Entre l’Europe et l’Amérique, le cœur de Stellantis bat-il plutôt pour le nouveau monde ?
On pourrait le croire en comparant les investissements réalisés là-bas aux annonces de chômage technique d’ici. Mais le groupe a fait ses comptes et l’Amérique est beaucoup plus rentable que la vieille Europe.

Les salariés français de Stellantis, qui avaient accueilli la nomination d’Antonio Filosa avec réserve au printemps dernier, risquent d’être confortés dans leurs doutes.
Sauf qu’ils redoutaient une mainmise de l’Italie sur leur groupe puisque le nouveau boss est d’origine milanaise et que le PDG, John Elkann, est l’héritier de la dynastie Agnelli. Ils se sont trompés de pays et même de continent. Car c’est en Amérique que la galaxie de 15 marques entend mettre le paquet, en investissant pas moins de 10 milliards de dollars selon l’agence Bloomberg.
Une relocalisation de la production
L’idée de renflouer ses marques américaines (Jeep, Dodge et même Chrysler) n’est pas tout à fait nouvelle. John Elkann a pris les devants il y.a plusieurs mois. À peine Donald Trump investi en janvier, le président de Stellantis était dans le bureau ovale pour plaider sa cause et annoncer que son groupe allait poser 5 milliards sur la table et faire marche arrière.
Car Carlos Tavares n’avait de cesse que de délocaliser la production ? Elkann va faire l’inverse, manière de couper court aux taxes douanières que le nouveau président des États-Unis agitait dès son arrivée à Washington.
Ce sont donc 5 milliards de plus qu’Antonio Filosa va annoncer dans les prochaines semaines. Ces sommes, évidemment réparties sur plusieurs années, seront destinées notamment à l’ouverture, ou à la rénovation, de plusieurs usines dans le nord est des US.

Surtout, au-delà de cette somme, plus que conséquente, les investissements de Stellantis ont également une portée symbolique. C’est une page qui se tourne, un énième virage à 180 degrés par rapport aux options prises par Carlos Tavares. Notamment du côté de Belvidere dans l’Illinois. En 2023, le patron portugais a tout simplement décidé de fermer cette usine emblématique de la région qui, dans les années 80, employait près de 5 000 personnes.
Carlos Tavares a décidé il y a deux ans que les Jeep Cherokee fabriquées dans l’Illinois iraient se faire voir au Mexique ou le nouveau modèle, en plain lancement ces temps-ci est lui aussi assemblé. L’unité de Belvidere a fermé ses portes dans la foulée et les 1 500 salariés qui y travaillaient encore ont été licenciés.
Stellantis a donc fait marche arrière, comme si, deux ans après sa fermeture en 2013, l’usine PSA d’Aulnay avait à nouveau ouvert ses portes. Ce n’est pas le Cherokee qui y sera relocalisé, mais un nouveau pick-up Ram. 1 500 salariés seront recrutés pour faire renaître les chaînes de montage.
Mais Belvidere ne sera pas seule à profiter des 10 milliards d’investissements. Les trois usines du Michigan, à Sterling Heights et Detroit, devraient elles aussi être rénovées et accueillir de nouveaux modèles comme le Dodge Charger thermique et même, qui l’eût cru, de futures autos de la marque plutôt moribonde Chrysler.
L’Amérique grande gagnante financière
Relocalisation, pari sur le retour de marques mal en point : de quoi faire rêver la partie européenne de Stellantis ou la tendance est plutôt à l’inverse puisque pas moins de cinq sites vont fermer durant une semaine ou plus, histoire d’écouler les stocks. Quant aux marques en difficulté, les investissements consentis dans la vieille Europe pour maintenir à flot Maserati ou DS, n’ont pas vraiment la classe américaine, ni la même dotation.
Faut-il pour autant y voir un dédain du groupe pour ses marques et ses usines de la vieille Europe ? En fait, Stellantis s’est contenté de faire ses comptes. L’an passé, sur notre continent, le groupe a réalisé un chiffre d’affaires de 59 milliards d’euros avec près de 127 000 salariés. Aux US, avec un effectif de 75 500, il en a réalisé 63 milliards d’euros. Et nul doute que même en relocalisant la production aux États-Unis, ce rapport ne s’inversera pas.
Si on ajoute à ce constat basiquement économique un virage électrique ramollo et des enjeux environnementaux pas très rigolos, on obtient l’équation logique qui pousse le groupe à investir de l’autre côté de l’Atlantique sur la seule foi de la finance, au détriment de tout autre critère, social ou environnemental. En espérant simplement que l’argent gagné là-bas serve aussi à préserver les emplois d’ici.
Déposer un commentaire
Alerte de modération
Les données que vous renseignez dans ce formulaire sont traitées par GROUPE LA CENTRALE en qualité de responsable de traitement.
Les données obligatoires sont celles signalées par un astérisque dans ce formulaire.
Ces données sont utilisées à des fins de :
Vous disposez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement de ces données, d’un droit de limitation du traitement, d’un droit d’opposition, du droit à la portabilité de vos données et du droit d’introduite une réclamation auprès d’une autorité de contrôle (en France, la CNIL).
Pour en savoir plus sur le traitement de vos données : Politique de confidentialité
Alerte de modération