Fin 1958, la 4 CV devient la première voiture française à atteindre le million d'exemplaires produits. Le 6 juillet 1961, après quatorze années durant lesquelles sortirent de chaînes 1 105 547 voitures, la production est arrêtée. Ainsi, la 4 CV s’éteint, cédant la place à celle dont on ne sait pas encore qu’elle va devenir un nouveau best-seller mondial : la "4 L".