La 408 RM, une Ferrari oubliée qui aurait pu tout changer
Doté d’une transmission intégrale, ce prototype montre la direction technologique que Ferrari aurait pu prendre dès le début des années 90. Mais des luttes intestines ont fait que ça n’est pas arrivé…

Si à l’heure actuelle, le moteur électrique accapare les esprits, au début des années 80, c’est la transmission intégrale qui était en vogue. Popularisée par l’Audi Quattro en 1980, elle se répand comme une traînée de poudre en rallye, où les terrifiantes Groupe B fascinent les foules. Peugeot 205 T16, Lancia Delta S4, Audi Sport Quattro, autant de monstres qui éclipsent la F1. La transmission intégrale en vient à symboliser le progrès technologique, et s’impose comme un argument marketing.
En conséquence, bien des constructeurs renommés l’adoptent : BMW, Mercedes, mais aussi Porsche, dont la 959 dispute à la Ferrari 288 GTO le titre de voiture la plus rapide du monde. Les Japonais aussi adoptent la transmission intégrale, Nissan présentant l’intéressant concept Mid4, un coupé à moteur central et quatre roues motrices, en 1985. Maranello regarde de près ce phénomène. En tout cas, Mauro Forghieri, l’homme qui a dirigé le développement des monoplaces au cheval cabré si fortes dans les années 70, a déjà réfléchi à une voiture à quatre roues motrices à la fin des années 60.

Au début de la décennie 80, les F1 Ferrari sont à la peine, et Forghieri se voit écarté du département course. A la place, on le place à la tête de Ferrari Engineering, une entité créée en 1984 pour explorer de nouvelles technologies. En 1986, on décide l’étude d’une voiture de route à quatre roues motrices, à titre expérimental. Cela débouche en 1987 sur la 408 RM, une auto extraordinairement aboutie. En effet, ce coupé biplace adopte une transmission intégrale, la première de Ferrari.

Dotée d’un différentiel central allié à un bloc hydraulique limitant les différences de couple envoyées entre l’avant et l’arrière liées à l’adhérence, elle répartit par défaut 71 % du couple sur l’arrière, pour conserver un comportement routier typé propulsion. Reliée à boîte 5 manuelle, elle doit gérer les 300 ch générés par le V8 4,0 l à quatre arbres à cames en tête et 32 soupapes. Codé F117, il dérive de celui de la 328 et affiche une puissance au litre étrangement modérée pour une Ferrari.

Le tout s’installe dans un châssis spécifique en acier, habillé d’une carrosserie dessinée non pas chez Pininfarina mais IDEA, où sévit Ercole Spada. Fabriquée chez Scaglietti, elle se compose de panneaux en fibre de verre doublés, prenant en sandwich une de mousse, soit de polyuréthane, soit de polyester. Une nouveauté chez Ferrari, plus légère et rigide que l’aluminium. De plus, la robe affiche un Cx exceptionnel de 0.274, permettant à la 408 4RM de passer les 300 km/h. Tout ceci à une époque où Ferrari produit des autos dont le châssis a été étudié dès la fin des années 60 (on pense aux 412i et Testarossa) !

Le prototype, peint en rouge, est largement présenté à la presse à l’été 1987, qui voit en lui l’avenir de Maranello. Et c’est vrai qu’on y continue le développement de la 408 4RM, dont un deuxième exemplaire, jaune celui-ci, est fabriqué en 1988. Cette fois, son châssis se compose d’éléments en aluminium collés, et a été développé avec une firme canadienne : Alcan. Cela permet un allègement de 30 % face à la structure la voiture rouge, qui ne pèse pourtant que 1 343 kg en ordre de marche. Simultanément, la rigidité s’améliore de 15 %.

Mais voilà, Mauro Forghieri est débauché par Lee Iacocca, patron de Chrysler, qui le place dans une de ses filiales : Lamborghini. De là à penser que Forghieri a influé sur la Diablo VT, à quatre roues motrices, il n’y a qu’un pas. En 1992, celui-ci part chez Bugatti qui proposera dès 1995 son EB110… dotée de quatre roues motrices. De plus, la marque est propriété de Romano Artioli, qui possède aussi Lotus. Or, en 1995, apparaît une Elise, dotée d’une structure en aluminium collé. Tiens, tiens !

Les recherches de Forghieri semblent avoir trouvé bien des applications. Mais pas à Maranello ! On a bien étudié une variante biturbo du V8 de la 408 (650 ch !), mais en 1991, Piero Lardi Ferrari, à la tête de Ferrari Engineering, stoppe tout. Selon lui, la marque fondée par son père doit rester fidèle à son ADN et produire des voitures plus légères. Or, la transmission intégrale entraîne, selon lui, un alourdissement de 200 kg. La messe est dite, et la 408 n’aura aucune influence sur les modèles de série.

Maranello ne produira sa première berlinette à structure en aluminium qu’à partir de 1999 (la 360 Modena, selon un procédé qui n’a rien à voir avec celui de la 408), et sa première GT à quatre roues motrices qu’en 2011, la FF. Là encore, sa transmission de doit rien à celle de la 408, même si certains ingénieurs, comme Franco Cimatti, ont œuvré sur les deux modèles.

















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