2. La Rolls-Royce Spectre Black Badge glisse au-dessus de la route et peut aller très loin

Il faut véritablement monter à bord de la Spectre pour s’y installer, un peu à la façon d’un SUV. Et je dois dire que tout ce qu’on y vit après relève vraiment d’un monde à part, en isolation totale de la vie réelle dans un gros cocon ultra-luxueux totalement imperméable aux affres de la routine. La Spectre embellit chaque déplacement y compris dans les conditions de circulation les plus ennuyeuses. Certes, il faut garder en permanence à l’esprit son gabarit de petit camion mais on s’habitue très vite à ses proportions pachydermiques dans une grande ville pleine de bouchons comme Marseille.
Même la tonalité de l’accompagnement sonore mis au point par Rolls-Royce dans l’habitacle lors des accélérations (désactivable), évoquant l’univers de la méditation, participe à la détente maximale. Dès les premiers mètres, le passage à la motorisation électrique apparaît aussi comme un choix particulièrement rationnel dans ces machines conçues pour offrir une conduite la plus douce possible. Fini les à-coups légers mais perceptibles de la boîte automatique des Rolls à moteur V12, ici le groupe motopropulseur contribue à annihiler au maximum tout ce qui nuit au confort de roulage. Tant pis pour le ronron discret du douze cylindres ! Ce basculement à l’électrique permet aussi de réussir à tous les coups le « champagne stop », ce joli nom décrivant l’arrêt de la voiture sans aucun phénomène de plongée ni secousse au moment de son immobilisation totale à la fin d’une décélération (petite prouesse également réalisée par le tout nouveau BMW iX3 comme nous avons pu l’expérimenter récemment).
Même sans disposer des systèmes ultrasophistiqués pilotant la gestion de chaque roue de façon individuelle via des bras motorisés comme sur les Porsche Panamera, Taycan et autres Audi e-tron GT, la suspension pneumatique dépourvue de barres antiroulis filtre les dos d’âne et autres aspérités routières avec flamboyance. La Black Badge revendique un amortissement légèrement raffermi par rapport à la Spectre normale pour limiter les mouvements de caisse lors des accélérations et du freinage, mais on aurait bien du mal à trouver cette machine un peu raide !
Black Badge, mais pas trop quand même
Outre cet amortissement légèrement raffermi, le traitement « Black Badge » de la Spectre ajoute d’après Rolls-Royce une direction légèrement plus consistante et un inédit mode « Infini » qui fait bondir la puissance maximale à 659 chevaux au lieu de 585. Il y a même désormais un launch control, le « Spirited Mode », qui permet d’abattre le 0 à 100 km/h en à peine plus de quatre secondes comme nous avons pu le vérifier. Un chrono pas spécialement impressionnant à l’ère où certaines familiales électriques sportives peuvent réaliser cette figure en moins de trois secondes, mais qui fait quand même tout drôle dans un tel paquebot de trois tonnes.

Et quand on essaie de jouer sur un vrai col de montage, ça donne quoi ? Eh bien ça déménage, mais sans jamais verser vraiment dans le pur plaisir de la conduite sportive. La Spectre Black Badge marche fort, offre un comportement dynamique sérieux et laisse même sentir une gestion assez dynamique du groupe motopropulseur qui utilise son train arrière pour aider la voiture à tourner dans les portions les plus sinueuses, mais elle conserve aussi une pédale de frein bien molle et sous-vire vite. C’est d’ailleurs assez joli, insolite et spectaculaire à voir, une Rolls qui fait hurler ses pneus dans les épingles d’un col de montagne ! Pour ceux qui veulent davantage de sport sur leur coupé de luxe, il faudra se reporter sur la Bentley Continental GT hybride rechargeable ou l’Aston Martin Vanquish 100 % thermique. Comme nous avons pu l’expérimenter sur une autoroute allemande hélas bien chargée en trafic, la Spectre Black Badge sait aussi voyager à plus de 250 km/h en conservant une très belle stabilité à haute vitesse. J’aurais d’ailleurs bien aimé voir où se situait sa bride électronique au compteur, s’il n’y avait pas tout ce monde au moment de notre traversée de l’Allemagne depuis la France…
Et la consommation, alors ?
Même si la clientèle de ces voitures n’utilise probablement sa Spectre que pour effectuer de petits trajets avant de monter à bord de son avion privé ou d’un gros bateau, cette auto de luxe à plus de 450 000€ peut-elle vraiment voyager ? A première vue, d’ailleurs, la Rolls ne fait pas partie des machines les mieux dotées en la matière : elle possède bien des batteries énormes de 102 kWh, mais pas de circuit électrique à 800 Volts comme ça devient pourtant la norme sur les autos de luxe (y compris les nouvelles machines du groupe BMW). Elle se contente ainsi d’un 10 à 80 % de charge en 34 minutes (avec 195 kW de puissance de charge en crête) alors que certaines nouveautés bien plus roturières promettent désormais la même opération en moins de 20 minutes (et dépasser les 300 kW de très loin).

Malgré sa masse gargantuesque et son physique imposant (la Spectre normale parvient malgré tout à afficher un Cx très correct de 0,25), cette Rolls Black Badge fait presque office de bon élève au registre de la consommation. On arrive à dépasser les 70 kWh/100 km en adoptant un rythme routier de punk anarchiste à la montagne, mais la voiture se contente de 24 kWh/100 km à 130 km/h sur l’autoroute lors des longs trajets. Car oui, il a fallu qu’on ramène cette auto à Munich après l’avoir récupérée à St Tropez et elle permet réellement de dépasser les 400 kilomètres sur une seule charge à rythme de croisière. Avec autant d’autonomie disponible, devoir attendre plus d’une demi-heure pour repasser de 10 à 80 % ne rebutera probablement pas l’ultra-riche et ne constitue pas vraiment un problème. Ou plutôt si : celui de devoir supporter l’odeur épouvantable dégagée par la grosse canette de Monster lors de son ouverture par mon collègue Adrien Raseta dans la boutique adossée à la station de charge. Une séquence hélas censurée par mon collègue dans la vidéo publiée dans cet article, magré mes vivres protestations.
Au volant d’une machine aussi apaisante, d’ailleurs, difficile d’éprouver de la fatigue même en conduisant jusqu'au bout de la nuit (au passage, les aides à la conduite semi-autonome fonctionnent très bien). On a même pu dormir dans la voiture très confortablement : le Dacia Duster Pack Sleep, c’est ringard (et il n’y a même pas de ciel étoilé à bord).

Terminons enfin par louer le réseau de charge rapide français autoroutier, irréprochable lors de notre voyage, au contraire de celui de l’Allemagne : non seulement ce dernier impose de quitter l’autoroute pour trouver des bornes rapides (il n’est pas rare de ne trouver qu’une borne à 50 kW sur les aires), mais on a aussi expérimenté une station de charge rapide bridant la puissance maximale délivrée à 60 kW pour une raison inconnue.
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